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Citations de François Delpla (15)


Hitler cite Schopenhauer (1788-1860) avec révérence dans Mein Kampf, mais une seule fois, et uniquement sous l'angle de l'antisémitisme. Or il a répliqué un jour à Leni Riefenstahl, qui voyait en lui un disciple de Nietzsche : « Schopenhauer a toujours été mon maître. » Et d'expliquer :

« Nietzsche ne mène pas loin et ne m'apporte pas grand-chose. Il est plus un artiste qu'un philosophe, il ne possède pas cette clarté de cristal des raisonnements de Schopenhauer, cette limpidité d'intelligence. (...) Naturellement, j'apprécie en Nietzsche un génie, qui écrit peut-être la plus belle langue de la littérature allemande. Mais il n'est pas mon modèle. »

Cette confidence n'est attestée que par les mémoires, très postérieurs, de la cinéaste et l'historien répugne à utiliser sans recoupement cette catégorie de documents. Or un matériau de qualité très supérieure, même s'il n'est pas au-dessus de toute critique, va dans le même sens et contient de surcroît une précision chronologique intéressante. C'est Hitler qui parle :

« Dans la grande salle intérieure de la bibliothèque de Linz se tiendront plus tard un jour Kant, Schopenhauer et Nietzsche, nos plus grands penseurs, à côté desquels les Anglais, Français et Américains ne peuvent rien, mais alors rien, aligner de comparable. Kant a l'immense mérite d'avoir définitivement surmonté la scolastique enracinée dans le Moyen Age et dans le dogme chrétien. C'est sur les fondements de sa théorie de la connaissance que bâtit Schopenhauer, envers lequel notre dette est immense (dem wir ausserordentlich viel verdanken). C'est lui qui surmonta la philosophie purement finaliste d'un Hegel, au point qu'il n'en resta rien debout. Pendant toute la guerre mondiale j'ai trimbalé les cinq volumes de ses œuvres avec moi dans mon sac. J'ai beaucoup appris de lui. Le pessimisme schopenhauérien, qui pour lui peut-être ne [découlait] pas seulement de son enseignement et de son système, mais aussi de ses sensations subjectives, fut ensuite surmonté par Nietzsche d'une manière extraordinaire. »

Il s'agit de ce qu'on appelle communément un « propos de table » du Führer de l'Allemagne. Diverses publications en ont rapporté. Les plus sérieusement établis ont été notés, à partir de juillet 1941, sans doute avec le consentement du locuteur, par des secrétaires. Leur authenticité ne fait aucun doute. Seule leur sincérité peut être sujette à caution. En l'occurrence, cette déclaration de mai 1944 ne pouvait guère servir une manœuvre politique. (chapitre 2)
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Parmi les millions d’œufs que pond une mouche, bien peu arrivent à terme –et pourtant la race des mouches est florissante.
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"Dans ma vie j'ai souvent été prophète et on s'est moqué de moi pour cela.A l'époque de ma lutte pour le pouvoir , c'était d'abord la race juive qui accueillait mes prophéties par des rires , quand je disais qu'un jour je prendrai la direction de l'Etat et celle de toute la nation, et qu'entre autre je réglerai le problème juif. Leur rire était tonitruant , mais je pense que depuis quelque temps , leur rire s'étrangle dans leur gorge.
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Le 1er février 1933, dans la déclaration gouvernementale qui accompagne l'annonce de la dissolution du Reichstag, Hitler proclame à l'intention, notamment, du Vatican que le christianisme sera protégé par le nouveau régime, en tant que « base de toute morale ». On peut sans doute voir là un écho de Schopenhauer, tout autant qu'une déformation significative, et encore une hypocrisie flagrante. Le philosophe développe, dans sa brochure sur le Fondement de la morale (1841), l'idée que ce fondement ne découle pas de l'expérience et qu'il est donc de nature métaphysique : c'est la pitié, avatar de la fameuse « volonté »... et elle se retrouve dans la charité chrétienne. On peut donc, sans perdre le fil de la théorie nazie, rendre hommage à Jésus et mimer une génuflexion devant Rome... tout en nourrissant le projet de remiser un jour ces meubles inutiles, vecteurs de la pensée « aryenne » parmi d'autres, plus essentiels et moins ambigus.

