Georges Duby

Pour que l'art flamand jusqu'ici provincial vînt se poster brusquement sur le front avancé des conquêtes picturales, il fallut que ceux des princes des fleurs de lys qui avaient hérité la gloire et la fortune des rois de France, les ducs de Bourgogne, établissent en Flandre leur puissance, y tinssent leur cour et rassemblassent là les meilleurs artistes qui n'avaient plus d'emploi à Paris.

Les routiers, marchands de mort, ont transgressé les interdits, rompu les barrières sociales en se mêlant aux guerriers sans y avoir été destinés par leur condition. À la différence des hommes des communes, ils ne combattent pas au service de la paix, on les tient donc pour possédés de l’esprit du mal. Aussitôt pris, on les tue.

Le Roi de France peut combattre pendant la trêve parce qu’il est le bras de Dieu, et il lui est permis de recruter pour sa propre guerre, qui est celle du bien, des hommes qui n’ont pas vocation de combattre, de les ranger sous la bannière sacrée qu’il brandit. Ce n’est pas un hasard que l’oriflamme, à Bouvines, est gardée par les gens des communes. Elle est la légitimation de leur présence.

Qui veut tuer doit viser aux œillères, fouiller vers les creux de l’aine, par les pertuis d’aisance qui séparent les chausses du haubert.

La lutte se poursuivait corps à corps, à l’épée et à la masse. Les coups se concentraient sur le casque. Le heaume était si hermétiquement clos que le combattant ainsi harnaché risquait l’asphyxie s’il s’approchait trop près d’un feu de broussailles. Il fallait donc mettre la tête de l’adversaire à nu, ou l’étourdir en frappant de toutes ses forces sur le casque. On pouvait alors rester prisonnier de son casque, aveuglé, incapable de s’en défaire, ou se retrouver avec le casque sens devant derrière, et il pouvait être à ce point faussé que l’on devait recourir au service d’un forgeron, poser la tête sur l’enclume et décortiquer le heaume avec des pinces et un marteau.

Le but ultime était de renverser les chefs et de les prendre. Quand un comte tombait, puis se relevait et remontait à cheval comme Philippe Auguste à Bouvines, on en parlait loin et longtemps. De telles réussites étaient rares, parce que seuls les plus téméraires se cognaient de la sorte. Les couards s’en gardaient bien, se tenant à distance des commotions trop brutales. Par conséquent, nul ne se sentait déshonoré de choir. C’est entre les pieds des chevaux qu’il faut chercher les preux.

Les vilains face aux vilains, mais pour les hommes dont c’est la fonction et l’honneur de manier les armes, point de forteresse. Ils affronteront l’adversaire sans goupiller (soucieux de ne pas se comporter en goupils, en renards, mais en lions), en plein champ, s’interdisant toute embûche, rangés en bataille, à découvert. Le preux ne cherche d’autre protection que dans l’expertise de son destrier, dans la qualité de son armure et dans le dévouement de ses camarades dont l’amitié le flanque. L’honneur l’oblige à paraître intrépide.

La disposition des rapports de parenté attribuait à l’oncle maternel, à l’égard de ses neveux, des droits et des devoirs privilégiés. Le lignage dont il était le chef avait jadis cédé une fille à un autre lignage, il avait perdu son pouvoir sur elle, mais ce pouvoir, il entendait en revanche le conserver sur les enfants qu’elle mettrait au monde. Des fils de sa sœur, l’oncle attendait qu’ils l’aiment mieux que leur père, et lui-même se sentait tenu de les aimer mieux que celui-ci. Il se devait notamment de les aider dans leur carrière. Or, la plupart du temps, cet homme se trouvait en meilleure position pour le faire, puisque, par l’effet des stratégies matrimoniales, la femme était d’ordinaire, dans le couple, de plus haut parage que son mari. Pour se pousser dans le monde, les garçons se tournaient donc volontiers vers leur lignée maternelle.

Après l’établissement de l’Empire, Rome dote ce dernier d’un réseau routier, rarement dallé, mais pourvu de ponts et marqué de bornes militaires (un mille romain mesure 1460 m). Rome est ainsi reliée à l’ensemble du monde méditerranéen par 29 routes (d’où l’expression « tous les chemins mènent à Rome »).

