(Critique du roman le plus lu du XIXè siècle, adapté au théâtre et commenté par Francisque Sarcey dont je reprends intégralement les propos)
Il y a dans ce succès un enseignement. Tandis qu'une école de révolutionnaires bruyants prétend bouleverser de fond en comble les vieilles règles et nous apporter un art nouveau, voici un homme qui réussit, disons mieux, qui va aux nues, tout simplement parce qu'il sait son métier, parce qu'il nous donne ce qu'on appelait autrefois une pièce bien faite.
Le drame de M. Ohnet est fondé sur des sentiments que tout le monde comprend et qui intéresse tout le monde parce qu'ils sont les sentiments communs de la nature humaine ; il est clairement exposé, déduit avec logique ; un dénouement heureux le conclut. Il n'en faut pas davantage, je ne dis pas pour écrire un chef-d'oeuvre, mais pour plaire deux ou trois cents fois de suite au public.
Et moi aussi, certes, j'aurais bien des regrets à exprimer en parlant de l'oeuvre de M. Ohnet : l'étude des passions est superficielle ; les caractères tiennent plus de la convention que de la réalité ; le style, encore qu'il ait le mouvement dramatique, est de conversation courante, entre gens qui parlent une langue ordinaire. Non, à coup sûr, je ne regarde pas le *Maître de forges* comme un chef-d'oeuvre.
Voyez pourtant, ô jeunes gens, ce que peuvent au théâtre des qualités dont vous faites orgueilleusement fi : la science des combinaisons, la dextérité et la sûreté de main, l'art de conduire logiquement une seule et même idée, sous forme dramatique, de l'exposition au dénouement, puisque, avec ces seuls mérites, sans philosophie, sans poésie, et presque sans style, M. Ohnet a conquis le public tout entier. Regardez ce que deviennent à côté des ouvrages à prétentions plus hautes.
M. Ohnet a, dans son *Maître de forges*, mis en oeuvre une idée qui n'est pas fort nouvelle. Mais qu'importe au théâtre ! Il ne s'agit pas là de faire ce que n'a fait personne encore, mais de bien faire ce qu'on fait.
Une femme d'un caractère altier a été poussée par les circonstances à épouser, avec un autre amour dans le coeur, un homme qu'il lui était permis de croire au-dessous d'elle et qui l'aimait passionnément.
Le mari, comme il arrive souvent, s'est trouvé être supérieur de tous points à l'amant. Il se produit dans son âme, et à la suite d'un son coeur, un lent revirement ; mais elle met une certaine pudeur à exprimer les nouveaux sentiments qui l'agitent à l'homme qu'elle a affecté de mépriser ; ce serait lui donner le spectacle de sa défaite, et l'orgueil la retient sur le bord d'une déclaration qu'elle attend, car il a lui aussi sa fierté, et ne peut ni ne veut faire les premiers pas.
Un événement, qui mettra en jeu la vie de son mari, précipitera le coeur de l'épouse, et la jettera, éperdue et repentante, aux bras de celui qu'elle aime à présent, qui seul méritait d'être aimé d'elle et qui lui pardonne en l'embrassant. Ce baiser, le baiser de la réconciliation, est aussi le baiser de dénouement.
L'intérêt du *Maître de forges* est dans la peinture de cette âme qui part de la haine et du mépris pour arriver, en passant par toutes sortes de sentiments intermédiaires, à l'amour le plus exalté. Il y a drame, puisqu'il y a mouvement. L'art de l'écrivain consistera à marquer d'un trait vif et pittoresque les divers moments que traverse cette passion, avant d'arriver au but qu'il avait désigné d'avance.
Je sais guère d'exposition plus claire, plus nette, plus vivante que celle du *Maître de forges*. Ce premier acte est celle d'un homme qui a la pleine possession de son outil ; qui le manie avec une parfaite sûreté de main.
Nous voyons tout d'abord Mlle Claire de Beaulieu triste, préoccupée. Elle aime le jeune duc de Bligny, son cousin. Elle s'est, dès son enfance, habituée à le regarder comme son fiancé ; le duc a laissé croire que son intention formelle était d'épouser Claire ; les deux familles, qui voyaient ce mariage avec plaisir, ont permis aux deux jeunes gens de vivre ensemble, de se dire qu'ils s'aimaient.
