Citations de Giulia Foïs (74)
Quand, à vingt ans, tu sais déjà à quel point le monde peut être laid, il y a des chances pour que tu passes les années qui te restent à le dévorer quand il est beau - si la vie te le permet.
Ça fait quoi un viol ? Comme si on avait envie de savoir. Ça change une vie, voilà ce que ça fait.
Le viol est un meurtre sans cadavre.
Ça pue un viol. Ça pue sa sueur, ça ou sa peur. C’est aigre et ça me dégoûte. Et dans la bouche, c’est amer. C’est le goût de la douleur. Celle qui te vient quand tu comprends qu’ irrémédiablement, ta vie ne sera plus jamais comme avant.
Meurtre sans cadavre, le viol est un crime presque parfait.
On veut bien les montrer, à condition de les masquer. Faut qu'elles aient quelque chose de honteux à cacher... Recroquevillées dans un fauteuil trop grand pour contenir leur malheur, elles ne racontent pas la difficulté à vivre : elles sont la difficulté à vivre.
J'ai vingt-trois ans, et je n'y crois plus.
J'ai joué le jeu, mais j'ai perdu.
Sur cette place, je tourne en rond.
Plus rien n'a de sens, je tourne en rond.
Je crois que je vais couler.
Le viol, c'est ça : un cri dedans, le silence dehors.
Ta tête se barre, loin, très loin : elle ne supporterait pas. A lui, tu laisses ta viande qui, à ce stade, ne vaut pas plus que ça. Ton cerveau gère. Un super- cerveau /super- héros, qui déploie ses ailes à partir du moment où il trouve que cela sent la mort, mais qui décide que toi, tu vas vivre. Alors il gère.
Rejeter la faute sur les victimes, penser qu’elles ont merdé, à un moment ou à un autre, c’est tout de suite plus peinard : on pourra se faire croire qu’on a la panoplie antiviol. Que celles à qui c’est arrivé ont forcément déconné. Et qu’il suffira de ne pas faire les mêmes erreurs pour que ça n’arrive pas.
Combien de mortes, d'ici là ?
Fais juste attention à ta haine. Qu'elle ne te bouffe pas, toi. Vomis-là, où tu veux, comme tu veux, mais ailleurs que sur toi. (p.178)
"Depuis deux ans, on le répète en boucle : ce sont nos femmes, nos sœurs, nos filles qu'on menace, qu'on viole, qu'on agresse et qu'on tue. Maintenant je crois qu'on a compris. Il faudrait peut-être passer à l'étape suivante. Admettre, en toute logique, que ce sont nos pères, nos frères, nos fils qui menacent, qui violent, qui agressent et qui tuent" (Caroline de Haas) p.168
Les réponses n'y sont pas, toujours pas, mais au moins depuis deux ans, la question est posée : comment pouvez-vous tolérer que vos femmes, vos soeurs, vos filles aient une "chance" sur deux d'être agressées, battues, humiliées ? (p. 155)
Mais il y a pire : que la parole "se libère" ou pas, toute la question est de savoir si les oreilles, elles, vont enfin se déboucher. (p.143)
Ce viol est en moi, mais il n'y a pas que moi, et il n'est pas tout moi.
Il y a eu un avant. Il y aura un après. (p. 117)
Je ne sais pas si c'est de la colère, du désespoir, mais plus rien ne sort, à part "à quoi bon?". A quoi bon écrire puisque rien ne bouge ? A quoi bon dire, quand tout le monde, ou presque, préfère ne rien entendre ? (p.65)
Nos textes sacrés, notre littérature, et donc notre mémoire collective sont articulés sur cet équilibre-là - la femme faute, l'homme s'égare : gare à qui le fait trembler. Inverser le questionnement, demander des comptes au violeur plutôt qu'à la victime, c'est renverser l'ordre établi, bouleverser une grille de lecture millénaire, revenir sur une éternité de domination masculine. Et ça, pardon, mais c'est beaucoup trop fatigant. (p. 59)
L'intrusion dans une propriété privée, c'est clair pour tout le monde : ça ne se fait pas. Mais le corps des femmes n'est pas une propriété privée. Dans les faits, dans le fond, il ne leur toujours pas. (p. 58)
L'après-viol est un combat entre toit et toi, tes croyances, ta culpabilité, ta honte - et celles que te renvoie la communauté, au cas où tu n'en aurais pas assez. (p. 51)