Si un jour… si un jour ils arrivaient à m'avoir… je ne veux pas finir dans leurs cimetières… je veux qu’on me mette dans la terre, comme ça, en haut d'un morne, entre les racines d'un arbre… au pied d'un flamboyant, pour qu’il prenne ses forces dans mon sang et pour qu’il étende ses branches dans le ciel… n'oublie pas… un flamboyant, ça met très longtemps à mourir… tu promets, hein ?
Tu vois, les hommes sont souvent plus généreux que les femmes, prêts à tout donner, à sacrifier leur vie. Une femme, elle, ne donne jamais tout. Elle garde son énergie, pour la réussite, pour la survie. Pour intervenir au bon moment.
Partout, désormais, où je me trouverai dans ce pays de mort, songea-t-il. Le danger m’attend sous les arbres et sur les eaux. Il me guette dans l’ombre et sous le soleil, sous la terre et dans le ciel. Partout où je me trouverai, il me suivra. Dans mon sommeil, au-delà des rêves, il me suit comme mon ombre. Il me ronge peu à peu, sans avoir à se montrer... L’angoisse aura raison de moi. Un beau jour, je cesserai de fuir, je baisserai les bras et j’attendrai qu’il vienne à ma rencontre.
Il en avait rencontré aux abords des ports, de ces vieux marins, dont la vie avait inscrit ses souvenirs dans les rides de leurs visages parcheminés. Tous – souvent repêchés après un naufrage tragique et des jours et des jours de solitude sur l’Océan – avaient perdu l’apparence de la raison, mais, dans d’étranges moments de lucidité, ils semblaient voir ce que les autres ne pourraient jamais deviner. Ils étaient passés de l’autre côté du miroir.
Ce pays ?... Si on doit en dire du mal, c’est au Nègre de le faire. Les Blancs, ils y connaissent rien... Tu l’as bien regardé, ce pays ? Il chante comme toutes les couleurs des oiseaux. Ce pays, Captain’, c’est comme une femme jardin. Même quand il tombe toute l’eau du ciel, c’est ses larmes qu’il nous donne. Ce pays, on peut mordre dedans comme dans une mangue sucrée.
C’est une grande fleur en voyage, une fille du fleuve. Elle connaît les secrets de la pluie et du soleil. Elle murmure des chants oubliés. Elle sait réjouir l’âme et le corps. Mais, à elle, il lui manque un mari, un conquérant, un homme venu d’ailleurs. Elle t’attend, ne la déçois pas. Avec elle, peut-être, tu retrouveras ton sourire.
Enfin trouver un havre accueillant. Un endroit où on l’accepterait sans jamais lui poser de questions. De toutes ses forces, il lui fallait exister dans le présent, sans retour sur le passé, sans coup d’œil sur l’avenir surtout. Et ne plus penser qu’à vivre simplement. La seule ambition qui, désormais, comptait.