Là-dessus, le témoignage de Christa Schröder est éclairant. D'abord par un fait anecdotique : cette jeune personne, qui lisait les philosophes à ses moments perdus, eut un jour la surprise de retrouver mot pour mot, dans une tirade que le Führer était en train de proférer comme étant de son cru, une page de Schopenhauer qu'elle avait lue récemment, et elle eut l'audace de lui en faire la remarque. Il reconnut les faits et expliqua : « Chaque homme ne contribue à l'ensemble des sciences que pour unepart infime » (p. 43-44). Le capitaine Zoller n'a malheureusement pas jugé utile de faire préciser la date de l'anecdote, ni le contenu du passage, et le livre Er war mein Chef, écrit dans les années 80, ne revient pas sur la question. Cependant les paragraphes ci-après, où la secrétaire traite de la philosophie du Führer, pourraient bien traduire à la fois l'influence de Schopenhauer et la liberté que son disciple prenait avec ses conceptions :

« Hitler rejetait tous les concepts philosophiques qui ne s'appuyaient pas sur le matérialisme intégral. Il proclamait que le rôle de l'homme finit avec la mort et se permettait les jeux de mots les plus ordinaires lorsqu'on parlait de la survivance dans un au-delà meilleur. Je me suis souvent demandé par qui, dans ces conditions, il pouvait se sentir appelé à remplir une mission sur terre. De même, je n'ai jamais compris pourquoi il terminait régulièrement ses grands discours par une invocation au Tout-Puissant. Je suis persuadée que s'il agissait ainsi, c'était uniquement pour s'assurer les sympathies de la population chrétienne du Reich. Là encore, il jouait une comédie affreuse. »

Chaque fois que la conversation traitait de la vie spirituelle, il s'élevait en termes cyniques contre le christianisme, dont il combattait les dogmes avec une violence ordurière. Sa conviction se résumait dans cette phrase qu'il a souvent répétée : « Le christianisme a retardé le monde de deux mille ans dans son développement naturel. L'humanité a été scandaleusement exploitée et privée de ses droits les plus absolus. La foi dans un meilleur au-delà a détaché l'homme des réalités terrestres et des devoirs qu'il contracte envers l'humanité dès sa naissance. » (p. 211-212) (chapitre 15)
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« Le ton de la presse antisémite de Vienne me paraissait indigne des traditions d'un grand pays civilisé. J'étais obsédé par le souvenir de certains événements remontant au Moyen Age et que je n'aurais pas voulu voir se répéter. » (p. 56)

Hitler dégoûté par la vulgarité de la presse antisémite! Tenaillé par la honte des pogroms médiévaux, y voyant une tache sur l'histoire de l'Allemagne! Claironnant tout cela dans un livre-manifeste, plus tard répandu par ses soins dans tous les foyers de son pays! On se frotte les yeux, et pourtant c'est écrit. C'est donc fort logiquement que l'auteur note, un peu plus loin, que le ralliement à l'antisémitisme fut « sa conversion la plus difficile ».

Il évoque alors sa rencontre, dans une rue de Vienne, avec un Juif de l'Est, à l'allure bien différente des intellectuels viennois en voie d'assimilation, « un personnage en long caftan avec des boucles de cheveux noirs ». Il se posa successivement deux questions : « est-ce là aussi un Juif ? » puis « est-ce là aussi un Allemand ? ». Beaucoup datent de cet épisode mal situé, mais présenté comme suivant d'assez près son arrivée à Vienne, la fatale conversion. C'est ignorer le paragraphe suivant, où l'auteur écrit qu'il a cherché les réponses dans des brochures antisémites, les premières qu'il ait lues, et que, les ayant trouvées bien sommaires, il est « retombé dans ses anciens préjugés ».

