Georges Dumézil

De ce que j'en comprends, le Loki de Dumézil a été publié à une époque où la recherche universitaire doutait de plus en plus de l'authenticité du personnage de Loki dans la mythologie nordique. Beaucoup croyait qu'il était une invention tardive chrétienne, et non pas un mythe d'origine.



Cet essai visait donc, dans ce contexte, à défendre la place de Loki dans la mythologie nordique.



Le livre passe un moment à établir les sources, trop peu nombreuses, que nous avons sur la mythologie, et le problème que la plupart des sources écrites datent d'après la christianisation.



Le texte de Dumézil date de 1948, en plein courant structuralisme. On passe donc beaucoup de temps à comparer chaque élément du personnage de Loki, des histoires associées au personnage, avec des éléments semblables issus de d'autres mythologies.



Le champ d'étude de Dumézil est la mythologie comparée et la thèse de toute son œuvre repose sur l'idée d'un terreau commun pour la plupart des cultures indo-eupéennes. Ce qui n'est plus vraiment (avec raisons) dans l'ère du temps.

Je ne savais pas trop à quoi m'attendre en ouvrant cet essai de Georges Dumézil... Le sous-titre pompeux de l'éditeur “Les livres qui ont changé le monde” m'avait un peu alarmée au premier abord. Je ne voulais pas lire un livre révolutionnaire, moi ! Je voulais juste en savoir plus sur le plus roué et le plus fascinant des dieux nordiques, un panthéon qui ne m'était guère familier et auquel je ne m'intéressais que depuis peu. Mais bon, je l'avais acheté ce bouquin alors je m'y suis tout de même attaquée. Sa lecture s'est révélée à la fois plus ardue mais aussi plus intéressante que ce que j'escomptais. Car Georges Dumézil - dont j'ignorais tout - n'est pas seulement un historien des religions, c'est aussi un anthropologue spécialisé dans l'étude des cultures comparées. Sa thèse ? L'existence d'un vaste terreau commun à toutes les religions indo-européennes, expliquant la présence de figures similaires dans chacune d'entre elles.



C'est avec son “Loki” que j'ai découvert avec étonnement que les sources de la mythologie nordique étaient si rares qu'une grande partie des mythes connus du grand public étaient sujets à controverse. Et - surprise ! - la plus polémique de toutes ces figures mythologiques est celle de Loki. Au point que certains spécialistes nient même son existence, mettant sa présence dans de nombreuses légendes sur le compte de l'imagination déplacée d'un certain Snorri Sturluson, le compilateur de L'Edda en prose. Un dieu sans culte, sans fonction précise et, chose plus étrange encore, un dieu qui évolue, passant de la fonction de petit farceur un peu pervers à celui de meurtrier et agent de la destruction du monde ? Est-ce vraisemblable ? Ne serait-il pas plutôt un personnage de conte de fée monté en graine ou une transposition de la figure biblique de Satan pour solidifier l'installation du christianisme en Islande ?



Georges Dumézil n'est clairement pas d'accord. Et il appuie son argumentation en se livrant à une analyse comparée et très détaillée entre la figure de Loki et celle d'un personnage de la mythologie ossète, le rusé Syrdon. Si les points communs entre Loki et Syrdon sont si nombreux, c'est qu'ils ont forcément une assise commune dans une religion plus ancienne et, dans ce cas, ils sont tous les deux d'authentiques figures mythologiques. Même si l'ouvrage de Dumézil demande un brin de concentration pour être bien compris, il reste accessible aux néophytes. Sa démonstration est plutôt convaincante, même si certains points m'ont paru tirés par les cheveux - mais je n'ai clairement pas les connaissances anthropologiques pour avoir un point de vue pertinent sur la question. Dans le cas de Loki, il est amusant de constater que c'est majoritairement sa grande complexité qui l'a rendu sujet à caution. Trop de nuances et de facettes chez un dieu, c'est forcément louche. Les dieux ne sont pas censés être comme nous, ils doivent être tout d'une pièce avec des motivations bien compréhensibles. Inutile de souligner que c'est précisément pour cela que Loki reste le plus séduisant et le plus mystérieux d'entre eux.



Une découverte inattendue mais très intéressante que ce “Loki”. A ne pas lire à trois heures du matin pendant une nuit d'insomnie, cependant.

Au risque de mettre un coup de canif dans ce pavé, j'ai trouvé cela long pour un propos qui ne nécessitait pas autant de pages... Certes c'est bien documenté, ce qui est peut être son seul atout...

Mais il ne faut pas sortir cet ouvrage de son contexte, et lui concéder que c'est une œuvre majeure de son époque.

Plus qu'un livre à lire sur la longueur et dont le lecteur respecte le sens de lecture, les essais de Dumezil se picorent, se parcourent, se grignotent un peu à l'image du rêveur flânant du regard devant un globe terrestre, changeant l'angle de vue et observant toutes les facettes.



L'auteur conte, retrace, analyse et démonte comme un ingénieux mécanicien les contes et légendes et met à jour les schémas mythiques et héroïques qui coexistent d'une culture à une autre entre les peuples grecs, celtes, indiens, romaines etc

Ce livre à feuilleter est une mine très complète pour des recherches ou l'amateur curieux déjà sensibilisé à la mythologie et aux textes premiers.

Les récits sont indépendants les uns des autres mais jouent également ensemble dans leur continuité

Enfin, la préface rédigée par Joël H. Grisward est un hommage réel à l'historien et possède une tonalité enlevée délicieuse!

