Imaginons un texte écrit, un récit composé de cinquante-trois phrases relatant l'insurrection et la liquidation du ghetto de Varsovie d'avril-mai 1943. Imaginons que l'on s'autorise à mélanger encore et encore et les phrases de ce récit, que l'on s'autorise à bouleverser leur ordre initial pour le recomposer sans cesse, que l'on se permette d'en extraire quelques-unes en délaissant les autres, quitte à modifier le sens premier du récit, quitte à se servir des mots pour leur faire dire et montrer autre chose que ce qu'ils disaient et montraient à l'origine. En fait, depuis sa confection en 1943, l'album Stroop est comme un jeu de cartes où les cartes à jouer sont des photographies ; sans cesse battues, rebattues, sélectionnées et disposées, exposées selon un ordre choisi pour servir le récit de tel ou tel utilisateur. Subrepticement, toutefois, une carte a fini par éclipser toutes les autres. A tel point que sa citation, qui est aussi comparution, suffit à raconter toute l'histoire... Enfin, sans jeu de mots, il faut voir...
Les combattants de la Grande Guerre ont beaucoup écrit. Ils voulaient porter témoignage. Mais l’acte de remettre un manuscrit à un éditeur faisait partie de comportements culturels socialement marqués. Il ne venait pas à l’idée d’un paysan, d’un artisan, d’un ouvrier, d’envisager une publication. C’est pourquoi des milliers de correspondances et de carnets à l’état brut restèrent dans les armoires familiales.
(p. 55)
"Témoins" [de Norton Cru] a débusqué les principaux faussaires, a confondu les menteurs occasionnels et les bonimenteurs de carrière ; il a fait mieux connaître les bons témoins et en a sorti un grand nombre de l’oubli ; il a forgé un outil de recherche que les chercheurs peuvent encore méditer et utiliser avec profit.
Un ancien combattant jugeant Jean Norton Cru : « Monsieur Cru a servi la vérité, oui : la vérité. Il a réduit à néant les témoignages des menteurs, de tous ceux qui ne sont rien d’autres que des menteurs, par lâcheté, paresse ou profession. »