François de Curel

Cet ouvrage est le premier tome de la réédition intégrale du théâtre de François de Curel.

L'homme y est raconté, l'auteur expliqué et l'oeuvre commentée.

Ce vénérable ouvrage contient une préface de son auteur, deux pièces : "la danse devant le miroir", "la figurante", et un historique pour chacun de ces deux morceaux de scène.

De plus, j'ai la chance de posséder un exemplaire qui, le 23 juin 1922, a été dédicacé en souvenir cordial à mademoiselle Marie-Anne Stillotte.

C'est parce que François de Curel est aujourd'hui complètement oublié que ce bel ouvrage vient à point nommé.

Il vient en effet nous rappeler quelle fût la place de ce grand auteur dans le théâtre de "l'entre-deux" siècle.

Il connut le succès, la gloire même qui le ménera jusqu'à la coupole en mai 1918, mais la fulgurance de ceux-ci, le style marqué de son théâtre provoquèrent une réaction.

Et, son temps passé, il devint le symbole, voire la caricature de tout ce que l'on a pu croire s'autoriser à reprocher au théâtre de son époque.

Un autre style vint télescoper le sien, plus brutal, moins élégant mais tout aussi littéraire, et plus réaliste.

Mais François de Curel, pourtant, est un grand auteur qui a marqué son époque et le théâtre d'une empreinte élégante, intelligente et sensible.

François de Curel commença à écrire vers 1885, d'abord quelques romans et nouvelles qui furent publiés,sans succès aucun.

Grâce à un ami commun, Maurras consentit à consacrer quelques lignes sur "le sauvetage du grand-duc" dans "l'Observateur français" du 25 avril 1889 :

"un malheureux vaudevilliste perdu dans la loge du romancier, voilà Mr de Curel.

Au théâtre ! au théâtre ! Mr de Curel".

Il faut croire que l'appel fut entendu puisque dès 1892 le Théâtre-Libre a fait représenter "l'envers d'une sainte" et "les fossile", qu'en janvier 1893 le théâtre du Vaudeville donnait "l'invitée" et réservait "la figurante" ...

"La danse devant le miroir" est un drame de l'amour venu d'un autre temps, et écrit d'une prose distinguée et délicieusement désuète.

C'est un élégant et cruel vaudeville où le trio habituel de la femme, du mari et de l'amant est remplacé par celui de l'amour, de l'intérêt et du mensonge.

Régine aime Paul Bréan, mais l'a surpris une nuit tenant sur ses genoux une femme à moitié nue.

La même nuit, Paul s'est jeté à la Seine du désespoir d'être ruiné et de traîner derrière lui une sandaleuse réputation ...

"la figurante" est une circonvolution de sentiments et d'émotions qui n'ont plus cours aujourd'hui, une fine analyse du duo que formaient autrefois, dans la bourgeoisie, une femme et son mari.

Une lettre a disparu !

Une lettre écrite par une femme marié à son amant.

Cré nom de nom ! la prose court le monde !

Françoise, la nièce, est soupçonnée, elle qui a été recueillie par charité.

L'amant est un député, peut-être un futur président du conseil.

Le mari est un vieux paléontologiste que l'on croit distrait.

Françoise, elle, est amoureuse ...

Représentée pour la première fois en mars 1899 au théâtre Antoine, "la nouvelle idole" offrira à son auteur François de Curel, son plus grand succès.

Albert Donnat a voué son existence à la science. Afin d'expérimenter un vaccin contre la diphtérie, il en inocule le virus à de pauvres malades incurables.

Au moment où il est découvert et où le scandale éclate, une jeune orpheline de ses patientes guérit miraculeusement....

Ce morceau de théâtre, se situant à la frontière de la philosophie, appartient au genre de la pièce à thèse. C'est un débat où François de Curel s'entretient, sans pourtant les citer, de la science et de la la religion.

Cette pièce, très symbolique, est aujourd'hui un peu désuète mais se lit, néanmoins, avec plaisir et intérêt.

