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Citations de Gabrielle Roy (241)


le vieux chercheur d'or, s'il eu pu démêler cette attente sans fin au fond de l’âme que l'on nomme espérance, aurait peut être découvert que son désir le plus vif était de voir l'imprévu une fois encore entrer dans sa vie.
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Maman disait toujours qu’un jour sûrement le bonheur passerait par chez nous. De peur qu’il ne se trompe de route, j’allais l’attendre au coin de notre petite rue Deschambault, le coin qui donnait sur l’espèce de campagne que nous avions alors là-bas, en ce temps-là, et que je pensais être déjà la plaine parce qu’on voyait loin. Il ne me semblait pas possible que le bonheur pût venir d’ailleurs qu’à travers ce grand paysage de songe. Il y avait un arbre, au loin, qui ressemblait à un être en marche, et j’ai longtemps pensé que ce pouvait être lui. Seulement il restait toujours au même point comme s’il s’était arrêté pour réfléchir et ne se décidait plus à repartir.
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[...] le bonheur semblait encore la façon la moins coûteuse de guérir.
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Si je n'ai rien à gagner, je n'ai rien à perdre...
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Je me sentais moi-même aspirée en de noirs tourbillons de peine comme je ne pense pas en avoir connu de plus amère même à la mort, en moi, d’un amour qui m’avait fait vivre. À la douleur d’avoir perdu ma mère se mêlait, se mêlerait à jamais celle de m’être fait dérober le bonheur que j’aurais eu de lui en apporter une part avant qu’elle ne m’eût quittée.
Alors enfin me vinrent des larmes. Je ne pus bientôt plus retenir des sanglots. Des gens commencèrent à se tourner vers moi, sympathiques ou curieux. Je m’enfuis pour pleurer sans témoins dans les toilettes.
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Maintenant est-ce que je voyagerais encore jamais sans entendre monter en moi la plainte, toujours la même, que maman m’était à jamais enlevée ?
Aucune larme ne m’était encore pourtant venue. J’avais les yeux secs d’une fiévreuse. Je n’étais pas encore, j’imagine, entièrement livrée à la peine, trop étourdie, trop abasourdie par le choc pour en ressentir toute la force. Et la noire forêt défilait toujours de chaque côté du train. J’ouvris mon sac, en sortis le télégramme que je relus avec un avide entêtement comme s’il allait pouvoir m’en apprendre plus qu’il en disait. Mes yeux scrutèrent le mot « décédée ». Bien plus que le mot « mort » auquel on est malgré tout habitué, il me sembla détenir un sens inviolable, impénétrable, de tout temps et à jamais obscur. À travers son lourd mystère dut m’atteindre enfin le sentiment de l’irrévocable, car je pense avoir gémi encore une fois à voix haute.
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Est-ce que j’en reprenais des pages ou n’en étais-je pas plutôt à écrire ce qui me rapporterait de quoi payer ma pension, lorsque j’appris que maman était gravement malade ? Tout ce que je me rappelle, c’est que je redoublai d’efforts et travaillai en forcenée. Beaucoup de ma production de ce temps-là, brouillons hâtifs, ébauches mal engagées, volait évidemment au panier comme y vole sans doute la moitié des écrits de la plupart des écrivains, et ainsi prend donc ce chemin navrant une grande part de leurs forces vives, de leur vie elle-même.
Je ne m’interrompais que pour faire de temps à autre une brève promenade en ski l’après-midi lorsque la vue des joyeux étincellements sous le soleil de la neige fraîchement tombée parvenait à me tirer hors de mes inventions vers le réel dont je m’émerveillais encore malgré tout.
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Est-ce que j’en reprenais des pages ou n’en étais-je pas plutôt à écrire ce qui me rapporterait de quoi payer ma pension, lorsque j’appris que maman était gravement malade ? Tout ce que je me rappelle, c’est que je redoublai d’efforts et travaillai en forcenée. Beaucoup de ma production de ce temps-là, brouillons hâtifs, ébauches mal engagées, volait évidemment au panier comme y vole sans doute la moitié des écrits de la plupart des écrivains, et ainsi prend donc ce chemin navrant une grande part de leurs forces vives, de leur vie elle-même.
