Citations de Giulia Foïs (74)
Tu as, en toi, une force redoutable. Peut-être qu’au moment où je t’écris, tu ne la soupçonnes pas. Pourtant, elle est là. Tu es en vie. Tu aurais pu mourir, tu as cru mourir, et tu es là. Chapeau bas. C’était ta toute petite marge de manœuvre et tu l’as saisie. Tu as réussi, plus rien ne t’arrêtera. On t’a contrainte, une fois. Ça n’arrivera plus jamais. Tu ne subiras plus jamais. Ça, c’est un pouvoir gigantesque. Et une immense liberté. Celle de n’avoir plus peur de rien. Aujourd’hui, ça te paraît fou, à toi qui as peut-être encore peur de tout… Mais je te le promets : un jour, tu iras crier dans la forêt.
Céder, ça n'est pas consentir. Un "oui" n'est un vrai "oui" que si on a la possibilité de dire "non".
Oui, on peut se battre pour les femmes, sans se battre contre les hommes - enfin, pas tous. Que rétablir un équilibre ne veut pas dire inverser une domination. Qu’on aime les hommes, que c’est plutôt les agresseurs qu’on n’adore pas. (P. 159)
Céder, ça n'est pas consentir. Un "oui" n'est un vrai "oui" que si on a la possibilité de dire "non".
Ce qui se joue depuis deux ans c'est une guerre sourde, une guerre d'usure, dont la violence commence juste à affleurer. Elle est sanglante, en réalité, tant elle touche aux fondamentaux les plus archaïques de notre société, suivant le schéma assez classique, finalement, d'un groupe qui s'accroche avec l'énergie du désespoir à ses privilèges, face à une masse qui lui demande des comptes. Sauf que [.] Ce n'est pas une guerre des sexes. [.] Sur cette ligne de frond.. vous trouverez ceux qui veulent que le monde bouge, et les autres.
(...) sur celles qui sont là, combien ont un rat, avec ou sans moustaches, qui les mord aux chevilles à chaque pas ? Combien sommes-nous à jeter nos rires à la face de ceux qui voulaient nous détruire ?
Ce qui se joue depuis deux ans, c'est une guerre sourde, une guerre d'usure, dont la violence commence tout juste à affleurer.
Parce que je me sais en sursis, parce que j'ai intégré l'idée même de ma mort, je sais aussi que le bonheur n'est qu'une question de volonté, celle de saisir la moindre éclaircie et de m'y réchauffer.
la capacité de certains à t’enseigner la vie, même quand c’est la tienne, m’a toujours stupéfaite.
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Les seules effacées de l’Histoire, des manuels scolaires, et même des prix Nobel, ce sont les femmes, mais cancel culture. On danse toujours sur Michaël Jackson, Gabriel Matzneff continue d'écrire, et Polanski remporte un César, mais les accusations de viol brisent des carrières. Pas au pluriel, d'ailleurs : une seule femme parle, et c'est l'homme qu'on met à mort, l'artiste qu'on décapite, l'art tout entier qui va crever. Si. Cancel culture au sommet. On nage en plein délire collectif, mais tant pis. On s'accroche au système, qu'on connait, aux croyances, qui nous ont nourris, à ceux qu'on a aimés. Alors tant pis si, au passage, on crache sur l'autre moitié de l'humanité. Le viol occupe une case très particulière dans notre esprit - pourtant critique, il paraît, un angle mort dans notre pratique journalistique. Prenez Polanski.
Remplacez « viol », par « meurtre ». Célébrerait-on, sans lever un sourcil, un homme douze fois accusé de meurtre ? L'interviewerait-on de la même façon que n'importe qui ? Je ne crois pas. Je n'espère pas. Vraiment pas. Au fond, peut-être qu'on ne mesure toujours pas l'étendue et la cruauté des violences faites aux femmes. Peut-être qu'on ne le veut pas. Ou peut-être qu'on s'en fout.
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Quand on nomme, on subit moins.
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Le féminisme m'a fait jouir. Comme jamais. De mon indépendance. De ma liberté. De mes choix. De mon sexe, féminin. De mon corps tout entier. Il m'a ramassée, centrée, reconstituée : les pieds, la tête, le cœur, le ventre, tout à coup, ça faisait bloc. Parce que tout faisait sens. Solidement ancrée dans la terre ferme, j'étais insubmersible et j'étais sûre. Je savais où j'allais, je savais pourquoi j'y allais. Le féminisme m'a tenue droite, et il m'a mise en marche. Vers un « moi » plus dense, plus juste, plus complet : celui qui peut dire « je », celui qui sait dire « nous ». Parce qu'il sait dire non, alors il peut dire oui. Affirmer une identité, des refus, un objectif, des envies. Tracer ma route, sauter dans les flaques. Ne pas le faire seule. Avec celles qui m'ont précédée, celles qui me tiennent la main, celles qui nous suivront. Les féministes ont la créativité des opprimées, l'humour des estropiées, et l'insolence des affranchies. « Une femme sans homme, c'est comme un poisson sans bicyclette » : le féminisme m'a fait rire.
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On dit que les poils, c’est moche. Que les féministes font du tort au féminin. Et que celles d’aujourd’hui font du tort au féminisme. Visiblement, les féministes aussi, elles étaient mieux avant. OK, mais avant quand ? Pas quand De Beauvoir publie Le Deuxième Sexe : scandale. Pas quand Halimi défend l'IVG, à Bobigny : cris de poulets qu'on égorge. Pas quand elles font, mais quand elles faisaient : une bonne féministe, c'est une féministe morte. Mais Christine Delphy est vivante, et elle écrit : « Quand une féministe est accusée d'exagérer, c'est qu'elle est sur la bonne voie. » Ceci explique peut-être cela.
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Quand, à vingt ans, tu sais déjà à quel point le monde peut être laid, il y a des chances pour que tu passes les années qui te restent à le dévorer quand il est beau – si la vie te le permet.
La culpabilité n'est pas une réalité extensible à l'infini tu sais ... (Mon père parlait vraiment comme ça.) C'est une masse, déterminée dans le temps et dans l'espace. Donc automatiquement, plus tu te charges, plus tu te décharges. Tu veux vraiment lui en enlever, de la culpabilité ?
L'impression d'être au fond d'un trou, au fond d'un puits, un puits sans fond. D'être un puits sans fond. De me perdre au fond de moi, de tomber sans fin à l'intérieur de moi. Et je tombe, je tombe, je tombe. Et je m'appelle pour me faire revenir, mais ça ne sert à rien, je tombe. (p.36)
À force, on a fini par s'habituer. L'homme respire, boit, mange et viole. Parfois. Et ça arrive parce que c'est comme ça.
Sens toi libre de tout, tout le temps, et surtout de refuser. Ton "non" est un droit élémentaire. Au delà de respectable, il est inaliénable.
Je pensais très fort à toi et j’ai eu envie de te prendre dans mes bras. Te bercer, doucement, jusqu’à ce que ces images folles cesse de danser dans ta tête. Te laisser du répit, que tu puisses dormir un peu, tu en as besoin… D’où je t’écris, je te berce, crois-moi. Et je te crois. Si tu le dis, tu ne mens pas.
On devait gagner, c'était sûr de sûr : un viol, ça se fait pas, un viol, c'est puni par la loi ; elle a été violée, il l'a violée ; la victime, c'est elle et le coupable, c'est lui ; la Vérité devait éclater, la Justice triompher et les Gentils, gagner.
Ca gagne toujours, un gentil, à la fin, non ? Non. On a perdu.
Alors on erre sur la place. Un cri dedans. Le silence dehors.