Le récit de la période où il s'en est extrait fourmille d'incohérences. Ainsi, c'est après avoir pris conscience de la malpropreté physique et morale des Juifs (p. 61-62) qu'il aurait découvert que « le Juif était le chef de la social-démocratie » et que « les écailles [lui] tombèrent des yeux » (p. 64). Néanmoins, il aurait encore cherché à discuter avec les Juifs pour les « délivrer » de leur « façon de voir » (p. 66). C'est seulement après l'échec de telles tentatives qu'il « finit par les haïr ». Alors il se serait lancé dans l'étude des classiques du marxisme, pour résoudre une grave question : les fondateurs de la doctrine s'étaient-ils trompés, ou avaient-ils voulu tromper ? Et ce n'est que lorsqu'il eut tranché définitivement en faveur de la dernière solution qu'il cessa d'être un « cosmopolite sans énergie », à la faveur de la « révolution la plus profonde » qu'il ait « jamais eu à mener à son terme ». (p. 69) (chapitre 2)
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Vu les dimensions de ce livre, on se préoccupera surtout, en prenant connaissance des faits rapportés par Kubizek, de repérer si Hitler a déjà quelque chose de nazi. La réponse est largement négative. Il se présente comme un individu soigné, posé, soucieux de se distinguer de la masse. Le contraire d'un baroudeur et d'un querelleur, même s'il peut s'emporter quand on le contrarie. Il suit la vie politique, mais en spectateur, et non pas dans les meetings, mais au parlement de Vienne. Il n'a pas la moindre inclination pour la chose militaire, allant jusqu'à critiquer les frères Wright, concepteurs d'un des premiers avions, d'avoir monté dessus une arme à feu pour expérimenter les effets d'un tir aérien ! Son langage diffère peu de celui d'un pacifiste de RFA dans les années 80 : « A peine a-t-on fait une nouvelle découverte, disait-il, qu'on la met au service de la guerre. » Il est révélateur que, des nombreux auteurs qui ont cité Kubizek, fort peu ont relevé ce passage, et que quand on l'a fait, c'était pour le mettre en doute. Sans doute jurait-il trop avec les préjugés ambiants. (chapitre 1)
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Un temps viendra, peut-être dans des siècles seulement mais il viendra et l'on feuillettera cette histoire de honte et d'ignominie, de misère et d'infamie et l'on s'étonnera que cela ait été de la haute trahison. Alors nous recevrons notre justification. Nous ne serons pas les accusés mais les accusateurs et la postérité nous acquittera et dira : ils étaient les seuls qui ont eu le coura
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Le sentiment d'aversion que les humains éprouvent pour le serpent, la chauve-souris et le ver de terre a peut-être son origine dans un souvenir ancestral. Il remonterait à l'époque où des animaux de ce genre, aux dimensions monstrueuses, effrayaient l'homme préhistorique.
Les rats, j'ai appris à les haïr au front. Le blessé abandonné entre les lignes savait qu'il serait dévoré vivant par ces ignobles bêtes.
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Tout l'intéressait. Il avait besoin des gens, avec leurs tendances contradictoires, leur efforts, leurs intentions, leurs projets, leurs désirs. Il ne se sentait à l'aise que dans cette atmosphère lourde de problèmes. Le village trop monotone, trop insignifiant, trop petit, ne répondait pas assez à son besoin effréné de s'occuper de tout. Une ville, en outre, l'intéressait par le seul fait qu'elle constituait une agglomération de constructions et de maisons. On comprend qu'il n'ait voulu vivre qu'en pleine ville.
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Les premières lignes de Mein Kampf avertissent donc l’Allemagne que celui qui prétend la gouverner un jour en autocrate n’est pas seul. Il n’est qu’un ambassadeur… de l’au-delà, qui a pris récemment conscience de sa mission. Il va, d’un bout à l’autre de sa carrière politique, faire en sorte que toute autorité, dans le parti puis dans l’Etat, procède de lui et ne risque pas de concurrencer la sienne, y compris en tolérant des révoltes limitées puis en les réprimant au moment opportun, ce qui petit à petit convainc chacun qu’il n’est de salut que dans l’obéissance.
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Lorsque le territoire du Reich contiendra tous les Allemands, s’il s’avère inapte à les nourrir, des besoins de ce peuple naîtra son droit moral d’acquérir des terres étrangères. La charrue fera alors place à l’épée, et les larmes de la guerre prépareront les moissons du monde futur.
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Lorsque le territoire du Reich contiendra tous les Allemands, s’il s’avère inapte à les nourrir, des besoins de ce peuple naîtra son droit moral d’acquérir des terres étrangères. La charrue fera alors place à l’épée, et les larmes de la guerre prépareront les moissons du monde futur.
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Pour Schopenhauer, le monde est un spectacle, sur lequel l'homme n'a pas de prise et ne doit pas souhaiter en avoir. Il est régi par un principe universel, inconscient et indémontrable, la « volonté ». Celle-ci n'est, moralement, ni bonne ni mauvaise. Mais pour l'homme elle est plutôt un danger, car elle risque de lui faire prendre des chimères pour des buts désirables.
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Un matériau de qualité très supérieure, même s'il n'est pas au-dessus de toute critique, va dans le même sens et contient de surcroît une précision chronologique intéressante.
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Nietzsche ne mène pas loin et ne m'apporte pas grand-chose. Il est plus un artiste qu'un philosophe, il ne possède pas cette clarté de cristal des raisonnements de Schopenhauer, cette limpidité d'intelligence. (...) Naturellement, j'apprécie en Nietzsche un génie, qui écrit peut-être la plus belle langue de la littérature allemande.
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