Citations de Fabrice Melquiot (72)
La clef des champs
(...) Je voudrais à coups d'alène rouvrir la cicatrice d'enfance
Entre tes yeux de résine
A coups de lents baisers
Te relancer
A l'aide d'une parole vraie
Oubliée des moissons où nous aimion mentir
Par goût des fées
Je voudrais d'un anneau sigillaire ou saturnien
Laisser l'empreinte de mon coeur noir
Au bas de ta page
A tes pieds
(...) (p.54)
Transporter des longueurs.
Tu revois Albert Einstein
Dans un pub vachement bien tenu
Une autre ville
Une dernière fois
Tu lui demandes un compas un décamètre un crayon
Il te les donne à condition que tu lui paies une pinte
Alors tu lui paies
Il te tapote l'épaule super sympa comme si tu étais son fils
Et pourquoi pas tu te dis le fils d'Einstein ouais ouais
Vous êtes vachement seuls après tout comme on l'est quand
on est père et fils
Tu prends tes instruments
Et sur le zinc
Tu calcules l'écart entre ce que tu aurais dû être
Ert ce que tu deviens...
Voilà
Albert trouve ton calcul vachement fort
C'est sûrement ton père (p.51)
Je voudrais que chacun sente combien la poésie est l'obsession de tous.
[A la crèche] je déchire les pièces des puzzles pour les rendre plus compliqués. (p. 72)
De caresse en caresse
Tu repriserais le temps
A l'aiguille de tes ongles
Tu dirais
Ne regarde pas ta montre
Nous l'avons tout entier
Le temps
Tout entiers, il nous aime
Sans réclamer nos papiers
Crois moi
Crois moi
Je n'aurais pas le choix
Je te croirais sur le champ
Sans foi, ni discussion
L'aiguille de tes ongles cesserait
De tourner
L'aiguille
Tu l'aurais enfoncer avec méthode
Dans la pupille du temps
Pour repriser son regard
Envahi
Dévasté
Repris à zéro sur la ligne de vie
Un couteau de bois sculpté surgirait
De ta poitrine
Pour sonner glas ou matines
Je l'écouterais chanter
L'éternité relative des banquises
Je remonterais dans ma chambre
Et face au miroir
Je dirais
Il n'est peut être pas trop tard
Dans cet état
Tu sais
Et les beautés de la terre
Les beautés de la terre
Elles me feraient
Un enfant
TERMINUS
Le monde court entre les arbres
De matin en matin
Se poursuivant lui-même
Comme le chasseur et le gibier
Vont à la mort du même pas
Le monde est une proie qui l'arme au poing
Se pleure dessus
Vois-tu ?
Je suis au terminus
Avec ma gueule
Choreute éteint de son plein gré
J'attends encore
De soir en soir
La vie sans armature
Fenêtre sans petit-bois
Instants de cristal brisé
Le monde passe comme une biche ou son tueur
Je suis le gardien du phare de ta voiture
J'attends qu'il m'éclaire
Sur la beauté du cadavre
Et le prix de la course
[....]
Et je suis aspiré par le fond
Aspirés, mes muscles qui se laissent
Caresser par l'eau comme
De petits animaux de compagnie
Aspirés, mes rêves d'humain debout
Parmi les humains debout
Je suis l'humain défait qui,
Par trente mètres de fond,
Va vers le poisson ogre
Va vers le grenadier
Je retiens mon souffle
Va vers le revenant
Je retiens mon souffle
Va vers le requin grande gueule
Le dragon à écailles
Je retiens mon souffle
Va vers le poisson hachette triste
Comme une pierre
Va vers la grande rouge
Va vers le kraken
Je retiens mon souffle
Vers les Néréides et le requin lézard
Vers les Néréides et le crabe araignée
Vers les Néréides et le poisson vipère
Je retiens mon souffle
Chute libre
Je glisse, je glisse, je glisse
Chute libre
Je suis doux avec moi même
Et la mer est douce avec moi
Chute libre
Feuille morte saisie par la mer
En plein vol
En plein vol
Je suis calme
Je suis peu
Je ne suis rien
Jeune ou vieux
Je ne sais pas
Je suis bien
Je suis seul
Je pense à toi
Je
Je suis
Tu sais
[...]
ça y est
Je
Je descends
Adieu soleils
Je suis calme
Satellites, adieu
Je suis peu
Je ne respire plus
Je ne suis rien
Je retourne le ciel en imitant les morts
L'eau fait pression sur ma cage
Je ne l'ouvrirai pas avant la fin du vol
Entre les molécules
Je m'insinue dans mes propres limites
Je suis bien
Je
Je suis
Dans cet état
Tu sais
Je pense à toi, à toi
Et tes petits miaulements de coeur brisé
A tout ce papier brouillon
Jeté dans la corbeille
A notre don pour le gâchis
Je descends là où je m'attends
Là où
Où je m'attends
Avec dans la main
Quelque chose de toujours neuf
Quelque chose de neuf
De vraiment neuf
Tout l'embarras qu'on sent
Dans ce
Quelque chose
Je rêve d'une bulle d'air
Qui contiendrait tous les rêves
Et dans une autre bulle
Leur réalité
Dans mon sillon
Le monde monterait sans court circuit
Vers les étoiles
Il embrasserait les nuages
Et les rivières
Les prologues délabrés
Et les fleuves de l'Ouest
ça ne ferait pas grand bruit
Juste un clapotis régulier
De coeur qui bat
" Il faut bâtir sur le vide !"
