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EAN : 9783849133740
312 pages
tredition (20/11/2012)
3.7/5   5 notes
Résumé :
Le jeune Pascal Caravajan, avocat de talent, rentre dans sa ville natale après plusieurs années d'absence. Egaré, il demande sa route à une charmante amazone. La jeune fille le renseigne et l'accompagne pendant une demi-heure, au cours de laquelle Pascal tombe sous son charme. Au moment de la quitter, il lui demande son nom. Malheur!Elle se révèle être Mlle de Clairefond, la fille de l'ennemi juré de son père. De retour chez lui, le jeune homme se rend compte que ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Monument de la littérature bourgeoise de son temps, plus gros vendeur de livres de la Belle-Époque, honni par le monde des lettres pour la mesquinerie hautaine et égoïste de son univers, Georges Ohnet préfigurait pourtant toute l'évolution littéraire de la première moitié du XXème siècle vers une analyse plus ou moins profonde des moeurs de la bourgeoisie de province. Georges Ohnet laisse une oeuvre imposante et protéiforme, qui passe progressivement du roman de moeurs au roman policier, posant les bases de ce qu'allait être bien des années plus tard les univers du romancier Georges Simenon et du cinéaste Claude Chabrol.
Néanmoins, homme de son temps, lui-même bourgeois nostalgique des temps monarchiques (son immense succès littéraire lui permettra d'acquérir le château du Bois-La-Croix, en région parisienne), Georges Ohnet est loin, même aujourd'hui, de nous apparaître comme un écrivain sympathique et recommandable. le mépris de ses pairs fit d'ailleurs très vite de lui un homme isolé, amer, obnubilé par l'élévation sociale et le rapprochement entre bourgeoisie affairiste et aristocratie désargentée.
L'essentiel de l'oeuvre de Georges Ohnet consiste en un cycle de 34 romans qui, bien qu'indépendants les uns des autres, sont rassemblés sous le titre « Les Batailles de la Vie », ne partagant entre eux que la nature de leurs intrigues, fondées sur des luttes individuelles, en couples, au sein d'une famille ou d'une communauté. Tout chez Ohnet se résume à cette âpreté des êtres qui imposent leurs volontés aux uns et aux autres, fut-ce au prix d'un meurtre ou d'un suicide plus ou moins assisté, car le suicide et le crime passionnel - entendez autant le crime par amour que le crime par haine - rodent en permanence dans les romans de Georges Ohnet, et assez souvent y font basculer l'intrigue ou en donnent le point final.
« La Grande Marnière » (1885) est le cinquième volume de ces « Batailles de la Vie », et c'est un des romans les plus douteux de toute la carrière de son auteur. D'abord parce qu'il est quasiment plagié sur « L'Idée de Jean Têterol », un roman de Victor Cherbuliez paru en 1878. Mais là où l'astucieux et l'ironique Cherbuliez avait su brosser une farce féroce mais aimable et pleine de tendresse, Georges Ohnet s'y montre mortellement sérieux en choisissant d'en faire une tragédie shakespearienne quelque peu balourde...
L'histoire se déroule dans un petit village de Normandie, nommée La Neuville, où rien ne semblerait jamais troubler la routine de chacun si une haine farouche n'opposait le maire, un impitoyable homme d'affaires nommé Carvajan, au châtelain local, M. de Clairefont. Les origines de cette haine remonte à quatre décennies plus tôt, alors que le jeune marquis exerçait volontiers son droit de cuissage sous la Restauration, et avait jeté son dévolu sur la fiancée de Carvajan, d'ailleurs parfaitement consentante. Surprenant les deux amants dans le fiacre du marquis, Carvajan s'était pris, de la part de ce dernier, un magistral coup de fouet qui avait imprimé sur son visage une cicatrice indélébile. Depuis ce jour, Carvajan, qui n'était alors qu'un modeste paysan, s'était jeté à corps perdu dans les affaires jusqu'à devenir un industriel millionnaire. Se faisant assez facilement élire comme maire, il se mit alors à racheter progressivement toutes les dettes qui touchaient le châtelain, jusqu'à être son unique et omnipotent débiteur.