Or, le duc est parti pour un voyage, et l'on n'a plus eu de ses nouvelles. Pourquoi n'écrit-il pas ? Claire a l'âme noble, elle ne saurait le soupçonner d'une trahison. Mais, pourtant, elle ne saurait se longtemps sans donner de nouvelles !
Le silence du jeune duc ne s'explique que trop.
Un vieil ami de la famille des Beaulieu tire la mère à part, et lui apprend deux choses également cruelles : la première, c'est qu'elle vient de perdre en Angleterre un procès, où feu son mari s'était engagé et d'où dépendait sa fortune ; la seconde, c'est que le duc de Bligny, que l'on croît encore en voyage, est revenu depuis quinze jours à Paris ; il s'est laissé emporter aux amours faciles ; il a eu des besoins d'argent, il a joué, il a perdu ; la dernière culotte est de cent mille francs : une culotte définitive, car il n'a pas le premier sou.
Ce n'est pas en se mariant avec Claire, ruinée à présent, qu'il raccommodera ses affaires. Il tourne donc autour de Mlle Moulinet, la fille d'un homme qui s'est enrichi à vendre du chocolat exempt de cacao, une fille de dix millions, s'il vous plaît. On croit qu'il a demandé officiellement sa main.
Mme de Beaulieu est atterrée de ces deux nouvelles. Mais elle estime qu'il vaut mieux les cacher l'une et l'autre à sa fille. La pauvre enfant les apprendra toujours assez tôt.
Le vieil ami, qui est un homme sage et très au courant du pays où Mme de Beaulieu vient passer la belle saison, lui parle discrètement d'un certain M. Philippe Derblay, maître de forges, qui est en train de faire une immense fortune ; c'est un jeune homme grand d'avenir ; il commande à deux mille ouvriers ; il sera, le jour où il le voudra, député et peut-être ministre. Il aime silencieusement et passionnément Mlle Claire. Si on lui donnait un signe d'encouragement...
Ce Philippe Derblay, nous l'avons vu en effet dans une visite qu'il a faite avec sa soeur au château. Il est distingué et aimable ; on sent chez lui un homme supérieur. Mais quoi ! c'est un roturier et un forgeron.
Mme de Beaulieu ne repousse que faiblement l'idée d'une mésalliance. Mais comment persuader à Claire, qui est d'un caractère si hautain, de renoncer à un duc qu'elle aime, pour donner sa main à un homme qui n'est que riche et qu'elle n'aime pas ?
Ce mariage semble impossible, et il faut qu'il se fasse, car c'est de ce mariage que partira le drame.
M. Georges Ohnet a trouvé un moyen très simple, très ingénieux et j'ajouterai très dramatique, car il est pris dans le caractère même de Mlle Claire de Beaulieu. C'est précisément parce qu'elle est de coeur altier qu'elle va, sans réfléchir, par coup de tête, se jeter dans une mésalliance.
Je vous ai parlé de Mlle Moulinet, cette fille de dix millions, à qui le duc de Bligny fait la cour. Eh bien, cette jeune personne a été élevée autrefois au même couvent où se trouvaient Mlle Claire de Beaulieu et l'une de ses cousines. C'était un couvent où l'on n'admettait guère que des filles de noblesse. Aussi M. Moulinet l'avait-il choisi pour sa fille. Elle y avait été horriblement malheureuse ; elle avait eu à subir les plaisanteries de ses compagnes ; elle avait été tourmentée de tous les serpents de l'envie.
Vous jugez de son plaisir quand elle voit le duc de Bligny, qui passait partout pour le fiancé de Mlle de Beaulieu, lui faire la cour et demander sa main. Quelle revanche pour elle ! Elle allait donc traiter sur un pied d'égalité avec ces filles de l'aristocratie, et les écraser de ses millions. Mais il y a une vengeance plus délicate, plus féminine, qu'elle a méditée de se payer, sans qu'il lui en coûte rien.
Elle vient avec son père au château De Beaulieu s'autorisant des vieilles relations qu'a créées entre les deux jeunes filles une camaraderie de couvent. Elle a, dit-elle, un conseil à demander à sa bonne amie Claire.