Gilbert Fils Rainfroi, son nouveau sénéchal, obtint la « filles de Lancastre », se défaisant pour la saisir de l'héritière de Châteauroux, tandis que son vieil ami Guillaume se voyait accorder le morceau qu'il guignait : la « pucelle de Striguil ». Il touchait vraiment le gros lot. Helvis de Lancastre, ça n'était qu'un seul fief de chevalier ; Isabelle de Striguil, soixante-cinq fiefs et demi : on mesure ici l'ascendant que le Maréchal avait pris en deux ans sur le roi qui tombait en ruine, et si vite, en vérité, qu'il fallait se hâter agripper ce qui tombait de ses mains. Malheureusement, Guillaume ne pouvait épouser sur-le-champ. La succulente héritière se trouvait pour lors en lieu sûr, à Londres, dans la tour, depuis treize ans que son père était décédé. On l'y tenait à l'abri des surprises. C'était un si précieux trésor que le roi ne se décidait pas à s'en séparer. Hubert Gauthier, alors clerc du grand justicier d'Angleterre, reçut bien l'ordre que la fille et l terre fussent livrées rapidement.

Ils engagèrent à pendre Guillaume, du moins à menacer de le faire. Averti, le père fit savoir que du garçon peut lui chalait : il possédait encore « l'enclume et le marteau pour en forger un plus beau ».

L'histoire exige de la clarté, de la lucidité, de la patience mais aussi du style et de l'imagination. Du lyrisme en somme.

On voit ainsi se manifester à la fois la "rage de lire" des femmes et la réprobation de leurs contemporains masculins. L'adolescente qui s'adonne à la lecture de romans - mais la poésie peut être tout aussi pernicieuse - renie son innocence première et se fabrique un paradis artificiel.

A Rome, les femmes étaient considérées par les hommes, essentiellement, dans leur capacité à être mères.

En l'an mil, dans les régions forestières, le sol appartient aux plus riches habitants des collines, mais est travaillé par ceux que la misère a chassés.

Première partie, Chapitre premier : L'occupation du sol, B.

Prière. "Prends-moi ! N'aie pas peur ! Bande sans crainte ! par ordre d'Ishtar [la déesse de l'Amour], de Shamash, d'Ea, d'Asalluhi ! [les dieux qui présidaient couramment aux rites sacramentels]
p. 24-25

Jusqu'à l'apparition des canons au XVe siècle, les arbalètes sont très appréciées pour la précision et la violence de leur tir. Mais leur tir manque de rapidité.

La mise en oeuvre de la législation agricole de la Cinquième République illustre cette évolution. En effet, comment les paysans pourraient-ils protester contre la politique foncière définie dans les lois d'orientation quand son application est confiée directement ou de façon paritaire aux dirigeants syndicaux qu'ils ont élus ? Il en est ainsi des SAFER, de la vulgarisation, de la reconnaissance des GAEC ou des commissions départementales des cumuls. Lorsqu'un prêt est refusé à un agriculteur par sa caisse locale du Crédit Agricole, la décision a été prise au nom du conseil d'administration qui tient son autorité du suffrage des agriculteurs. De même, le groupement de producteurs remplace avantageusement les fonctionnaires de l'agriculture et des finances pour discipliner la production et contraindre les récalcitrants à rentrer dans le rang.
La force des partis conservateurs lorsqu'ils sont au pouvoir tient à leur capacité de s'assurer de tels relais dans les campagnes. Ils peuvent se contenter d'élaborer le cadre réglementaire de la sélection des paysans dans la mesure où ils trouvent spontanément des organisations professionnelles qui revendiquent le droit et considèrent comme un devoir de la mettre en oeuvre. Ils bénéficient ainsi d'un écran protecteur entre eux-mêmes et les couches sociales que menace leur politique. Il est donc logique qu'ils n'accordent leur reconnaissance qu'aux organisations dont les dirigeants partagent leur leur propre vision de l'ordre social. Il ne faut pas que des opposants viennent gripper la machine en refusant les règles du jeu.

Il se mit à lire de temps en temps l'Evangile, il se persuadait que l'homme vit aussi de pain, que, passé un certain seuil, la pénurie, l'insécurité, la désespérance avilissent, en tout cas étouffent les élans de l'esprit chez ceux qui ne sont pas par nature des saints, des héros et qui n'entendent pas s'efforcer de l'être, que le dénuement prolongé, imposé, secrète beaucoup plus d'envies, de brutalités, de bassesses que de charité fraternelle, que l'on supporte beaucoup lorsque l'on est libre mais que sous l'oppression tout tend à devenir gris et sale.

Les passionnés d'Histoire parisienne seront tous séduits par ce magnifique ouvrage totalement imprimé en couleurs, et présenté dans un magnifique coffret.
Page après page, on y découvrira l'ensemble de l'iconographie peinte se rapportant à la vie de la capitale, à ses anciens aspects.
A travers ces images figées des temps anciens, c'est un oeil indiscret que le lecteur peut poser sur tous les événements marquants de l'Histoire de Paris, ce depuis le début du moyen-âge jusqu'à nos jours....
(extrait du huitième numéro de la revue "Chroniques de l'Histoire" parue en février 1989)