La chronique de Jean-Edgar Casel - Une vie avec Alexandra David-Neel
L'aube nouvelle est d'une incomparable beauté... Tout dort autour de moi, seuls les oiseaux qui nichent par centaines dans les arbres de la jungle commencent à voleter de-ci, de-là, leur gazouillis est charmant. Ces harmonieux concerts sont les seuls divertissements musicaux qui nous ont été offerts par la nature et pour notre plus grande joie !
Apprends à connaître des choses qui t'environnent, à te connaître toi-même et la connaissance te fera libre et heureux.
Alexandra étudie avec passion et acharnement cette philosophie et fait la promesse qu'un jour, elle partira en Asie, sur les pas de Boudha...
En avion ? Il en est hors de question.
Être verrouillée dans cet ustensile et précipitée d'une capitale à l'autre sans avoir eu le temps de rien contempler... À quoi bon voyager dans de telles conditions?
"C'est la douleur et la souffrance, tortue, qui font la trempe des hommes et des femmes dignes de ce nom." Cette phrase, madame, lorsque vous la prononciez, votre accent était tel que je sentais bien que vous aviez dû, vous aussi, payer cher la "facture" que tous ici-bas, nous payons à cette douleur, à cette souffrance, à cette solitude qui font de nous des hommes.
"_Tel un rocher battu par les flots de l'océan demeure inébranlable, ainsi doit être ton âme au milieu des épreuves de la vie..."
De toute évidence, si Alexandra a été très dure, quelquefois, même cynique, c'était une vraie femme de cœur, d'une très grande sensibilité et surtout une femme intellectuellement intègre !
"Nous errons sans fin dans un monde d'illusions régi par le vide, ce que nous percevons n'est pas la réalité, mais une construction mentale qui donne corps aux délires de notre esprit avide de sensations..."

Paris, 1892. Après s’être passionnée très tôt pour le christianisme et les philosophies grecques, Alexandra rencontre le bouddhisme. Ce coup de foudre spirituel donne l’espoir à la jeune femme de mettre enfin un terme aux souffrances qui la rongent depuis toujours.
Voilà ce qu’elle écrit à ce moment-là : « Sans entrer dans de longues considérations, on peut juger de la différence existant entre l’idée primordiale de la religion de nos pays et le bouddhisme. Tandis que l’une dit aux malheureux étreint par la douleur :’’Résigne-toi, courbe le front’’, l’autre lui crie : ‘’Combats la souffrance, cesse d’être la victime de ta propre stupidité, tes erreurs et tes préjugés sont les divinités des ténèbres sur l’autel de qui tu immoles le meilleur de ta vie… Apprends à connaitre la nature des choses qui t’environnent, à te connaître toi-même et la connaissance te fera libre et heureux. »
Alexandra étudie avec passion et acharnement cette philosophie et fait la promesse qu’un jour, elle partira en Asie, sur les pas de Bouddha.
- Eh bien... madame... je dirai que vous étiez une intelligence extraordinaire, parce que cela est vrai. Et j'ajouterai sans doute que vous aviez un esprit aussi vaste que toutes les galaxies réunies, que tout vous intéressait... Ce serait de la mauvaise foi que de dire le contraire !
- ...et qu'est-ce que tu diras encore ?
- Vous tenez réellement à le savoir ?
Eh bien je dirai encore qu'Alexandra Davis-Neel était un océan d'égoïsme et un Himalaya de despotisme ! (p.61)
Si je conserve un tel souvenir de cette promenade matinale, c'est que, en dehors des trois après-midi de congé que j'aurai au cours des dix années passées auprès d'Alexandra David-Néel, c'est la seule, l'unique sortie que j'aie faite !
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