Citations de Frédéric Perrot (154)
Pour la première fois de sa vie, avec une clarté cristalline, il admet que c’est peut-être dans cette cruelle imprécision que réside la beauté de l’existence, dans les failles, les bosses. Les ratures. Plutôt que de les fuir, il fallait peut-être les épouser, avec le genou à terre, et tout le tralala qui convient.
Ensuite les années se sont écoulées comme s’écoulent les années. Vite. On a parfois l’impression de n’avoir qu’à cligner des yeux pour qu’une décennie se consume. C’est précisément ce qui s’est passé.
Ça aussi, ça trace de nouvelles règles, ça oblige à ce même choix implacable : porter ensemble le fardeau de ces nouveaux paramètres, ou abdiquer. Je crois que c’est précisément là que se loge l’amour, dans cette conviction qui ne faiblit pas, même face aux assauts imposés par ses trois rivaux acharnés que sont le temps, les autres et le hasard.
J’ai lu l’autre jour que la dune du Pilat se déplace de cinq mètres par an. Eh bien la vie en duo, c’est ça. C’est une dune de Pilat en continuel mouvement, une force de la nature impossible à contenir, vous laissant face à un choix implacable mais d’une extrême simplicité : avancer ensemble ou abdiquer.
Si cette lettre ne te parvient pas, ce n’est pas grave, j’aime l’idée que quelqu’un tombe dessus, un jour, et découvre ce que nous étions, ce que nous sommes, et ce que nous resterons : un amour inaliénable.
Il faut s’efforcer de voir la poésie qui sommeille dans chaque défaite, c’est comme ça qu’on survit plus longtemps.
Il n’y a pas de meilleur rempart au malheur que le bonheur en personne.
La pluie a cet avantage, loger en toute discrétion la tristesse des hommes.
J’ai grandi ici, j’ai mon travail à proximité, je lui dis que c’est la vie qui a choisi. Il me répond du tac au tac que si je la laisse faire, la vie va me mener par le bout du nez jusqu’à me foutre les deux pieds dans la tombe. Ces derniers mots se logent dans mon crâne, à un endroit douloureux celui des vérités. Ces vérités qui passent parfois des vies entières cachées derrière les non-dits.
Et puis ça lui plaît d’imaginer que son père, qu’il connaissait jusque dans les moindre non-dits, ait préservé un jardin secret. Mourir avec des mystères, c’est partir avec des cadeaux à jamais emballés.
On serre plus fort l’autre contre soi quand on est triste, heureux ou amoureux. Les étreintes sont un baromètre idéal.
Incipit :
Il croquait dans un brocoli quand le téléphone a sonné. Le nom de sa mère s’est affiché sur l’écran. Le moindre détail prend une importance démesurée quand vous apprenez la mort de votre père. Voilà l’image qui subsistera dans l’esprit d’Étienne : un repas à peine entamé, la fourchette dans une main, un couteau posé en équilibre sur le rebord d’une assiette ébréchée. Cette allégorie du moment qui précédait l’annonce restera gravée dans sa mémoire. Le dernier instant de sa vie d’avant, celle où il était encore le fils d’un père en vie.
Les habitudes sont la lie du couple, elles se déposent dans chaque journée comme le dépot d'un mauvais vin. Là, ça sentait carrément la piquette.
Trinquons à cette journée de merde! Il faut fêter les défaites, parce qu'elles sont beaucoup plus fréquentes que les victoires !