Durant la première guerre mondiale, un aviateur français, qui pourrait être Védrines, est allé atterrir en terre lorraine derrière les lignes allemandes pour y déposer un officier chargé d'une mission spéciale.

François de Curel, dramaturge talentueux, a brodé sur ce thème un drame en trois actes que Claude Autant Lara adaptera au cinéma, en 1960, sous le titre "Le bois des amants".

Cette pièce a été saluée en son époque comme l'une des œuvres les plus fortes et les plus parfaites du théâtre contemporain.

C'est un drame d'action où l'humanité des personnages ne verse jamais dans le mélodrame. C'est une tragédie émouvante sur l'amour et la mort, la rencontre entre Paul Parisot, un soldat, devenu héros pour l'occasion et Victoria, figure allemande pétrie d'un patriotisme qu'elle est prête à oublier pour un instant d'amour.

Les dialogues, par leur justesse ajoutent à la vérité des personnages et la vieille haine, heureusement aujourd'hui disparue, fait surgir sous le choc violent des circonstances une tragédie abondante en événement et fertiles en péripéties.

C'est un drame construit avec maîtrise, plein d'émotion. Attachée, bien sûr, à son époque par les événements qu'elle évoque, cette pièce est pleine d'un patriotisme qui paraît, aujourd'hui, désuet. Pourtant, à mieux y regarder, derrière l'évocation du sentiment national, apparait, peut-être pour la première fois, comme un éclair traversant le deuxième acte, le point de rencontre des esprits français et allemands.

Cette pièce, qui a marqué son temps, est une œuvre puissante et tragique qu'il est bon de redécouvrir avec le théâtre du début du vingtième siècle.

François de Curel est un romancier et un dramaturge français de la première partie du vingtième siècle. Élu à l'académie française en 1918, il est un profond penseur, il est, pour beaucoup, l'initiateur au Théâtre de la pièce d'idées.

Pourtant, on lui doit quelques comédies légères et divertissantes comme "L'ivresse du sage".

"L'ivresse du sage" c'est la griserie que produit l'abus des idées pures, qui vous enivrent un penseur : pour le sublime, il sacrifiera les bonheurs simples et "médiocres" dont s’accommodent les autres hommes".

Hubert de Piolet et Roger Parmelins sont rivaux pour conquérir le cœur d'Hortense. Elle les rencontrent, tous deux, dans la propriété de son parrain Paul Sautereau. Ils représentent deux mondes diamétralement opposés car l'un est un baron, riche propriétaire terrien et l'autre un philosophe épris de grandes idées. Alors s'amorce un ballet de séduction fait de dialogues brillants et de situations plaisantes. Au final, qui pourra-t-elle aimer ?

François de Curel se divertit avec cette comédie en trois actes où la vanité des jeux intellectuels apparaît devant la vérité de la vie. L'auteur s'amuse à arranger le destin de ses personnages et nous assure qu'ils obéissent à de grands principes mais il ne saurait garantir la solidité du couple qu'il vient d'unir. Peut-importe, au Théâtre ce sont souvent les mauvais mariages qui font les bonnes pièces.

"L'âme en folie", pièce écrite par François de Curel, a été représentée pour la première fois au théâtre des Arts le 23 décembre 1919.

Elle remporta un énorme succès et les spectateurs, dès la première audition, prédirent le retentissement de ces trois actes dans le monde intellectuel.

François de Curel livre sur scène, en y associant intimement l'action et la réflexion, une étude sur les origines des espèces, une méditation sur la part de l'instinct et de l'amour dans la perpétuité de celles-ci.

"L’âme en folie", à sa répétition générale, a donc été qualifiée de chef-d’œuvre par tous les critiques.

Il est difficile de raconter ou d'esquisser un résumé de cette superbe pièce sans venir, du même coup, gâcher le plaisir que pourrait en retirer un lecteur.