Ce conseil, vous le devinez bien : peut-elle et doit-elle épouser le duc de Bligny ? Elle a su, par hasard, que le duc s'était engagé avec Claire. Si Claire y tient, elle est trop honnête personne pour aller sur les brisées d'une amie, elle le lui cède.
Elle parle longtemps sur ce ton, enfonçant le poignard et le retournant dans le coeur de la malheureuse Claire, qui cache de son mieux sa douleur et son désespoir.
Comment faire pour répondre tout de suite à cette insolente provocation, pour montrer à ce duc infidèle et déloyal, à cette péronnelle impertinente, qu'on ne se soucie pas d'eux, qu'on a de quoi les dédaigner ?
Il faut trouver un mari.
- M. Philippe Derblay est-il toujours dans les mêmes dispositions ? Demande-t-elle.
Et comme il répond qu'obtenir sa main serait le comble de ses voeux :
- La voici ! Dit-elle.
Et, se tournant vers toute la compagnie qui entre :
- Ma chère amie, dit-elle à Mlle Moulinet, vous venez de m'annoncer votre mariage avec M. le duc, permettez-moi de vous faire part du mien : j'épouse M. Philippe Derblay.
Voilà un mariage fait par dépit ; nous sentons bien qu'il en sortira des tempêtes. Nous le sentons d'autant mieux que la fière jeune fille, en épousant Philippe Derblay, croît ne faire qu'une mésalliance. Elle se se doute pas qu'on peut l'accuser de s'être vendue, car elle est pauvre à cette heure et il est riche. Qu'adviendra-t-il quand elle apprendra ce secret ? (elle ignorait encore la ruine récente de sa famille) Et il faudra qu'elle l'apprenne un jour ou l'autre.
L'avenir est donc gros de complications et de mystères.
Et si vous saviez comme tout cela nous est présenté avec grâce et animation ! En quelques mots justes et expressifs, l'auteur nous met au courant de tous ces personnages. Nous faisons connaissance, non seulement avec les deux héros du drame, Philippe Derblay et Claire de Beaulieu, mais avec nombre de personnages épisodiques.
C'est M. Moulinet père, le parvenu du chocolat, qui fait d'un air bon enfant la roue avec ses millions, débite avec l'aplomb du millionnaire d'énormes sottises dont souffre tout bas sa fille, et répète à tout propos : M. le duc, mon gendre. C'est sa fille, la belle Athénaïs, avec ses allures vipérines, son parler doucereux, son art tout féminin de distiller le poison de la médisance : c'est le duc de Bligny, un viveur sans coeur ni esprit, qui n'a pour lui que les manières du grand courage et le courage du gentilhomme ; c'est Mme de Préfont, une cousine de Claire, entichée comme elle de préjugés nobiliaires, mais quia eu la chance de rencontrer un bon mari qui l'adore et qu'elle fait marcher à la baguette, rieuse, spirituelle et de bon conseil ; c'est la mère, Mme de Beaulieu, une digue et aimable douairière, dont la sagesse plait par un tour d'attendrissement maternel ; c'est le frère de Claire, un garçon de coeur généreux et de parole vive, qui couperait volontiers les deux oreilles au duc pour lui apprendre à ne plus aimer sa soeur : c'est Bachelin, le vieil ami de la famille De Beaulieu, le raisonneur de la comédie ; tout ce monde va, bien, s'agite, se croise, sans confusion, révélant son caractère par un mot, le mot juste et qui frappe, jusqu'à la scène à effet qui clôt par un coup de théâtre ce merveilleux premier acte.
Le mariage vient d'être célébré, à minuit, sans apparat, dans la chapelle du château. Les invités, qui étaient peu nombreux, se sont retirés ; on a laissé la jeune femme seule au salon en costume de mariée. Elle est agitée, nerveuse. Voilà le terrible moment venu ; elle est engagée ; il faut payer. Les suites de son coup de tête lui inspirent une sorte d'horreur. Elle ne s'est pas encore expliquée de son coeur avec celui qui est aujourd'hui son mari. le mariage a été si vite décidé ! Elle l'a si peu vu durant les délais règlementaires ! Et puis, elle reculait devant cette déclaration ! Bref ! La voilà acculée.
