Citations de Fabienne Raphoz (30)
Sur Sainte-Hélène…
Sur Sainte-Hélène
il y eut
un coucou
de Sainte-Hélène
il y eut
une huppe
de Sainte-Hélène
Il y eut
un râle
de Sainte-Hélène
Sur Sainte-Hélène
il y eut aussi
un pigeon bleu
On peut encore trouver
un pluvier
de Sainte-Hélène
sur Sainte-Hélène
&
JONATHAN
188 ans
[Tortue géante des Seychelles]
il se distingue…
il se distingue
à son aile déchirée
j’ai pris l’ami
de passage
le compagnon
de vie
pour témoins
les éthologies diraient
c’est un individu
usé
il est revenu
trois matins
c’est une relation
seuls les chants…
seuls les chants
même précoces
nous consolent
des chants per-
dus
Ramier défie…
Ramier défie le lent élan claquant de l’aile
puis plane
Sous l’alouette lulu dégringolant sa flûte
labile
Il n’y aurait finalement que ça au monde
et toi
Puis les vents chassant les chants charriant mer comme
menace
Fauvette…
Fauvette !
si mon chant
était semblable
au tien
j’aurais trouvé
le ton juste
petits carrés
de bleus
posés là à
deux
mains
[Pour Lucatti]
C’est l’heure…
C’est l’heure élé
onore l’insecte remonte au ciel
de la prise au bec l’
élé
gance se tord en
vol
l’alouette huppée aiguise un chant
de terre
sur les ruines (des palais ?)
le Minoen a vu l’enfant couché l
a larme cor
moran
porterait plainte sur l’eau une
permanence de pierre travaille la
mer la
mer !
ce familier dans le nouveau
ce nouveau dans le familier
un faucon ?
[Xérocambos – 2700 av. JC-2019]
Comment traduire « avec dextérité » en langue oiseau, plus agile du bec que de la main droite ?
Dans les guides de terrain, chacun traduit de l'oiseau vers l'homme comme il peut, selon une norme phonétique plus ou moins respectée. Infinie romancière de ses verbes déclaratifs, la pie-grièche kschè-kschè-kschè ou tché-tché, tchu-èc tchu-éc, quand elle ne grèè grèï, vètt-vètt, hak-chak-chak pas, voire, prend l'accent de sa Majesté quand elle krew (prononcer crou mouillé, la bouche un peu pincée) ou qu'elle chak-chee-chaar.
Le journal fausse le passé, au moment de sa lecture, il force le souvenir. C'est un paradoxe temporel : écrit dans l'instant pour ne pas perdre l'instant, il laisse se perdre tous les instants qu'ils n'a pas consignés. Parfois, le journal fonctionne, à la manière du carnet, comme un déictique, un propulseur, la note lacunaire ouvre un champ que le poème, même condensé, saura, ou ne saura pas, exprimer, mais s'il est trop rédigé, le fragment se suffit à soi-même.
« charivari des varis ! »…
« charivari des varis ! »
dit l'enfant
makis & sakis se planquent
l'atlas éteint s'est rendormi
le crocodile ouvre sa gueule
il est huit heures
enfermé…
enfermé
l'œil fertile
les expose
toutes les bêtes
de la Tête
puis les libère
du toit ‒ trop
plat
l'abricot…
l'abricot jute le monde
en main
jusqu'aux yeux
infiniment
s'oublie
le tempo
toute une montagne…
toute une montagne
aux pieds
la main
prend le relai
le vol…
le vol
précède
la fenêtre
les murs
font
semblant
elle avance
bleu n'est vif…
bleu n'est vif
qu'au vol martinet
(de la fenêtre)
elle dort
sommeil éveille un peu
l'oiseau tremblant
sa main
Cuculiformes
(Musophagidés)
Tous les touracos sont africains
Tous les touracos sont huppés
Tous les touracos ont quatre couleurs ou plus sauf le Touraco
concolore le
Touracos à ventre blanc le Touraco gris le Touraco à queue
barrée
Nous avons longtemps appelé le Touraco violet en vain
Le Touraco doré est vulnérable
Le Touraco de Ruspoli est en danger
Psittaciformes
(Cacatuidés)
Tous les cacatoès sont australasiens
Tous les cacatoès sont très huppés
Le Cacatoès funèbre a l'œil de feu et la queue solaire
Le Cacatoès noir a l'œil de feu et la tête en l'air
Le Cacatoès banksien fait la nuit les étoiles et le matin
Le Cacatoès rosalbin aurore le ciel australien
Le Cacatoès rosalbin lui commun se porte bien
Le Cacatoès à rectrices blanches Le Cacatoès de Baudin le
Cacatoès blanc
Le Cacatoès à huppe rouge sont vulnérables
Le Cacatoès soufré est en danger
Le Cacatoès des Philippines est en danger critique d'extinction
Au moment précis où je commence ce livre, le 30 juin, 9h38, un Troglodyte mignon est à peu près le seul de sa classe à percer le silence. Son chant, qui alterne les modes majeur et mineur, est rythmé par les gouttes d’une pluie continue dont le timbre varie selon leur densité et le support qui les accueille, feuilles de frêne ou de tilleul, gravier, friche, vitre
ouvrir la fenêtre et dire, voyez, un monde existe
PROCELLARIIFORMES
(Diomédéidés)
Extrait 3
L’Albatros brun sourit tout le temps
L’Albatros d’Amsterdam l’Albatros à nez jaune l’Albatros à sourcils noirs l’Albatros à pieds noirs l’Albatros de Buller l’Albatros des Chatham l’Albatros à tête grise l’Albatros de Laysan l’Albatros fuligineux l’Albatros de Salvin l’Albatros à queue courte l’Albatros à queue blanche l’albatros brun l’Albatros royal l’Albatros hurleur des Galapagos : tous les albatros sont vulnérables, en danger ou bientôt menacés