À travers les feuilles, une balançoire de fortune.
Arrimée au travail, assemblage de bois et ferraille sur lequel, il y a longtemps, les gens de la ferme ferraient les bœufs. Une petite fille. Elle se balance. Avec application. Le bas de sa robe se relève par intermittence. Et découvre ses jambes, à peine brunies au- dessous de la marque blanche laissée par le short. Je l'appelle. Elle tourne la tête. Elle a le visage fermé. J'ai douze ans. Ou treize ans. Pourquoi cette robe? Un jour de fête?
Un pas foule l'herbe. Je me retourne sans cesser de me balancer. C'est Thomas. Il vient vers moi.Mathilde! Maa.....thil.......de!
Il fait un geste, je ne réponds pas....il regarde à nouveau vers moi, se penche, immobilise la balançoire, de sa main libre, machinalement,il lui caresse les cuisses, elle se rembrunit....
Thomas, penaud, à cessé de rire....
Si seulement, je pouvais être comme tout le monde. Faire comme tout le monde. En apparence du moins. Marcher tranquillement, au lieu de chanceler. Manger normalement au lieu de me contenter d’une tranche de melon ou d’une demi-barquette de fraises. Ne plus avoir ce nœud, là, au creux de la gorge, de l’estomac, ce verrou qui cogne contre les côtes. Simplement m’asseoir sur un banc, calmement, au soleil, lire un journal, regarder les passants déambuler, les gamins jouer au ballon, les gens pressés, costume cravate serviette à la main, ou chemisier blanc petit tailleur, ou ceux qui reviennent du marché, le cabas rempli de légumes, le vert des poireaux dépassant de quelques centimètres du bord du panier, puis les autres, baskets et jogging, et ceux dont on ne peut deviner, allure rapide ou alanguie, habillement neutre, sans cabas ni sac à provisions, la raison pour laquelle ils traversent cette place. Mais non.