Gerald Seymour

Un chef d’équipe avait dit d’elle un jour : "Elle pourrait coller une sonde dans le cul d’un crocodile et il ne s’apercevrait même pas qu’on est en train de lui chatouiller les sphincters".

Il avait passé les tests – avec les félicitations des instructeurs – pour être le traqueur. Pas pour être traqué. Le sentiment d’échec le submergea. L’échec, comme un prurit dans son esprit, bloquait toute autre pensée qui aurait pu le calmer.

Les petites gens sont trop terrorisés pour venir nous trouver. Les gros profiteurs nous voient comme des obstacles qui les empêchent de fourrer leur groin encore plus loin dans l’auge pleine.

— Je n’aurais pas cru ça de lui, aller tremper sa nouille ! Ce n’est pas ce qui ressort de ce que notre premier de la classe nous en a dit, du portrait qu’il nous en a fait, dit SQG8.
— Ce vieux machin, le démon de midi l'a rattrapé, et sa Princesse ne va pas aimer, elle ne sera pas contente du tout si elle voit ces photos, dit SQG5.
— Elle les verra, en temps et en heure, grogna Gough.

— Avant la guerre, ce village était habité par des Croates et des Musulmans. Il est facile, Mister, de penser que les Serbes sont les seuls responsables de la guerre. Les Croates étaient aussi sauvages que les Serbes. Ils ont attendu que les Musulmans soient sans défense, et ils les ont attaqués. Avant la guerre, il y avait ici trois cents familles musulmanes et soixante familles croates. Et puis, il y a eu le nettoyage ethnique. Les Musulmans ont été expulsés, leurs maisons détruites – pas dans des combats, mais à coups d’explosifs, après leur départ. La plupart sont allés en Allemagne, mais ils ont été expulsés à nouveau, alors ils ont tenté de rentrer chez eux pour vivre à côté de leurs anciens voisins, qui étaient devenus leurs ennemis.

— Jasmina avait l’argent, tout ce que nous avions pu rassembler. Elle le lui a donné, et il a eu l’air de ricaner parce que c’était si peu pour lui, et tellement pour nous.

— Après une guerre, Joey, on ne peut pas faire ses valises comme s’il ne s’était rien passé. Personne n’en réchappe, tout le monde garde des cicatrices. Même si tu n’en entends plus parler depuis longtemps, cela ne veut pas dire que les cicatrices ont disparu. Tout ce que ça veut dire, c’est que le reste du monde, après s’en être soucié à une époque, a commencé à en avoir marre… Je ne peux pas vraiment dire que je les blâme. Aide-toi, le ciel t’aidera, tu vois ce que je veux dire. Eux, ils ne savent pas comment s’aider eux-mêmes.

— Ils ont impliqué le maximum de gens dans le nettoyage et les massacres, de manière que la faute soit collective. Créer une culpabilité collective, ça a été un des grands talents de leurs leaders. Le second point très habile, ça a été de détruire l’héritage de ceux qu’ils avaient forcés à partir. Mais n’oublie jamais une chose : il n’y a pas eu de saint parmi les seigneurs de guerre, d’un côté comme de l’autre, aucun, seulement des pécheurs.

— Est-ce que nous aurions pu faire ça ? bredouilla Joey. Est-ce que nous aurions fait ces choses dans les camps, vous et moi ?
— Bien sûr que nous l’aurions fait, répliqua-t-elle d’une voix lasse. C’est une question d’environnement, d’instinct de survie, de propagande. C’est ce vieux truc de vouloir avilir son ennemi. Gratte sous la peau de n’importe qui et tu trouveras un abcès de bestialité. Quand la haine tourne à l’obsession, quand on veut écraser l’autre, prouver sa suprématie, n’importe lequel d’entre nous peut se retrouver à agir de cette façon.

C’est comme quand tu as un bon chien. Tant qu’il est capable de rapporter le gibier, c’est génial. Mais quand il ne peut plus rien attraper, tu dis au gardien de s’en occuper. Tu entends le coup de fusil derrière les étables et tu ne sourcilles même pas. Des choses dures sont nécessaires, et tout homme qui a un brin de jugeote le sait.

Les gens, à l’étranger, se sont fatigués de donner pour la Bosnie. Ils n’en voient plus l’intérêt, et ils n’ont pas de bons échos. Ils donnent au Timor oriental et au Kosovo, et un peu en Tchétchénie. Il y avait une fenêtre ouverte sur la Bosnie et les gens ont regardé à travers, avec sympathie, et ils ont donné, mais maintenant la fenêtre est fermée. Les réfugiés souffrent toujours autant aujourd’hui que quand la fenêtre était ouverte. Les besoins sont toujours aussi grands, mais les bonnes volontés ont disparu.

Il ne répond pas aux questions parce qu’il faudrait mentir, et les mensonges vous font prendre. Les inspecteurs entendent un mensonge, et ils continuent, comme si de rien n’était, puis ils y reviennent sans crier gare vingt minutes après, en enchaînant les questions différemment. Les mensonges ne marchent jamais.

Il y a des gens qu’on achète, et d’autres qu’on terrorise, quand on veut faire courir des mensonges.

L’expérience nous a prouvé que, lorsque les grands criminels sont en dehors de leur pays, ils se sentent en confiance. Et c’est alors qu’ils commettent des erreurs.

La vérité, c’est que vous ne pouvez pas contraindre à vivre ensemble des gens qui se haïssent de manière irrémédiable, et qui nous haïssent presque autant…

Après une guerre, on ne peut pas faire ses valises comme s’il ne s’était rien passé. Personne n’en réchappe, tout le monde garde des cicatrices. Même si tu n’en entends plus parler depuis longtemps, cela ne veut pas dire que les cicatrices ont disparu.

. Nous sommes prisonniers des contraintes des procédures légales, des décisions de la Cour européenne des droits de l’homme, tout ce que nous pouvons faire, c’est partir en haussant les épaules et en nous disant que ça ira mieux demain. Mais ce n’est pas vrai, demain, ce sera pire.

Nous ne trouvons aucune excuse au mal, nous pensons qu’il doit être éradiqué, tronc, branches et racines, et brûlé. Le crime organisé, ce sont avant tout les stupéfiants ; les stupéfiants sont le mal. Ils tuent et détruisent. Ils mettent en péril nos valeurs.

À quoi bon avoir l’autorité si vous n’êtes pas prêts à vous en servir ?

Ce n’était pas de l’amour qu’il y avait entre eux, en tout cas pas le genre d’amour de ses lectures d’adolescente dans les magazines, juste quelque chose de très confortable, et elle avait appris à vivre avec ses alternances d’indélicatesse et d’indifférence.