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Critiques de Fernando del Paso (5)
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Noticias del Imperio

D'une composition sophistiquée, ce brillant roman s'ancre dans l'Histoire pour dire l'obsédante mémoire du suicide de Maximilien de Habsbourg, durant le second empire mexicain, opposant l'idéal aristocratique de l'empereur à la réalité indigène de Benito Juarez qui mit fin à l'empire et devint chef d'Etat. L'heure de construire l'identité nationale de Mexique advint avec la tragique destinée de Maximilien.



Ce grand classique des Lettres mexicaines est un roman chorale où l'écriture polyphonique convoque la diversité des perspectives, des points de vue et des langages, décrivant un monde mexicain complexe et plein de dissonances. Ce qui est particulièrement réussi par l'auteur est ce talent à revenir, malgré les voix voix multiples, à la dimension personnelle de l'être humain et son histoire.



Face à la menace complexe de l'Histoire et à la précarités des êtres et de leur existence, Fernando del Paso oppose les forces de la vie et la dynamique de l'écriture. Un roman magistral.
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Palinure de Mexico

Le Palinure de Fernando del Paso est un univers narratif en soi, véritable jeu de piste époustouflant, d'une érudition hors du commun, conviant le lecteur à partager un délire littéraire dans la cour des miracles qu'est Mexico. Fernando del Paso trace la trajectoire d'un étudiant en médecine, amoureux fou de sa cousine, qui achève son périple, en octobre 1968, lors des évènements de la place des Trois-Cultures à Mexico.

Tout est navigation à la dérive dans cette œuvre, les déclinaisons et variations transforment phrases, chapitres et paragraphes, avec le corps et l'amour pour ancrage. Dans ces pérégrinations cauchemardesques, c'est la dynamique érotique qui fait triompher la vie.

L'auteur explore avec jubilation une multitude de procédés d'écriture, dont la poésie, pour exorciser les risques d'éclatement et de morcèlement du corps. A la menace de l'histoire, la fragilité des êtres et la précarité de la condition humaine, Fernando del Paso multiplie les lumières du rêve et de l'érotisme, invitant une inépuisable dynamique du langage : pour lui, l'écriture dit les forces de la vie.
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Palinure de Mexico

Palinure est un personnage de l'Énéide. Virgile nous dit de lui : «une seule victime pour le salut de beaucoup». Neptune avait exigé d'Énée une victime expiatoire en échange de son aide pour que la flotte du Troyen puisse atteindre en toute sécurité les côtes italiennes. Compagnon et pilote d'Enée, une nuit où il était à son poste, endormi à la barre par un sortilège envoyé par le dieu, Palinure tomba à la mer. Il n'eut donc pas de sépulture, ce qui était l'un des plus grands malheurs qui pouvait arriver à quelqu'un dans l'Antiquité gréco-romaine. Ensuite, lorsqu'Enée sera descendu dans l'Hadès en compagnie de la Sybille de Cumes, celle-ci prédira à l'âme tourmentée de Palinure qu'un cénotaphe serait érigé un jour en sa mémoire sur la côte campanienne.



Et «Palinuro», qui est-il dans le roman homonyme de Fernando del Paso ? le narrateur ? Un double du narrateur ? Son frère aîné mort à huit mois de gestation dans le ventre de sa mère ? le frère de Fernando del Paso, décédé lui aussi quelque temps avant la naissance de l'écrivain?



Si l'on peut légitiment présumer au début du roman que la première et la troisième voix de narration utilisées à tour de rôle pointent au moins deux entités, à la fois séparées et réunies, âmes non pas jumelles, mais pour ainsi dire siamoises, distinctes quoiqu'irriguées simultanément par quelques «kilomètres d'une tuyauterie sanguine» partagée, très rapidement la question de savoir qui raconte quoi deviendra accessoire pour le lecteur, pour ne pas dire superflue...



En effet, à l'image d'une des tantes du (des) narrateur(s), Luisa, qui après avoir rencontré l'amour à Paris, l'avoir perdu au Mexique, où ce dernier venu la rejoindre avait été sauvagement assassiné, déciderait malgré tout de rester à Mexico mais en vivant au quotidien à l'heure de Paris, l'on s'habituera à accepter sans problème cette transitivité possible entre les choses, conception facilement vérifiable par simple démonstration poétique, «qu'une chose peut être elle-même et autre chose en même temps, ou plusieurs à la fois» ; qu'un cénotaphe, par exemple, peut être un monument funéraire sans mort, ou qu'une histoire soit racontée par «une personne qui peut être d'autres personnes en même temps, et aucune d'elles»...

Dans l'«Interprétation des Rêves», Sigmund Freud ne nous avait-il pas d'ailleurs appris que tous les personnages d'un rêve peuvent représenter une seule et même personne, avatars plus ou moins reconnaissables du rêveur lui-même ?



