« Avec la vie sauvage, et les requins en particulier, on ne peut pas tricher. Ils vous permettent de vous découvrir pleinement et de comprendre que notre rapport au monde sauvage pourrait être infiniment riche de paix et de bonheur. »
François Sarano
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**Au nom des requins** de François Sarano :
Vingt mètres de profondeur. L'eau bleu sombre est peuplée de plancton.
Face à moi, Lady Mystery, une énorme femelle requin blanc, soeur des « Dents de la mer » :
5,5 mètres, une tonne et demie. Puissance extrême que rien ne peut arrêter. Scientifique, je ne me laisse pas distraire : je consigne profondeur, heure, sexe et taille. Et soudain, à quelques mètres de l'oeil qui me fixe, je réalise le dérisoire de ces informations, si réductrices qu'elles trahissent la créature indomptée que je cherche à connaître. Comment raconter cette élégance sauvage ? Comment traduire ce que ses sens, profondément différents des nôtres, lui disent de cette rencontre et de l'océan qui nous entoure ?
Je me coule contre son flanc. Nous nageons épaule contre nageoire. La distance qui nous sépare ne se mesure pas en centimètre, elle se mesure en confiance réciproque. Minute d'éternité. Nous ne faisons qu'un corps. Je suis en paix. Rencontre authentique, sans calcul, qui procure la joie profonde de communier avec la vie.
https://www.actes-sud.fr/catalogue/nature-et-environnement/au-nom-des-requins
#mondessauvages #nature
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Une rencontre avec un animal sauvage, c’est quelque chose de viscéral, de primal, ça se vit avec le cœur, les yeux dans les yeux ; cela s’éprouve avec tous ses sens. Ça vient du fond du corps. Ce n’est pas quelque chose de cérébral ou d’intellectuel. On est à la merci de l’animal, c’est lui qui décide de vous accorder ou pas son attention, une « audience ». On est à la merci de sa fuite. Il faut être humble, bienveillant, respectueux. Il faut savoir recevoir. C’est lui qui octroie le bonheur du moment. La rencontre est authentique ou elle n’est pas. On ne peut pas tricher, négocier, louvoyer. Voilà pourquoi c’est bouleversant.
Source : https://www.lemonde.fr/series-d-ete/article/2021/07/27/francois-sarano-le-monde-est-beaucoup-plus-vaste-que-ce-que-nos-sens-apprecient_6089605_3451060.html
In-différent
Nous, les humains, avons effacé ou poussé au bord de l'extinction tant d'espèces que, malheureusement, nous avons le recul nécessaire pour dire que le monde sans elles n'est pas très différent. Reclus dans nos cités, "hors sol", égarés dans nos nouveaux mondes virtuels, nous n'avons pas vu les bouleversements écologiques que ces disparitions ont entraînés. Nous ne nous plaignons même pas de l'extrême pauvreté des mono cultures que nous appelons "nature" ! Nous avons exterminé les espèces jusque dans nos pensées. Elles étaient pinson, bergeronnette, chardonneret, rousserolle effarvatte, pouillot véloce..., il n'y a plus qu'oiseau". Elles étaient goujon, vairon, ombre, rotengle, tanche..., il n'y a plus que "poisson". Elles étaient des millions, toutes différentes, elles se résument au décor "nature-soleil" dans lequel passer des vacances Elles ne sont plus que des images dans les livres pour enfants. Nous sommes des Mowgli égarés dans des mégapoles, orphelins de Bagheera et de Shere Khan. Nous sommes Romain Gary dont la lettre est revenue avec la mention "pas d'éléphant à l'adresse indiquée. Nous sommes le Petit Prince sans le renard. Nous ne connaissons du dodo, du loup de Tasmanie, du grand pingouin que leurs effigies au verso de pièces de monnaie. Bientôt, nos enfants se demanderont dans quel imaginaire insensé les dessinateurs du film d'animation Le Roi lion ont puisé leur bestiaire extraordinaire.
Malheureusement, nous vivons déjà sans eux ! Comme nous pourrions très bien vivre sans les peintures de la grotte Chauvet et sans les chefs-d'œuvre du musée du Louvre. Comme nous sommes totalement indifférents au sort des fresques préhistoriques du Messak Setaffet ou à celui du temple d'Apollonia soumis aux ravages de la guerre en Libye.
Ce n'est pas faire de l'anthropomorphisme que d'avoir un regard bienveillant et de reconnaître l'identité de chaque être vivant.
L'autre raison de l'importance exagérée que nous accordons aux requins dans l'écosystème est sémantique : la confusion des mots "rôle" et "place". Le choix du mot "rôle" par les auteurs introduit un biais : il focalise la recherche sur l'impact "descendant" du prédateur sur les autres espèces, négligeant l'impact de ces dernières sur le requin. Pis, le scientifique essaie de mettre en évidence plus encore qu'une fonction, une "mission" au service d'un "projet". (...) Résultat : sur le terrain, l'observateur veut absolument montrer comment le requin, super-prédateur, exerce son "métier" de régulateur de l'équilibre et de "garant" de la bonne santé de l'écosystème. Il lui attribue l'objectif d'éliminer les malades, les nuisibles et les surnuméraires s'aveuglant lui-même sur les relations réciproques qui se nouent en réalité entre les espèces. Cette vision finaliste de la nature répond à une culture judéo-chrétienne omnipotente, qui est d'autant moins remise en question qu'elle justifie la hiérarchie de notre société construite sur la primauté du plus fort.
..parce qu'ils n'accumulent pas de biens ,les animaux ont beaucoup de temps libre.Et ils ne font rien.Les animaux n'ont pas besoin d'occuper leur temps,de justifier, d'analyser,de qualifier le temps qui passe:ils sont et cela leur suffit .
Personne ne sait ce qu’est l’océan. On n’a pas les mots, les comparaisons, pour embrasser un monde si vaste qu’il pourrait engloutir toutes les terres émergées, un monde peuplé de millions de créatures qui grouillent dans toute l ’épaisseur liquide, depuis la surface jusqu’au plus profond de l’abîme. On ne l’a pas exploré, donc on ne connaît rien !
Trente huit millions de requins sont massacrés chaque année pour leurs ailerons.
Et ces nageoires qui n'ont aucun goût ne servent même pas à nourrir les gens, mais à donner de la texture au potage.
Les requins disparaîtront-ils avant même d'avoir été compris ?
Les femelles [dauphins] adultes ont tendance à être des innovatrices, comme chez les primates
Ce n’est pas faire de l’anthropomorphisme que d’avoir un regard bienveillant et de reconnaître l’identité de chaque être vivant. La poésie ne nie pas la rigueur du regard scientifique, elle l’humanise
Un hologramme sonore... une perception du monde que nous avons peine à nous représenter tant elle est différente de la nôtre. De même que, là où nous ne voyons que du vide, le chien perçoit des nébuleuses d'odeurs aussi visibles que des nuages, le cachalot voit avec ses oreilles, là où nos yeux ne distinguent rien. Nous devons garder à l'esprit que nos sens ne nous permettent d'appréhender qu'une petite partie du monde réel qui nous entoure.