Il y a des tas de façons de dire à des parents : "Vous l'avez sacrément raté, votre gosse". (p. 66)
(...) je serai fille et garçon
Tu seras fille et garçon
Nous serons les autres
Nous aspirerons à rassembler l'Humanité dans
Une chambre à six cents euros
par mois
Nous échouerons en crevant les édredons
Gosses trop punis
Je vais tomber
Je vais
Je vais m'en vouloir
Je vais m'en vouloir de tomber d'être tombé
Je vais
Je me connais
Je vais taper du pied contre moi-même je tape déjà du poing
Est-ce que tu me relèveras ?
Est-ce que je te relèverai ? (p.79-80)
Je te vois
Quand
Tu traversais les incendies de l'été
Plus dangereuse que le vent
Je te vois
Sur le seuil de la cabane
Tu avais enfilé à la hâte
Une robe de coton biodégradable
A même la peau
Je te vois
Sans rien dessous
Tu te fichais de l'avoir
Longtemps portée
Je regardais l'effet de la fumée
Sur ta silhouette
En me demandant combien de temps
Il nous restait
Tes carphones
Comme deux greffes mutantes
Je me demandais ce que tu écoutais
Presque nue
Brûlée
Enfuie, déjà, enfuie
D'abord, je dois me trouver un nom d'écrivain. (...)
"René Char-Dassault", ça pète bien. Un peu long. Gavalda : trop féminin. Govoldo. "BHL Govoldo", c'est la classe internationale.
p(. 50)
Partout / Je vois des gens heureux / Ils boivent, accoudés aux tables des bars / Ils chantent / Se tapent sur l’épaule / S’embrassent /Ils se regardent au fond des yeux / Et se disent des mots incroyables / Des mots comme amour et bonheur / Caramel et scintillement / Ils se promènent / en se donnant la main / Moi je suis / Seul / Toujours seul / Pourquoi je suis seul ?
Corps au ralenti
Au ralenti
Ralenti
Chute libre
Je retiens mon souffle
Je suis calme
Je
Je suis
Je suis peu
Rien
Rien du tout
Je ne suis rien
Jeune
Vieux
Jeune
Pourtant
Quand tu m'as pris la main
Une fois
A Sète ou Saint-Sébastien
Je me suis mis à parler cinq langues
Cinq langues d'un coup
Dans le creux de ta main
Elles nichaient
C'est fou, l'effet que tu me faisais
Quand tu l'as lâchée
Ma main, quant tu l'as lâchée
Un pigeon m'a chié dessus
Là
Sur le haut du crâne
Il a chié, ce con d'oiseau
Alors je me suis dit
Oui, c'est vrai que ça ne dure
Pas longtemps, la vraie vie
[....]
Là-bas, un lilas des Indes
Abrite un muret
Et sur sa dentelle de lichen
Deux garçons, l'un contre l'autre
Echangent un rire contre une caresse
Une caresse contre un rire
Un rire contre une caresse
Une caresse contre un rire
Que tu m'as donné ?
Je ne suis rien
Jeune ou vieux
Je ne sais pas
Que n'ai je su prendre ?
Que je n'ai
Su
Prendre ?
Je ne sais pas
Déclinez, satellites, déclinez
Vaisseaux délaissés
Etoiles errant à mille-deux-cents
kilomètres par seconde
Mille-deux-cent kilomètres
Planètes du diamant
[....]
Je ne suis ni poète
Ni philosophe
Je viens sans autre don
Que ma respiration
Et le contrôle de mon esprit
La beauté thoracique
Qui me fait un socle
Et le désir des abysses
Les abysses
Ah
Les Abysses
Mon souffle
Je ne réclame pas d'en faire
Un discours
[..........................]
Moi, les rêves, je voudrais en faire mon métier. Qu'on me paie au bureau juste pour ça. Parce que derrière tes yeux, quand tu rêves, c'est toute une vie qui passe. Et souvent c'est une vie mieux que la vie, parce que c'est impossible.
L'Europe sera toujours l'idée la plus vieille et la plus neuve.
Je suis sur le pot, comme si j'étais le roi Félicien Moutarde assis sur son trône. Je suis le roi, je peux faire caca en public. Je peux péter 21 fois. Et là, je découvre mon superpouvoir. Par hasard, comme dans les films de superhéros. Je pète 21 fois et je rends invisibles les gens autour de moi. C'est ça en gros. Quand je pète, y a plus personne. J'aime la solitude du pot !