Le mari entre : Il remarque chez sa femme certaines hésitations, qui lui paraissent toutes naturelles. C'est un honnête homme, un homme délicat : il comprend ses scrupules de pudeur chez une jeune épouse. Il les excuse, bien qu'il en soit un peu chagrin. Il lui offre de se retirer, de la laisser seule à ses réflexions ou à son sommeil. Il s'approche pour lui dire adieu ; il semble que la scène soit terminée là.
Il faut cependant qu'elle revive, si l'on veut que le sujet soit pleinement exposé. Comment et sur quoi se fera le revirement du mari ?
Le mari, au moment de déposer sur les cheveux de sa femme un baiser d'adieu, se laisse aller à un mouvement de passion, et, la serrant de bras pressé sur sa poitrine :
— Si vous saviez pourtant, lui murmure-t-il tout bas, comme je vous aime !
À cet enlacement subit, l'orgueil de la jeune femme s'est révolté. Elle a eu un mouvement de répulsion ; elle s'est, d'un geste inconscient et subit, débarrassée du bras qui l'étreignait.
Ce geste est pour Philippe comme un trait de lumière.
Ce n'est plus là le mouvement de pudeur d'une jeune fille qui hésite au seuil de l'inconnu, c'est de la répugnance, c'est de l'aversion, une aversion qu'explique seul un autre amour.
— Vous aimez encore le duc, s'écrie-t-il désespéré et furieux.
Elle, dans un transport de révolte :
— Et quand cela serait ?
Voyez avec quelle facilité la scène tourne sur un simple geste. Dans la première partie, les deux époux ont épuisé toutes les raisons, tirées de l'ordre commun, qui poussent l'un à désirer et à prier, l'autre à se dérober. Dans la seconde, après une volte-face subite, tous deux vont aller jusqu'au bout de la situation nouvelle que ce geste leur a créée.
Le mari, ce mari si humble et si suppliant tout à l'heure, s'est redressé sous l'outrage.
Sa femme lui dit : Gardez ma dot ; c'est la rançon de ma liberté.
Ce mot de rançon lui brûle les lèvres ; cette dot, il ne la touchée, puisqu'elle n'existe pas.
Mais il se tait par pudeur. Au surplus, ce n'est plus la vision de la dot qui le touche. Ce qui lui fait monter le rouge au front et les larmes aux yeux, c'est l'horreur qu'elle lui témoigne, et cela quand c'est elle-même qui l'a choisi, qui lui a en quelque sorte demandé sa main ! Il ne peut se tenir d'indignation et lui crie que désormais leur vie sera irrémédiablement séparée.
— Voici votre appartement ; voici le mien.
Et il ajoute que, dût-elle un jour se jeter à ses pieds pour lui demander l'oubli de cette nuit cruelle, jamais il ne l'admettra à rentrer en grâce.
C'est un autre homme que celui qu'elle avait connu : un homme énergique qui lui impose ; elle sentirait presque une envie de s'humilier, de revenir sur ce qu'elle a dit, mais son orgueil l'arrête ; elle traverse la scène d'un pas lent, s'arrête un instant devant la porte de la chambre à coucher, et la pousse d'un geste où il y a comme du regret mêlé à son dépit.
Son mari la suit des yeux et voyant retomber la porte sur elle :
— Je t'adore, s'écrie-t-il, mais je te briserai.
Ainsi s'annonce la lutte qui va remplir le drame (…)
C'est la fête de Mme Derblay. Il y a réception à l'usine, et nous y revoyons tous les personnages qui ont défilé sous nos yeux au premier acte, même le duc de Bligny et la duchesse, la belle Athénaïs, que l'on a dû inviter, parce qu'ils sont de la famille et qu'on n'a pas voulu faire d'esclandre. Les ouvriers ont délégué un des leurs pour offrir un bouquet à Mme Derblay, qui fait le bonheur de leur patron ; la fête est gaie, on lui fait compliment de la joie qu'elle répand autour d'elle. Au milieu de toutes ces félicitations, Claire est horriblement triste. Ce mari qu'elle croyait détester a su l'aimer, elle se met à l'aimer. Il est si bon, si grand, si généreux ! Tout le monde l'estime et l'honore, tout le monde a l'air de croire qu'il est en passe d'arriver à tout. Et ce mari, elle l'a dédaigné ! Elle n'est plus rien pour lui ! Il l'accable en public de prévenances et de cadeaux, mais il est glacé avec elle, et si par hasard une phrase de regret est près d'éclore sur ses lèvres, il l'arrête d'un mot froid ou d'un geste sceptique.