Ce livre est un voyage dans l’espace et dans le temps. Dans l’espace, parce ces textes ont été recueillis au Caucase, chez un peuple que peu arrivent à situer, les Ossètes. Et dans le temps, car ces légendes remontent à des anciens temps, puisque ces Ossètes seraient les descendants des mythiques Scythes, connus aussi sous d’autres noms, dont celui d’Alains, ce qui peut rappeler à certains quelques souvenirs de cours sur les invasions barbares qui ont fini par avoir raison de l’empire romain d’occident. Recueillies par des savants russes depuis la fin du XIXe siècle, ces textes sont traduits et présentés par Georges Dumézil. Ces anciennes légendes lui fournissant d’intéressants éléments dans l’étude des mythes indo-européens.



Les Nartes dont les légendes nous sont déroulées, ne sont pas connus des seuls Ossètes, leurs voisins du Caucase, et même d’autres populations les citent à l’occasion. Qui sont-ils ? Des héros de légende, qui ont certaines caractéristiques surnaturelles (ils peuvent naître d’une pierre, avoir un corps d’acier…) mais en même temps ils sont mortels et vivent comme des paysans montagnards, dans des villages qui ressemblent à ceux des Ossètes. Ces villages se divisent en trois niveaux, habités par trois familles, dans lesquelles ont retrouve les fameuses trois fonctions mises en évidence par G. Dumézil : les éleveurs-agriculteurs, les détenteurs du savoir magico-religieux et enfin les guerriers. Ce sont ces derniers, les Æhsærtæggatæ, qui sont au centre des légendes. Nous suivons des cycles consacrés à certaines de ces figures, dans un ordre de succession de génération, car ils sont fils, frères, petits fils et neveux les uns des autres. Se succèdent ainsi Uærhæg et ses fils, Uryzmæg et sa sœur-épouse Satana, Soslan, Batradz, et le héros « négatif » Syrdon. Même s’ils sont des héros, ils vivent la vie de rudes villageois, entre élevage de bétail, chasse, razzias, famines, escarmouches avec les voisins, disputes en famille. Mais ils sont entourés d’être surnaturels : géants, génie, esprits, avec qui on peut éventuellement faire affaire ou avec qui on entre en guerre. Et évidemment nos valeureux héros cherchent à conquérir de belles et riches épouses, à l’occasion un peu sorcières sur les bords. Et dans certains cas ils sont obligés de descendre au pays des morts. Un héros n’a pas le temps de s’ennuyer.



Il s’agit d’un ensemble de textes relativement courts, plus proches de contes que d’épopée. Même si on retrouve un même héros dans plusieurs épisodes, il n’y a pas forcément continuité entre les épisodes. Il s’agit plus d’une succession d’aventures que d’une progression. Certains épisodes ont d’ailleurs des éléments en commun, les mêmes personnages surnaturels peuvent apparaître plusieurs fois. Ce que j’ai trouvé fascinant ce sont tous les aspects, détails, que l’on retrouve ailleurs, dans d’autres textes et autres langues. Ainsi les héros fabriqués de façon parfaite sauf un seul point faible qui sera un jour leur perte, ou le cyclope rendu aveugle à son œil unique pour s’échapper nous ramènent vers la Grèce. La peau magique remplace avantageusement le tapis magique pour se transporter à l’endroit désiré, les flèches tirées par les frères pour définir leur destin nous ramènent vers les Mille et une nuit. Syrdon cette plaie qui ne fait que donner que des conseils qui mènent à la catastrophe rappelle furieusement Loki…Et on peut multiplier les comparaisons à l’infini. Le fond indo-européen semble ici présent en concentré.



Et ces textes sont vraiment très plaisants à lire, des contes véritables, avec le merveilleux, la magie, l’héroïsme et une bonne dose d’humour. Une excellente découverte.

Je fut amenée à lire ce livre après avoir vu les films "Thor" et "Avengers". Je voulais en savoir plus sur le personnage de Loki.

Ce livre m'a vraiment beaucoup plu et surtout la partie regroupant les documents. On en apprend énormément sur Loki, dans ce livre, ce qu'il à fait et ce dont il est à l'origine. J'ai tout de même aimé le reste du livre, mais beaucoup moins.
Lien : http://les-lectures-de-roxy...

Une série d'entretiens qui nous permet de comprendre la genèse de l'oeuvre de George Dumézil, de son travail sur les sociétés et les religions indo-européennes, aux travers de sa vie et de ses expériences de chercheur.

C'était à l'origine 3 livres de tailles différentes. Je découvrais les mythologies comparées. Ce fut une révélation. Après j'ai lu Eliade, Lévi-Strauss...Je l'ai réouvert récemment. C'était très à la mode il y a une trentaine d'année. Ce livre était dans la liste de livres que tout étudiant de sciences politiques ou de candidat à l'ENA devaient connaître. Maintenant ils ne lisent plus rien, c'est plus facile.

Cela a-t-il résisté au temps? J'ai parcouru récemment le premier tome. La structure de la pensée tient le choc. Indiscutablement c'est tellement rigoureux qu'il est difficile de rejeter en bloc. Néanmoins, il est évident que l'évolution des idées doit donner un regard différent. J'aimerai bien connaître l'état des publications sur les indo-européens.

La verve de Dumézil, qui donne à ses livres l'allégresse épique de romans, ne lui valut pas que des amis. Mythes et dieux des Indo-Européens, recueil posthume, donne une idée des débats suscités : le comparatisme n'est-il pas réducteur ? Embrasser autant de cultures est-il possible ?
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