Je ne m’interrompais que pour faire de temps à autre une brève promenade en ski l’après-midi lorsque la vue des joyeux étincellements sous le soleil de la neige fraîchement tombée parvenait à me tirer hors de mes inventions vers le réel dont je m’émerveillais encore malgré tout.
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C’est quand même curieux, ne trouves-tu pas, à son âge, de passer son temps à se raconter des histoires. Est-ce que c’est pour elle, penses-tu, qu’elle les invente ou pour des gens ?
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L’aspirine en tout cas la soulageait un peu. Dans ce peu de bien-être, ses pensées, comme déjà libérées, s’élevaient, s’en allaient dans le passé rejoindre un air de musique lointaine. Un air qui avait trait à l’été- toujours donc l’été, saison de la vie, saison du cœur- qui exaltait la chaleur, les cerisiers en fleurs et parlait aussi de jeunes hommes et de jeunes filles réunis pour danser sur l’herbe d’un pré autour d’un arbre isolé. Ainsi, par quelques bribes de mélodie que retrouvait son souvenir, par quelques paroles lui revenant à l’esprit, elle se sentait rejointe mystérieusement par une âme inconnue d’elle, dont la nostalgique tendresse était toute vivante encore dans ce vieux chant d’Ukraine. L’immortalité, était-ce donc vrai?
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Et c’est à prendre ses dispositions dernières, comme on dit, qu’Alexandre aperçut le bon sens, la parfaite dignité de la mort. Et dès lors, c’est la vie d’ici-bas qu’il plaignit, pauvre vie soucieuse de décorum! Il pensait avec pitié aux autres qui devraient continuer à courir après leur tram, arriver au bureau à l’heure, habiter un appartement trop chaud l’été, point assez chauffé l’hiver, acheter un frigidaire, prendre de petites vacances à leur tour et, quand c’était fini, échouer dans un salon mortuaire. […]
Cependant, ses affaires réglées, il se trouva sincèrement allégé, libre, disponible comme jamais il ne l’avait été.
Et, ainsi, le pauvre homme reprit goût à la vie.
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Elle arriva place Saint-Henri; elle la traversa pour une fois sans souci de trams, de la sonnerie du chemin de fer et de l’âpre fumée qui alourdissait ses paupières. Un camion la frôla, et elle leva un regard plutôt étonné qu’effrayé. […]
À pas moins sûrs, moins courageux, elle s’engagea vers les endroits les plus misérables, derrière la gare de Saint-Henri.
Bientôt, elle arriva dans la rue Workman, qui porte bien son nom. «Travaille, ouvrier, dit-elle, épuise-toi, peine, vis dans la crasse et dans la laideur».
Rose-Anna s’aventura au long des taudis de briques grises qui forment une longue muraille avec des fenêtres et des portes identiques, percées à intervalles réguliers.
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Pourtant je ne peux oublier que c’est à Paris que je reçus la première révélation importante sur moi-même et qui ne devait jamais tout à fait s’effacer de ma mémoire. […] Ce que je ne peux oublier, c’est que ce fut très certainement le beau Jardin de Paris, illuminé comme par un soleil venu droit de mes Prairies, qui illumina en moi-même le don du regard, que je ne me connaissais pas encore véritablement, et l’infinie nostalgie de savoir un jour en faire quelque chose.
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Plus tard, quand je fus à même d’analyser quelque peu ce qui nous était arrivé, j’ai pensé que nous avions été, Stephen et moi, comme ces papillons, ces phalènes, ces mille créatures de l’air que des ruses de la nature, une odeur, des ondes, mènent à leur rencontre sans qu’elles y soient pour rien. Et je me demande si la foudroyante attirance que nous avons subie, de tous les malentendus, de tous les pièges de la vie, n’est pas l’un des plus cruels. À cause de lui, après que j’en fus sortie, j’ai gardé pour longtemps, peut-être pour toujours, de l’effroi envers ce que l’on appelle l’amour.