PALINURE DE MEXICO, il est vrai, plutôt qu'à un récit réaliste ou réaliste-magique habituels, pourrait faire penser davantage à un long «rêve éveillé», construit à partir de «restes» biographiques de son auteur/narrateur et nourri par ses projections fantasmatiques : élucubrations oniriques d'un cogito mis temporairement en veille alors que le courant créé par cette tension située entre l'organique et le psychique qu'on appelle «pulsions» continuerait, lui, à circuler activement dans l'espace mental instauré par le roman.



Malgré son aspect extravagant d'orgie langagière, superlative et pléthorique, dédiée au «cercle absurde, obscur, magnifique et vicieux de la vie» (selon la formule du «cousin Walter», l'un des avatars certainement les plus prolifiques du narrateur), PALINURE DE MEXICO tels les rêves, ou l'inconscient d'où ceux-ci extrairaient toute la richesse symbolique et l'essentiel de leur énergie créatrice, se révélera être, cependant, selon la célèbre formulation de Lacan, parfaitement «structuré comme un langage», d'une cohérence interne à toute épreuve!



PALINURE DE MEXICO relève d'une pure performance littéraire qui m'a personnellement laissé pantois: Pororoca littéraire risquant de charrier, et de jeter quelquefois à terre, un lecteur à moitié sonné par une telle puissance péristaltique, par une mécanique parfaitement huilée accouchant à tour de rôle, sans discontinuer, de flots amazoniens de verve discursive et de prose poétique, d'érudition et de culture d'almanach, de lyrisme et de truculence, de farce picaresque et de sagacité pénétrante, ce sur près de huit cents pages bien tassées (coll. «Points Poche»)!



C'est ainsi par exemple, qu'après des passages s'attardant sur la passion fusionnelle et dévorante née entre le narrateur et sa cousine Stéphanie, distillant un champ lexical très prolifère, romantique et primesautier, susceptible de ravir des adolescentes chlorotiques cherchant une bonne raison pour ne pas mettre fin prématurément à leurs jours, PALINURE DE MEXICO n'hésitera pas à enchaîner sur le récit de juteuses étreintes sexuelles, de phantasmes érotiques décomplexés, ainsi que d'autres divagations et errements libidinaux polymorphes plus ou moins crus provenant de l'esprit tordu de son narrateur et de sa bande d'avatarés - ou encore à alterner des chapitres où l'hypermnésique «cousin Walter» égrène à un rythme encyclopéen des connaissances de toutes sortes qu'il emmagasine et débite frénétiquement, ou bien soutient, comme lors de son exil temporaire à Londres, des thèses d'une hauteur de vue philosophique à faire pâlir tout un cénacle de penseurs allemands, avec d'autres chapitres où le «frérot Malkas » du narrateur, Grand Masturbateur «dont la manie branlatoire lui faisait craindre de mourir de la maladie de Parkinson », adepte par ailleurs de savoirs foutraques et de tout un tas d'autres jeux outranciers, développera avec délectation ses thèses sur l'onanisme, ou autour de cette discipline beaucoup moins connue que la Médecine, la Pétologie, déclinant volontiers les grandes étapes de son histoire, depuis l'empereur Claude qui « voulait, selon Suétone, légaliser par un édit l'émission de pets en tous lieux et circonstances», en passant par « l'ars honeste petandi in societate » de Pantagruel, ou enfin ce curieux traité éventé par D'Alembert, nommé «Réflexion sur la cause générale des vents», avant, naturellement, de lui proposer de participer à une expérience scientifique prouvant le caractère flammigère de ces derniers.



C'est après avoir quitté le Mexique, depuis Londres et par la voix du cousin Walter, que le narrateur réalise qu'il rêve d'écrire un roman «de tous les points de vue imaginables», « y compris physiologique ou physico-chimique», conçu non seulement et ainsi que le préconisait Henry James, comme «un organisme vivant», mais «aussi maladif, fragile et défectueux qu'un organisme humain, et en même temps aussi compliqué et magnifique», un livre non pas «à la peau apollinienne, à la peau lisse et blanche (...) mais un livre écorché, un livre dionysiaque qui affirmera triomphalement la vie avec toute son obscurité et son horreur». Si Fernando del Paso avait en fin de compte été le seul dans cette affaire à ne pas avoir entamé de vrais études de Médecine, il semble, comme le cousin Walter, avoir compulsé un nombre incalculable de manuels spécialisés et d'ouvrages sur l'histoire de la Médecine durant la rédaction du roman (initiée au Mexique et terminée à..Londres)!



Roman d'apprentissage prenant donc pour point de départ le microcosme existentiel d'un étudiant de médecine, son histoire personnelle et familiale (inspirée en partie par des épisodes de l'enfance et de la jeunesse de l'écrivain), sa passion éhontée et impudente pour sa cousine, ses idéaux de jeunesse et sa quête de sens à la vie, PALINURE DE MEXICO se révélera également une épopée moderne, haute en couleur, en lyrisme et en onirisme, reliée et tributaire de l'héritage légué par l'histoire de la littérature occidentale à qui elle ne cesse de rendre hommage – « de Rabelais à Joyce » (selon les mots très justes d'un critique au moment de sa parution en France), en passant, y rajouterais-je, par Swift , la Commedia dell'arte ou le mouvement surréaliste.



