« Eh gros, tu veux pas prendre une photo de mon pote et moi avec mon Smartphone ? C’est sa dernière virée en bas et je veux immortaliser le moment. »
S’adressant au MP, Gareth lâcha ses affaires et prit la pose tout en retirant ses lunettes, il déclara :
« Allez Brad, fais-nous ton plus beau sourire. Pense à la première gonzesse que t’a sautée. Ça va te mettre en joie.
— Que t’es con ! »
Il se mit à rire et m’enlaça les épaules :
« Je sais, c’est pour ça que tu m’adores. »
Il reprit son téléphone des mains du militaire et au vu du résultat, déclara :
« Fais-moi voir ça, mouais… franchement t’es pas doué… Un conseil : te lance jamais dans la photo ou seulement dans le porno ! »
Cette expérimentation, d’une durée de trois ans, touchait à sa fin. Elle était reconnue comme un franc succès par l’ensemble des acteurs ayant travaillé sur le projet et serait prolongée. Pour preuve, nous avions des visites régulières depuis plusieurs mois, qui s’intensifiaient grandement avec l’annonce imminente d’une mise en chantier d’un Prison Bank Water 2
Je m'étais absenté six semaines. Le rythme sur PW était le même pour tout le personnel, six semaines de congé consécutives, puis on repartait en mission pour six mois. Ce mode d'organisation du travail permettait de souffler un peu, sachant que sur la base nous n'avions pas droit à des jours de repos. Il fallait être opérationnel vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Une autre pensée traversa mon esprit soupçonneux : en six semaines, il avait pu se passer quantité de choses ici !
Hermétique à tout ce qui pouvait se dérouler autour de moi, je pris le temps de lire l'intégralité des notes de Freddy Shapiro sur les six dernières semaines. Il écrivait terriblement mal et j'avais des difficultés à déchiffrer certains mots, Freddy évoquait effectivement bien deux cas de panique mais rien d'alarmant, l'un des patients était un récidiviste.
- Quoi ? Mais vous aviez dit...
- Je vous ai dit ce que vous vouliez entendre, vous et Mayo... et arrêtez de faire votre tête de cocu qui vient de découvrir que sa femme le trompe.
Ne jamais répondre aux insultes, ni aux nombreuses provocations des détenus faisait l'objet d'une discipline sans faille. Lorax était intransigeant et prônait l'écoute dans chacune de ses interventions. Aucune rixe ne s'était déclenchée en trois ans, ce qui tendait à prouver que sa méthode était la bonne.
Soigner un soldat meurtri dans sa chair ou un enfant vous incite à réfléchir sur le rôle de l'homme dans le monde. Sa capacité à s'autodétruire est omniprésente, si bien qu'il est important de se préserver afin de ne pas en sortir abîmé à son tour.
Plus rien ni personne ne pouvait l'aider à cet instant. Sans avenir et prisonnier de sa conscience, il errait dans les méandres de ce cauchemar.