Pourtant, je ne résiste pas à l'envie d'éclairer l'avant dernière scène où Blanche, fièvreuse, vit ses dernières heures en compagnie d'un squelette, avec lequel elle entame un dialogue, écrit avec talent.

Et son âme, au moment de se présenter devant son créateur, n'est plus en folie....

Cette pièce, malgré quelques rides dues à son âge vénérable, reste un magnifique morceau de littérature et de scène, réservant beaucoup de plaisir à sa lecture.

"La viveuse et le moribond" emprunte son sujet à l'après-guerre, c'est à dire aux profondes répercussions de la guerre sur la société. Cette pièce de théâtre écrite par François de Curel fut représentée pour la première fois, le 29 décembre 1925, au théâtre de Monte-Carlo, et reprise à Paris, au théâtre des Arts, au mois de janvier 1926.

Il s'agit donc du contrecoups de la première guerre mondiale que vont subir les personnages de ce drame. Le cyclone de 1914 a dévasté les villes, et ravagé les âmes.

François de Curel nous ramène le vainqueur, un fils échappé par miracle, mais qui se révèle incapable de s'adapter à la vie nouvelle qui lui est offerte. Et c'est le chemin de sa rédemption que va suivre l'auteur dans cette pièce, traduisant par son héros l'angoisse planant sur son époque.

François de Curel écrit un théâtre d'idées. Oui, si l'idée est action.

Les personnages sont complexes mais ils sont mus par le jeu des forces simples qui donnent une certaine unité au drame.

Pourtant la pièce, lors de sa générale, a suscité une violente polémique et attiré les foudres de certains critiques.

Dans un article du "Soir" André Lang, voulant décrédibiliser la pièce, écrivait : "...Qui est ce moribond d'après-guerre, cet oisif millionnaire, qui veut aller se tuer sous l'Arc de Triomphe, devant la flamme éternelle, et faire prendre sa détresse égoïste pour le nouveau mal du siècle ? A quel combattant d'hier ressemble-t-il ? Qui a vécu son angoisse et connu ses théâtrales perplexités ? Son désarroi est symbolique ? Allons donc ! Mr de Curel a voulu parler là de ce qu'il croyait comprendre, et de ce qu'il ne connaît pas...."

De telles attaques ne prouvent-elles pas, au contraire, que l'auteur dramatique a atteint son but avec talent !

S'il est une question angoissante qui inquiète l'humanité, c'est celle de l'au-delà, celle de la communication avec les morts.

François de Curel, esprit scientifique, dans cette pièce "Orage mystique", la discute sous toutes ses faces. Il prend la voix de la raison, par celle du docteur Tubal, pour ne laisser aucun doute sur son avis personnel.

"Les fantômes ne sont, en définitive, que des projections extérieures de notre esprit".

Le drame part d'un fait , d'un cas particulier, pour venir disserter sur une généralité philosophique. Robert Pétrel, veuf, croira voir apparaître Clothilde, sa défunte épouse, habillée de sa robe de noces, dans l'expression la plus pure de sa jeunesse et de sa séduction.

Il croira l'avoir vue. Le docteur Tubal affirmera qu'elle ne fut que la projection d'un rêve, d'un fantasme de Robert, poète né pour faire vivre ses songes.

Mais qui sait ce qui est vrai ou ce qui ne l'est pas ?

Est-il possible à un être vivant de revoir ses chers morts et de s'entretenir avec eux ?

L'auteur, François de Curel vient nous entretenir de l'inconscient. Mais sa réflexion ne se borne pas là, elle nous fait réfléchir sur la personnalité humaine. Il transforme la formule métaphysique qui veut que l'homme soit à jamais seul dans un mouvant mirage, pour la porter sur scène. Alors, au théâtre, cette question devient : "l'être à qui je parle est-il un spectre ?"

François de Curel, choisit, là un thème périlleux pour faire de sa pièce un drame intelligent et talentueux, plein de questionnements philosophiques.

Deux œuvres oubliées et pourtant magistrales !