Etrange texte.
Tout d’abord, il a été publié une première fois chez les Editions du félin, le 25 avril 2003, avec le même texte de quatrième de couverture, sans qu’aucune mention de cette date n’apparaisse nulle part dans l'édition de 2021. Au contraire, la préface datée de février de cette même année tend à tricher sur la date jusqu’au bout, nous faisant passer pour une édition originale ce qui n’est rien d’autre qu’une réimpression. D’ailleurs munie une nouvelle couverture : au lieu d’un homme moustachu, à lunettes, menotté et un peu piteux entouré de trois personnes le menant probablement au tribunal, la couverture fait désormais dans l’émotion puisque deux petites images arrondies montrent le baiser des deux époux devant les grillages de leur geôle, pour l’une, et les menottes de cet homme qui embrasse sa femme, pour l’autre. La fraude sur la date de parution, n’est pas capitale (il ne s’est rien dit de nouveau, à ma connaissance, sur les Rosenberg en 17 ans) mais elle jette tout de suite une suspicion préalable sur le livre.
Puis l’organisation du texte est bancale car sa division en deux parties est ridicule. La première, qui donne les faits dans un ordre chronologique en 240 pages (sur 285) contient tous les éléments de la deuxième (de 32 pages) qui aborde les « conclusions de l’enquête ». Il eût été bien plus logique d’intégrer les détails donnés dans la deuxième, directement dans le texte ou sous forme de notes de bas de page.
Ensuite, le titre est stupide : la chaise électrique n’a pas été infligée pour « délit d’opinion » mais pour vol d’informations d’une grande importance (la fabrication de la bombe H, tout de même) dans leur pays au profit d’un pays au statut étrange d’allié contre l’Allemagne nazie et d’ennemi politique, l’URSS. Qu’on trouve que la peine est dure et la peine de mort jamais justifiable, est une chose. Qu’on trouve qu’au final, les Rosenberg et bien d’autres, tous ceux qui ont permis l’avancée bien plus rapide des chercheurs soviétiques dans la recherche atomique, ont permis un équilibre non seulement propice à la paix, mais à l’empêchement d’une troisième horreur en Corée, après les massacres d’Hiroshima et Nagasaki est aussi une chose. Mais qu’on reproche à Créon d’être Créon quand il châtie Antigone en est une autre. Créon a raison, et même si les juges ont bénéficié d’éléments secrets fournis par le FBI attestant la culpabilité des époux, qui constituent un vice de procédure, sur le fond les époux Rosenberg étaient coupables et méritaient les plus durs châtiments. Quand bien même étaient-ils des héros en même temps – avec la grâce de Créon pas de tragédie de Sophocle, pas d’héroïsme, pas de mémoire…
Quant au contenu il est bizarre, sans véritable propos clair. On nous montre des coupables, des « idiots utiles » qui les défendent bruyamment tant pour eux que pour emmerder les Nord-Américains, des lettres écrites en prison entre deux époux qui prennent bien soin de les publier avant leur procès pour apitoyer leur public, une sœur et un beau-frère embarqués dans l’histoire mais qui n’y tiennent pas plus que cela, mais de quoi parle-ton au juste ? On ne sait pas trop. Je n’ai pas réussi à pleurer sur des coupables, mais comment aurais-je pu après une présentation si froide leur forfait ? On peut admirer leur courage mais de là à suivre leurs partisans ou leurs enfants pour la révision d’un procès assez juste sur le fond, même si entaché d’irrégularité, demeure difficile.
Enfin, la forme est aussi bâtarde que le plan de l’ouvrage puisque l’essai devient régulièrement roman, en donnant des sentiments, des petits gestes quotidiens aux personnages, que l’on voit manger, marcher et discuter.
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Et donc dans tout ça, ce n’est pas un très bon livre, on ne comprend pas où il veut aller et il y va mal et sans réelle force de persuasion.
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