Citations de Gaea Schoeters (22)
Chez les animaux, les yeux de la proie sont disposés des deux côtés de la tête, afin qu'elle puisse, pendant sa fuite, garder un oeil sur son agresseur. Les yeux d'un prédateur se trouvent en revanche sur le devant de sa tête, car il ne s'intéresse qu'à la proie qui court devant lui. Seuls ceux qui sont chassés regardent derrière eux.
Le climat est malade. Les Blancs sont aveugles et ne voient rien venir. Mais nous, nous lisons le déclin climatique dans les mouvements des animaux, dans les plantes qui meurent, sur les surfaces vides dans le sable, où les insectes avaient l'habitude de ramper. Les dieux sont en colère, et si vous ne vous réconciliez pas avec eux rapidement, rien ne réussira à survivre ici.
Les domaines du légal et de l'illégal sont en effet plus souvent séparés par un tas de billets libellés en dollars que par des textes juridiques.
Nous sommes en Afrique, mon cher. N'oubliez jamais cela. La vie humaine n'a pas la même valeur ici. Non pas parce qu'ils aiment moins leurs enfants, mais parce que la vie est plus dure sous les tropiques : la moitié de leurs enfants meurent avant l'âge de quinze ans, un enfant sur cinq meurt avant l'âge d'un an.
Le lion agite la queue trois fois avant d'attaquer. Le jour où les actions feront de même, le marché boursier s'effondrera.
Il faut être taillé dans une étoffe solide pour ne pas perdre son sens de la communauté dans un pays qui a élevé la concurrence au rang de religion.
(...) votre moralité occidentale est un produit de luxe réservé à ceux qui peuvent se le permettre.
(...) quelle folle insouciance aveugle la vie si votre mortalité ne se manifeste à vous qu'à la seconde où elle vous sera fatale ?
Dans un tournoiement de pales, comme une machette devenue folle, le ventilateur découpe la chaleur en lambeaux.
(...) dans le monde civilisé à l'extrême d'aujourd'hui, le marché boursier est l'un des derniers secteurs, à l'exception du crime organisé, où l'audace se voit encore réellement récompensée.
Mois quoi qu'il achète ou qu'il vende, la transaction est rarement éthique : son travail consiste à faire soigneusement miroiter un mirage financier devant l'acheteur le temps nécessaire pour en tirer un profit maximum avant que la bulle n'éclate.
Van Heeren comprend sa profession comme personne : dans l'éventail qui s'étend de la vanité à la virilité défaillante, il saisit infailliblement ce qui motive ses clients.
Car, pour que la chasse soit bonne, les deux doivent faire la paire : le vieux chasseur doit éviter de poursuivre à perdre haleine un jeune lion infatigable, et le novice ne doit surtout pas se risquer à rivaliser avec un léopard rusé et expérimenté.
L'image le surprend, car bien qu'il connaisse le concept de neige, ainsi que le mot qui la nomme, il n'a jamais observé ce phénomène à proprement parler. C'est comme s'il assistait à la naissance d'un enfant : un événement tout ce qu'il y a de plus banal, qui se produit régulièrement depuis des siècles déjà en se manifestant sans vacarme à travers le monde, mais qui, lorsqu'il s'offre à la vue pour la première fois dans la vie d'une personne, lui apparaît tel un miracle.
Hunter examine le rhinocéros avec attention. L'animal tout entier, depuis son corps volumineux jusqu'à ses pattes courtaudes, ressemble tout au plus à une ébauche: un premier jet qui gagnerait à être élaboré davantage, mais qui aurait échappé prématurément à la dextérité de son créateur. Prototype oublié d'une espèce qui ne s'est pas développée davantage. De lourds plis de peau tombent sur son encolure comme les épaulettes d'une cotte de mailles. Sa peau épaisse est si rigide qu'elle paraît presque écailleuse. L'ensemble de l'animal évoque un reptile préhistorique. Les grosses rides qui encombrent son cou ressemblent au collier d'un dinosaure, et l'extrémité de sa tête, qui hésite entre un bec crochu et une bouche ourlée d'une lèvre supérieure prononcée, a quelque chose de profondément primitif. Mais l’œil noir est si brillant, frangé de cils délicats, dissimule une étrange forme de douceur, qui contraste fortement avec l'aspect brutal de l'animal. On dirait presque que son regard trahit une certaine mélancolie. Un sentiment inconnu s'empare de Hunter et, un court moment, l'excitation de la chasse cède la place à autre chose. Ce n'est pas de l'affection, mais plutôt un sentiment de crainte vénérable qui le saisit à proximité d'une créature infiniment plus ancienne que lui. Jamais auparavant il ne s'était senti aussi proche de début de l'évolution, comme s'il était renvoyé d'un bond à l'époque précédant le début de l'humanité.
Il aurait dû pleuvoir depuis des semaines. Tout l'écosystème a été perturbé par ce maudit changement climatique. On ne parvient plus à prédire quoi que ce soit : les troupeaux ne suivent plus leurs itinéraires habituels, la saison du rut est retardée et, à cause de la sécheresse, les feux de brousse se succèdent sans discontinuer.
Vous pensez trop. Tous les Blancs pensent trop. Demain c'est demain, et il n'y a rien que vous puissiez y faire aujourd'hui. La seule chose que vous pouvez changer, c'est le présent.
La nature est généreuse, mais elle est aussi impitoyable.
Ici et là, un feu brûle en plein air, ses flammes oranges léchant le bleu profond du ciel. Dans un instant, le crépuscule laissera place à l'obscurité, plus vite, beaucoup plus vite qu'en Occident. Ici, la nuit tombe toujours brusquement, comme si quelqu'un éteignait les lumières à l'improviste.
En fin de compte, Hunter estime que nous sommes condamnés à la solitude, ballottés quelque part entre l'éveil et le sommeil, toute notre vie durant.