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Je me rappelle seulement que nous buvions et mangions avec goût tout en regardant défiler sous nos yeux le jardin continu de la Côte d’Azur. J’étais enivrée par le gracieux rivage, ses anses, ses calanques, ses petits ports de pêche et surtout par la clarté du ciel que je voyais répandue comme je ne l’avais encore vue nulle part ailleurs aussi éclatante et abondante. Je sentais mon cœur de minute en minute s’éprendre d’un tel amour de cette terre qu’il envahirait toute ma vie.
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Toute cette atmosphère de départ et de voyage que je trouvai dès ce soir-là à Montréal était bien de nature à me retenir, car longtemps elle  constitua ma seule patrie, me consolant en quelque sorte de n’en avoir pas d’autre, me soufflant que nous ne sommes jamais que des errants et qu’il est mieux de ne rien posséder si l’on veut du moins bien voir le monde que nous traversons en passant.
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La fièvre du bazar montait en elle, une sorte d'énervement mêlé au sentiment confus qu'un jour, dans ce magasin grouillant, une halte se produirait et que sa vie y trouverait son but. Il ne lui arrivait pas de croire que son destin, elle pût le rencontrer ailleurs qu'ici, dans l'odeur violente du caramel, entre ces grandes glaces pendues au mur où se voyaient d'étroites bandes de papier gommé, annonçant le menu du jour, et au son bref, crépitant, du tiroir-caisse, qui était comme l'expression même de son attente exaspérée. Ici se résumait pour elle le caractère hâtif, agité et pauvre de toute sa vie passée dans Saint-Henri.
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...Pierre s'étonnait de cette nouvelle imprudence qu'il venait de commettre en s'élançant, sans réserve de cartouches ni même de provisions dans ce défilé de montagnes...
Mais le caribou blessé pouvait-il aller bien loin encore...
Pierre enfin le rejoignit. Il avait tiré sa hachette du l'étui pendu à sa ceinture...
L'homme et la bête coururent ensemble, côte à côte, l'oeil dans l'oeil.
« Écoute, frère, dit Pierre, je n'en peux plus...J'ai faim. Laisse-toi mourir.» Mais l'oeil du caribou regardait le bras levé de Pierre, la hachette qui étincelait, et, plein d'un triste reproche, cet oeil semblait dire: «Je suis vieux, je n'en peux plus; pourquoi t'acharnes-tu contre moi?...
Le caribou chancelait à chaque coup, restait debout...Puis la lune éclaira quelques grandes flaques d'eau à la surface du sol...Il pencha la tête. Il commença de boire. De pitié Pierre s'était arrêté...il connaissait, par sa propre soif, la soif intolérable. Puis il se ressaisit, bondit, frappa le cou ployé...
Alors transi de froid, Pierre se laissa glisser près du caribou mort qui commença de le réchauffer. Dans l'étendue sans fin de la toundra, ils formaient une petite tache immobile et comme fraternelle...
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Il me revient maintenant que nous ne nous sommes guère aventurées dans la riche ville voisine que pour acheter. C'était là qu'aboutissait une bonne part de notre argent si péniblement gagné - et c'était le chiche argent de gens comme nous qui faisait de la grande ville une arrogante nous intimidant. Plus tard, je fréquentai Winnipeg pour bien d'autres raisons, mais dans mon enfance il me semble que ce fut presque exclusivement pour courir les aubaines.
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J'entends encore parfois, dans cette arrière-mémoire étrange que nous avons au fond de nos souvenirs conscients, résonner ces grands coups de battants de fer que j'associe, je ne sais pourquoi, aux éclats et aux menaces du Chant du Destin.
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