Frédéric Perrot

Allons tous nous faire foutre, tous autant que nous sommes, et que vivent les passionnés discrets, les humbles rêveurs, les marginaux véritables, que vivent les aventuriers silencieux, ceux qui en fixant l’horizon ne se demandent pas comment l’atteindre, mais fantasment ce qu’il y’a après. Que vivent les ivrognes, les excessifs, les enragés de vivre, ceux qui pratiquent les pas de côté sans jamais les imposer aux autres.

La norme n’a d’autre forme que celle qu’on veut bien lui donner.

La mémoire est la plus astucieuse des valises.

Est-ce la tour de Pise qui penche ou le reste du monde ?

Le déni est une arme de destruction massive, capable d'annihiler n'importe qui, n'importe quoi, n'importe quand. Très efficace.

Dans quel monde est il préférable de vivre, le réel ou l’illusion ? Faut il gratter le vernis, à s’en casser les ongles, à s’en griffer le cœur, ou faut il laisser ce vernis donner du brillant à leur travail de faussaire ?

Mourir avec des mystères, c’est partir avec des cadeaux à jamais emballés.

Ce sont toujours les choses les plus infimes qui déclenchent les plus éminentes conséquences.

Le couple était avant tout une histoire de toucher, d'ouïe, d'odorat. Une histoire de chair, quelque chose de concret, une matière palpable, rien qui puisse passer à travers l'écran d'un ordinateur.

Les distances sont des unités de mesure futiles, auxquelles seules les émotions donnent du sens.

Je sais pertinemment que c'est la possibilité d'une fin qui donne son sens à toute chose.

Étienne crie presque, pas par colère, ni par mépris, mais parce qu’il ne comprend pas, parce que cette vision du couple le fait plonger dans une dimension parallèle, aux antipodes de ce qu’ils lui ont toujours inculqué.

Sans en avoir conscience, il vient d'activer un engrenage qui va mettre un coup d'arrêt à quelques- unes de ses certitudes, de ses croyances. C'est une religion toute entière qui est sur le point de s'éteindre, celle de l'enfance et sa panoplie de trompe- l'œil.

Voilà ce que c'était de perdre son père, c'était perdre l'odorat, le goût, la vue, l'ouïe, le toucher.

« C’était la première fois qu’il pleurait sous la douche, mais il avait suffisamment pleuré dans sa vie pour affirmer qu’un jet d’eau chaude sur de la tristesse, ça n’apporte pas grand-chose, c’est gadget. »

Je prends des risques insensés, et je crois que c’est précisément pour cette raison que je les prends. Pour que, d’une manière ou d’une autre, la vie décide pour moi.

Il n'y a pas de meilleur rempart au malheur que le bonheur en personne.

Le perdre, c'était perdre beaucoup. C'était en une seconde à peine, se résoudre à ne plus jamais le voir apparaître dans son champ de vision, se priver du plaisir de le serrer dans ses bras, de goûter ses recettes improvisées.

Mourir avec des mystères, c'est partir avec des cadeaux à jamais empoisonnés.

Il avait découvert que , contrairement à ce que l'on pense, il n'y avait rien de plus trompeur que les aiguilles d'une horloge. Car le temps est une matière on ne peut plus malléable qui évolue au gré des humeurs : il passe lentement quand on s'ennuie, il s'accélère quand on vit un bon moment. L'horloge ne devient alors qu'un cadre, un simple repère pour que chacun s'y retrouve, mais surtout pas une indication de temps. Pour évaluer le temps, il aurait fallu inventer une horloge à émotions, qui varie selon qu'on est dans la contemplation ou l'empressement, et dont la cadence fluctuerait si l'on ressent de la colère ou de la joie.