Mais voici ce qui est bien pire.
Elle commence à connaître les tourments de la jalousie. Tandis que le duc tourne autour d'elle et lui débite des fadeurs, — ah ! il prend bien son temps, le duc ! — Athénaïs fait mine d'accaparer Philippe, elle lui demande son bras, elle s'extasie sur ses moindres mots ; elle joue la femme amoureuse, enchantée que ces coquetteries fassent enrager sa bonne amie.
Le sang monte aux joues de Claire. Elle n'est pas de celles qui peuvent s'attarder aux situations équivoques. Il lui faut une explication avec Athénaïs, une explication complète.
Athénaïs n'a pas besoin de se cacher : elle tient le bon bout, elle est duchesse de Bligny. Elle joue donc franc jeu avec son ancienne camarade de couvent.
— Eh bien, oui, lui dit-elle, c'est une revanche. Tu m'as humiliée à la pension avec ton titre et ta fortune, c'est mon tour aujourd'hui...
Ah ! C'est ainsi ! Vous avez déjà vu de quels coups de tête Claire est capable dans un mouvement de passion.
Elle se laisse cette fois emporter à une incartade tout aussi funeste en conséquences que l'a été la première.
— Monsieur le duc, dit-elle, s'adressant à son cousin, donnez votre bras à Mme de Bligny et ramenez-la ; je la chasse.
Athénaïs reste suffoquée.
— Ne me défendez-vous pas, monsieur le duc ? s'écrie-t-elle ; me laisserez-vous insulter ainsi ?
Le duc est mis au pied du mur. Il se tourne vers Philippe.
— Prenez-vous la responsabilité de ce qu'a dit Mme Derblay ?
— Je tiens pour bien dit et pour bien fait tout ce que dit et fait Mme Derblay, répond Philippe.
Un duel est inévitable, et, quand la toile se relève, nous sommes chez Philippe, qui prend ses dernières dispositions.
Mme Derblay est folle de douleur : c'est elle qui est cause de tout le mal, c'est elle qui a jeté son mari dans ce danger terrible. Elle ne peut rien pour le sauver et elle l'adore. Elle se traîne à ses pieds et il reste impassible. Il ne la trouve pas encore assez punie.
On le trouverait peut-être un peu cruel de ne pas céder ; mais quoi ! lui aussi, il est jaloux.
— Eh ! bien, oui, je le hais, ce duc qui m'a pris votre amour. Si je l'ai reçu chez moi, c'est que je guettais l'occasion d'une querelle ; vous me l'avez fournie, je la saisis aux cheveux et je vais le tuer, si je puis.
Rien de plus vrai et de plus émouvant.
Le dénouement est court.
La scène représente le coin du parc où les deux adversaires doivent se battre. Nous assistons aux préparatifs du duel entre Philippe et le duc. Ils sont placés à vingt pas, le dos tourné l'un à l'autre. Au commandement, ils doivent se retourner et tirer à volonté.
La formule sacramentelle est dite ; tous deux font volte-face. Mais avant de tirer, maîtresse Mme Derblay épie le moment ; elle s'est jetée au-devant du pistolet, reçoit la balle dans la poitrine et tombe.
Cet incident met naturellement fin au combat.
Philippe se jette sur le corps de sa femme. Elle se relève péniblement.
— Un seul mot : m'aimes-tu ?
— Je t'adore.
— Ah ! comme nous allons être heureux !
Vous pensez bien qu'elle guérira, qu'ils vivront en effet très heureux, comme dans les contes de fées et qu'ils auront, toujours comme dans les contes de fées, beaucoup d'enfants.
Cette pièce charmante est jouée à ravir.
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