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420 pages
PAUL OLLENDORFF, ÉDITEUR (01/01/1888)
4/5   1 notes
Résumé :
Les Batailles De La Vie, Tome 7
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Georges Ohnet signe ici l'un de ses livres les plus marquants, célèbre aussi par la critique assassine qu'en a fait le pourtant très débonnaire Anatole France, et qui est reprise sur la page Wikipedia consacrée à Georges Ohnet. Cette critique n'est pas fondamentalement injuste, mais elle est très excessive, car effectivement, on trouverait difficilement deux écrivains aux conceptions plus opposées qu'Anatole France, chrétien humaniste, et Georges Ohnet, matérialiste bourgeois qui n'avait foi que dans les conventions sociales.
Sans surprise, la volonté est la thématique de base de ce roman, qui tranche par rapport à son prédécesseur, "Les Dames de Sainte-Croix", par une sophistication extrême dans la description d'un milieu communautaire de la bourgeoisie de province.
Le roman tourne autour de Louis Hérault, dernier rejeton d'une famille d'affairistes autodidactes, dont la mère fait entrer comme gouvernante dans la maison familiale une jeune femme du nom d'Hélène Graville, qui se trouve être une cousine éloignée issue d'une branche adultérine de la famille. Cette jeune fille charmante et vertueuse conquiert le coeur du pourtant très noceur Louis Hérault, mais aussi de son ami Clément Tauziat, lui aussi très viveur mais plus sentimentalement investi que son ami Louis. C'est pourtant finalement à Louis qu'Hélène accorde sa main.
Or, Louis est un être faible, influençable, lâche, qui menait déjà une relation adultère avec Diana Olifaunt, une intrigante anglaise, mariée à un notable britannique, et qui la poursuit après le mariage de Louis. Diana, avec l'accord de son mari, négocie ses faveurs auprès des puissants alliés de ce dernier, dont Lereboulley, un financier renommé, et Louis Herault, auquel elle cède au début par simple caprice.
Evidemment, toute cette situation repose sur un équilibre fragile, celui visant à maintenir dans l'ignorance les personnes trompées, et l'essentiel du roman de Georges Ohnet consiste à faire balancer d'un côté puis de l'autre la destinée de ce Louis Hérault sans volonté, sous l'emprise de deux femmes aux volontés puissantes et contradictoires. Toujours amoureux d'Hélène, Clément Tauziat attend l'heure de la chute de Louis. Plus tard, Lereboulley instruit de la relation de Diana avec Louis, tentera lui aussi de le faire chuter, pour récupérer sa maîtresse. Balloté par tous ces vents contraires, Louis est finalement le seul à ne pas perdre de plumes dans cette histoire, s'adaptant lors de chaque revers à ce que la situation exige.
Il s'en dégage fatalement une morale qui avait bien de quoi faire dresser les cheveux sur la tête à ce pauvre Anatole France, mais qui a aussi de quoi choquer nos contemporains : au final, pour Georges Ohnet, peu importent la morale et la vertu, seul compte la respectabilité, et celle-ci repose principalement sur un nom de famille et une fortune, tous deux hérités, et qu'il faut s'efforcer de préserver, quel qu'en soit le prix. L'amitié ne compte pas, l'amour encore moins. Pire : il est un dérèglement des sens, qui ne peut provoquer que de grands malheurs. Tous deux sincèrement amoureux, Tauziat et Lereboulley sont les grands perdants de cette histoire, tandis que l'attachement conventionnel et mortifiant d'Hélène envers son fourbe mari est considéré comme un sens du devoir qui ne peut être que remarquable. Quant à Louis Hérault lui-même, il est un parfait mauvais exemple dont les vices et les lâchetés n'ont que fort peu de conséquences sur sa vie - même si, par son attitude, il gâche bien d'autres existences -, car la solidité de sa position sociale et la priorité qu'il lui donne, lui vaut une totale rédemption.
Nous avons là effectivement les raisons pour lesquelles on peut percevoir les livres de Georges Ohnet comme "déplaisants" et ses conceptions "désobligeantes", pour reprendre les qualificatifs assez justes d'Anatole France.
Reste qu'en dehors de ces travers parfaitement assumés par l'auteur, et qui font partie de son style, Georges Ohnet n'est pas un mauvais romancier, même si ses ficelles sont parfois un peu grossières. Les personnages sont cohérents, complémentaires, bien dessinés, très personnages de théâtre (c'était d'ailleurs le premier amour - malheureux - de Georges Ohnet), et le caractère relativement conventionnel de ses intrigues est habilement compensé par cette morale élastique et biscornue, qui rend au final ses romans terriblement imprévisibles, le happy-end n'étant pas de rigueur.
Qui plus est, Georges Ohnet est un écrivain qui a un étonnant sens du suspense pour un homme de sa génération. Il annonce en fait toute la littérature policière du siècle suivant, particulièrement les ambiances à la Georges Simenon, qui chez Ohnet, restent cantonnées à la bonne société, mais le principe reste le même : un dysfonctionnement, en lieu et place de ce qui sera plus tard un crime, permet au lecteur de pénétrer l'intimité d'une ou de plusieurs familles, en s'étalant volontiers sur les coucheries, les compromissions, les rivalités de pouvoir, les inévitables histoires d'argent...
Les romans de Georges Ohnet peuvent, en ce sens, apparaître comme une sorte de polar avant l'heure, où le meurtre n'est jamais au début, mais à la toute fin, où les questions de bien et de mal se posent moins que celles de ce qui est légal ou criminel - ou plus exactement en ce qui le concerne, de ce qui est bienséant ou de ce qui ne l'est pas, concernant des personnes qui savent rester à leur place ou qui ne le savent pas - ce qui est aussi une forme de loi qui dépasse de beaucoup les valeurs morales.
"Volonté" est sur beaucoup de plans une oeuvre très emblématique du style Ohnet, et sa lecture est frappante par sa modernité, malgré le caractère désuet de l'intrigue. le style d'Ohnet est par ailleurs très vivant, très sobre, on ne croirait pas lire un livre du XIXème siècle, mais plutôt des années 1930 ou 1940, l'ambiance rappelle aussi parfois les polars américains de l'après-guerre, avec une certaine tension narrative. Au final, même si l'ensemble peut déplaire et la fin du roman encore plus, "Volonté" est plutôt un ouvrage envoûtant et palpitant qui préfigure l'évolution littéraire du XXème siècle, avec tout ce que ça implique, y compris évidemment une grande perte de noblesse intellectuelle et d'humanisme.
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- Pierre GRIPARI, écrivain : son refus de la compromission ; l'éthique est plus important que l'esthétique. L'écriture commencée à l'âge de 7 ans. Les auteurs qui l'ont influencé. Ce qui intéresse les enfants en littérature. Les exigences de son public enfantin et de ses lecteurs adultes ; la rigueur. Ses livres consacrés aux enfants. Critique des personnages de Georges OHNET. Son...
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