Sur fond de l'histoire tumultueuse et violente, passée et présente, de la nation mexicaine (l'action est située en 1968, année où la police avait ouvert le feu sur des étudiants rassemblés sur la place Tlatelolco à Mexico), incluant notamment le legs européen important rajouté au creuset des cultures ayant contribué à sa formation , PALINURO DE MEXICO affichera par ailleurs une ambition totalisante et décomplexée (et en faisant par la même occasion courir un véritable marathon surchargé d'images, prodigieusement métonymique et oulipien, à un lecteur risquant d'être parfois obligé de faire quelques breaks, respirer un bon coup, avant de s'y replonger !!!) lorsque, essayant de tenir à bout de bras le tout, l'universel, il aspirerait comme le cousin Walter, à décliner la réalité sous tous les points de vue imaginables, ainsi que l'indiquera d'ailleurs, en toutes lettres, le titre de son vingt-cinquième et dernier chapitre-chant : «Toutes les roses, tous les animaux, toutes les places, toutes les planètes, tous les personnages du monde»!!



Ouf ! On y arrive, je crois! Vraiment..?



Ce qui est sûr en tout cas, c'est que je ne conseillerais pas cette lecture tous azimuts, et d'autant moins à ceux qui n'apprécient pas particulièrement le style poétique churrigueresque dont l'auteur fait largement preuve ici.

La surabondance est en effet, à mon sens, l'unique reproche raisonnable qu'on pourrait faire à ce roman magnifique, chef d'oeuvre de l'écrivain et prix du meilleur livre étranger en France (1986).



Un défaut de fabrication d'ailleurs pleinement assumé par l'auteur et cohérent avec sa filiation dionysiaque.



(Et si jamais il vous arrivait en le lisant, d'avoir quelques pulsions poéticides ponctuelles, ne vous inquiétez pas, c'est tout à fait normal!)



¡Que viva México!

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Palinure de Mexico

"Et avertis l'esprit de Faust qui galope à travers les espaces", telle est l'ultime injonction sur laquelle se clôt ce Palinure de Mexico. Diantre! Que ta plume a galopé Fernando! Qu'il nous fut difficile de suivre l'amble de ton esprit de démiurge !



Palinure veut suivre la carrière du mythique Asclépios, collectionne tous les objets et ustensiles nécessaires à la pratique de l'art, mais il n'a pas le cœur assez solidement accroché pour ce faire, déambule en la faculté de médecine, se gargarisant de mots savants, le crayon à la main, revisite les chefs-d'œuvre plastiques, façon planche anatomique, et échoue finalement dans une agence de publicité. Singulier produit d'une famille d'originaux, il connait sa cousine au sens biblique du terme, et dans sa chambre d'étudiant s'adonne à des joutes oratoires, iconoclastes et dada avec ses camarades.



Les mots manquent pour qualifier un tel objet tant la tentation d'hyperboliser est grande. Disons que le roman est composé de chapitres qui, chacun, s'apparente au morceau de bravoure. Les grandes figures baroques du roman sont ici invoquées : Rabelais, Swift, Sterne, Joyce et tant d'autres. L'imagination formelle de l'auteur, alliée au ludisme total de l'exercice, en fait une œuvre à part. On pourrait dire que dans la radicalité de son exubérance ébouriffante (hyperbolisme nous voilà !) le Palinure de Del Paso serait digne d'être encapsulé, en tant que représentant de la littérature latino-américaine, pour un envoi avec d'autres échantillons de la production fictionnelle des hommes, bouteille à la mer intergalactique, à destination des entités extraterrestres, testament de notre espèce depuis longtemps disparue. Avertissement préliminaire : la forme échevelée du récit, le penchant de l'auteur pour l'énumération jaculatoire, éructante et érudite, confine à l'ad absurdum voire à l'ad nauseam, avec des fortunes diverses, selon le chapitre et le lecteur. Mais ça n'est pas aussi hermétique, élitiste que Joyce, loin s'en faut. Une chose est sure, l'indifférence est impossible en face d'un tel ouvrage. Pas de moyen terme : ce sera "oeuvre culte" ou "farsi il culo".
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Palinure de Mexico

C'est un texte foisonnant que j'ai lu il y a preque 30 ans, et dont je garde dans les méandres de mes ordinateurs une belle longueur de citation.

Mais je me souviens parfaitement de l'effet que ce texte a fait sur moi, et de son rythme.

J'en ai écrit un "à la manière de" :

http://lyjazz.cheminsinstantanes.fr/post/2008/10/03/A-la-maniere-de3



et un "je me souviens", plus complet, chez Martin Winckler




Lien : http://wincklersblog.blogspo..
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