Car depuis l'âge où le marquis courait la gueuse, le Second Empire puis la République sont passés par là, et les spoliations ont rapidement réduit les biens du marquis à son seul château, qu'il habite avec sa soeur, la truculente Mme de Saint-Maurice, ainsi qu'avec ses deux enfants, le belliqueux Robert et la charmante Antoinette. Pris depuis longtemps d'une toquade obsessionnelle pour la chimie, persuadé qu'il va découvrir au fond de ses alambics un engrais miraculeux dont le commerce va renflouer ses caisses, le marquis de Clairefont a peu à peu délégué les affaires courantes à sa famille et s'est claquemuré dans ses recherches scientifiques infructueuses. Petit à petit, les terres et le château ont été hypothéqués, et Carvajan pense enfin tenir sa vengeance. La dette de M. de Clairefont se monte à 160 000 francs. Carvajan en exige le paiement avant la fin du mois courant, sinon il exproprie les Clairefont et saisit tous leurs biens, y compris la grande marnière qui se trouve sur leurs terres.
Bien que Georges Ohnet, sans doute mal renseigné, la décrive comme un tumulus, il s'agit en réalité d'une cavité naturelle dans un sol, agrandie ou non par la main de l'homme, au sein de laquelle on trouve le plus souvent de la craie, mais aussi des substances organiques vendues, au XIXème siècle, comme des engrais biologiques. Une marnière était donc encore, en 1885, une sorte de mine dont on pouvait très profitablement exploiter les matières souterraines. Aujourd'hui, elle n'a plus guère qu'un caractère folklorique ou touristique, puisque c'est un phénomène géologique presque exclusif à la région de Haute-Normandie.
Pour que sa victoire soit complète, Cavajan fait revenir au village son fils Pascal, monté à Paris bien des années plus tôt et installé là-bas comme avocat. Pascal, à vrai dire, ne revient à La Neuville qu'en traînant les pieds, car il n'aime guère son père, et la fréquentation des élites parisiennes lui a rendu encore plus odieuse la mesquinerie cupide et brutale de son géniteur. Égaré aux abords du village, il tombe sur la jeune Antoinette de Clairefont, qui le guide vers le chemin du village. Ce n'est qu'au moment des adieux, et donc des présentations, que chacun d'entre eux reconnaît, atterré, la progéniture de son ennemi.
Charmé néanmoins par la jeune femme, Pascal va résolument prendre le parti des Clairefont face à son père, au point même, pour gagner leur confiance forcément réticente, de payer leurs dettes sur ses propres économies, ce qui rend Carvajan père furieux et l‘amène à chasser son fils de sa maison. Pascal se résigne alors à rentrer à Paris, mais il n'en a pas le temps : un drame vient endeuiller le village.
Au lendemain d'un bal public, Rose, l'une des jeunes femmes y ayant participé, est retrouvé morte étranglée dans l'un des buissons environnants. Or, cette jeune femme était connue pour être un flirt occasionnel de Robert de Clairefont, des témoins les ont d'ailleurs vus ensemble sortir du bal. Tout semble donc accuser Robert, qui se retrouve arrêté par la police. Pascal décide de se faire son avocat, et parviendra à le faire acquitter près une brillante plaidoirie, non sans que l'on ait découvert que le meurtre de Rose avait été en fait commis par l'idiot du village, lequel, se sachant découvert, se jette très mélodramatiquement dans le vide depuis le haut du château des Clairefont.
La défaite de Carvajan père étant consommée, il ne reste plus qu'à Antoinette qu'à demander fort inhabituellement la main de Pascal, qui n'ose bien entendu se déclarer auprès d'une personne située au-dessus de lui dans l'échelle sociale. Les deux beaux pères ennemis mortels sont bien obligés de se soumettre au plus indiscutable des traités de paix, et voilà comment on met fin à la lutte des classes !
Cette histoire serait tout à fait romantique et charmante, si Georges Ohnet n'appuyait d'une main de plomb sur le manichéisme très orienté qu'il lui confère : dans ce microcosme social que représente le petit village de la Neuville, Ohnet célèbre l'alliance – pour ne pas dire l'allégeance – de la "bonne" bourgeoisie, représentée par Pascal Carvajan, avec l'aristocratie – la famille de Clairefont – laquelle, en dépit de ses erreurs de jugement ou ses maladresses, demeure quand même l'élite indiscutable de la société, représentante de valeurs morales et d'éducation tout à fait partagée par cette "bonne" bourgeoisie. Face à eux, Carvajan représente le paysan, l'ouvrier, le prolétaire, le parvenu rendu monstrueux par un orgueil boursouflé – beaucoup trop pour un pauvre – et par une fortune que l'on ne devrait jamais confier à quelqu'un qui n'a pas été éduqué. Quant au reste du village, les habitants, tous d'extraction modeste, y sont à peine mieux présentés que l'idiot du village. Leurs physiques sont épouvantables, grimaciers, vulgaires, et lorsque, ulcérés d'avoir perdu l'une de leurs plus jolies filles, ces villageois injurient Robert de Clairefont au moment où la police vient l'arrêter, Georges Ohnet lui-même dans sa narration parle de "rage populacière".
Toute cette débauche de mépris plombe inutilement un récit dont l'intérêt repose principalement sur le dilemme de Pascal Carvajan, contraint moralement de trahir son propre père pour des raisons d'honnêteté et d'intégrité morale qui vont bien au-delà des limites de classes sociales, auxquelles néanmoins Georges Ohnet s'efforce, à la moindre occasion, de ramener le lecteur.
Il en résulte que ce roman, dont l'intrigue, pour être classique et assez grandement plagiée, n'en est pas moins brillamment menée et magistralement servie par des dialogues qui font mouche (grande spécialité de Georges Ohnet), se révèle d'une lecture malaisée tant Georges Ohnet veut concilier l'inconciliable, c'est-à-dire la vertu morale et profondément généreuse de son héros avec une mentalité légitimiste partisane, fondée sur le mépris ouvert des trois quarts de l'humanité, et reflétant d'ailleurs bien moins la pensée aristocrate, protégée du dédain par son patrimoine et sa longue lignée d'ancêtres par rapport à laquelle il lui faut rester digne, que la pensée bourgeoise la plus arriviste, celle que seule la fortune, souvent changeante, sépare réellement du prolétariat, et qui tient souvent, par inquiétude, à marquer fort insolemment la barrière sociale.
Ajoutons à cela que les sentiments humains ici, en dépit d'un romantisme de façade, ne sont bien souvent que des postures identitaires, des partisanneries fumeuses ou des reconnaissances de dettes. Quelque chose de froid et de desséché unit même Pascal Carvajan et Antoinette de Clairefont, le premier n'aimant réellement en elle qu'une jolie figure, de beaux cheveux blonds, et le port droit et fier de sa caste, tandis que la jeune femme n'est réellement émue que par l'esprit de dévouement, de sacrifice et d'allégeance de Pascal. Malgré quelques jolis moments, dont la très touchante et très pudique déclaration d'Antoinette à Pascal, leur mariage ne semble aux yeux de l'auteur qu'une fructueuse association permettant de mettre fin à tous les litiges, et c'est tout de même une conclusion un peu gênante…
À noter enfin que « La Grande Marnière » est l'un des rares romans de Georges Ohnet à avoir été adapté au cinéma, en 1943, par Jean de Marguénat, avec Jean Chevrier et Micheline Francey dans les rôles-titres. le film suit assez fidèlement l'intrigue du roman, même si les dialogues, modernisés, n'ont pas la brillance de ceux de Georges Ohnet. Souffrant d'un budget limité qui rend très imparfaite la reconstitution d'un village du XIXème siècle, le film néanmoins confère aux personnages du récit un peu plus de chaleur et d'humanité que ce que Georges Ohnet avait cru bon de leur donner, et corrige ainsi partiellement les défauts et le parti pris de ce roman.
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Égaré, cherchant ses repères, Pascal rencontre une jolie jeune fille à qui il demande secours. La jeune l'accompagne et lui indique le chemin. A la fin, ils ont demandé à se présenter chacun à son tour : Mlle Clairefont et lui Pascal Carvajan... Surpris, leur doux sourire se transforme en dédain....
Une guerre est déclarée entre ces deux familles. Celle habitant la grande Marnière, la famille Clairefont et celle de Neuville, la famille Carvajan. Les Clairefont sont une grande fortune de l'Angleterre installée en France. Les Calvajan, dont le père est le maire de la ville bénéficie du soutien des habitants de la ville dans ce conflit. Mais Pascal Cavaljan, amoureux de Mlle Clairefont va remuer les anciens souvenirs du passé de ces deux familles…
Une histoire vraiment classique, et contée classiquement avec des respirations purement classique. L'histoire est passionnante, on le lit comme on lirait facilement le comte de Monte-christo. Mais j'ai été gênée par trop de détails de l'auteur…
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Mais laissez-moi vous dire que j’arrive d’un pays où les intérêts qui vous mettent en mouvement paraîtraient bien mesquins. J’ai parcouru les provinces les plus sauvages de l’Amérique, j’y ai vu des domaines de cent mille hectares, où pâturent des troupeaux innombrables, gardés par des escouades de bergers à cheval. En repassant au bout d’un an dans des contrées que j’avais connues désertes, j’y ai découvert des villages poussés comme par enchantement, j’ai traversé à cheval des montagnes où l’argent est le caillou du chemin, j’ai longé des lacs de pétrole contenant de quoi éclairer l’Europe entière pendant dix années sans tarir. J’ai foulé des champs où la terre végétale a cinq mètres d’épaisseur, et où la paille du blé est haute à cacher un homme debout. J’ai assisté à la marche prodigieuse et ininterrompue du progrès, transformant tout un monde. Je reviens, au bout de dix ans d’absence, et je vous trouve ici occupés de la même intrigue, échauffés de la même haine, dévorés du même désir.
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– Vous savez depuis longtemps ce que je pense de vos recherches. Un homme tel que vous n’a rien à gagner et a tout à perdre dans ces besognes d’ouvrier.
– Mais,... le roi Louis XVI faisait de la serrurerie.
– Aussi vous voyez comme cela lui a réussi !
– Vous ne pensez pas, au moins, que je mourrai sur l’échafaud ?
– Non ! mais vous mourrez sur la paille !
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J’ai parcouru les provinces les plus sauvages de l’Amérique, j’y ai vu des domaines de cent mille hectares, où pâturent des troupeaux innombrables, gardés par des escouades de bergers à cheval. En repassant au bout d’un an dans des contrées que j’avais connues désertes, j’y ai découvert des villages poussés comme par enchantement, j’ai traversé à cheval des montagnes où l’argent est le caillou du chemin, j’ai longé des lacs de pétrole contenant de quoi éclairer l’Europe entière pendant dix années sans tarir. J’ai foulé des champs où la terre végétale a cinq mètres d’épaisseur, et où la paille du blé est haute à cacher un homme debout. J’ai assisté à la marche prodigieuse et ininterrompue du progrès, transformant tout un monde. Je reviens, au bout de dix ans d’absence, et je vous trouve ici occupés de la même intrigue, échauffés de la même haine, dévorés du même désir. Allons, on voit que tout est définitivement réglé, mesuré et établi, dans notre France, et que vous avez du temps à perdre. J’assisterai à votre amusette, puisque vous m’y conviez ; mais je suis un peu blasé, je vous en préviens : je ne vous promets pas que j’y prendrai de l’intérêt.
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Ceux qui ne sont pas heureux sont facilement injustes...
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Pierre Gripari
- Pierre GRIPARI, écrivain : son refus de la compromission ; l'éthique est plus important que l'esthétique. L'écriture commencée à l'âge de 7 ans. Les auteurs qui l'ont influencé. Ce qui intéresse les enfants en littérature. Les exigences de son public enfantin et de ses lecteurs adultes ; la rigueur. Ses livres consacrés aux enfants. Critique des personnages de Georges OHNET. Son...
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