Citations de Grand Corps Malade (285)
Ma vie c’est moi qui vais la peindre, alors je vais y mettre le feu en ajoutant plein de couleurs
Grand Corps Malade
on met du temps à accepter ce mot , c'est lui qui finit par s'imposer
la langue française a choisi ce terme, moi j'ai rien d'autre à proposer
Rappelle toi juste que c'est pas une isnulte, on avance tous sur le meme chemin,
Et tout le monde crie bien fort qu'un handicapé est d'abord un être humain
Personne d'autre ne sait mieux que moi aujourd'hui qu'une catastrophe n'arrive pas qu'aux autres,que la vie distribue ses drames sans regarder qui les mérite le plus.
C'est jamais inintéressant de prendre une bonne claque sur ses propres idées reçues.
La patience est un art qui s'apprend patiemment.
Je connaissais mon plafond de réa dans les moindres détails, chaque tache, chaque écaille de peinture. Il y avait un néon masqué par une grande grille rectangulaire. La grille était composée de quatre cent quatre-vingt-quatre petits carrés. Je les ai compté plusieurs fois pour être sûr. En réanimation, quand on est conscient, on a le temps de faire pas mal de trucs essentiels.
Quand tu es dépendant des autres pour le moindre geste, il faut être pote avec la grande aiguille de l'horloge.
Un regard, une rencontre. Un été, un sourire.
Un numéro, un mail, une attente, un souvenir.
Un appel, une voix, un début, un rencard.
Un horaire, un endroit, une venue, un espoir.
Une terrasse, un café, un dialogue, un moment.
Un soleil, une lumière, un coeur, un battement.
Une seconde, une minute, une heure, un plaisir.
Un au-revoir, une prochaine, une promesse, un désir.
Un après, une durée, une patience, un silence.
Un doute, un pourquoi, un regret, une distance.
Un retour, une surprise, un déluge, une marée.
Une suite, une envie, un projet, une soirée.
Une pleine lune, une virée, un instant, une pulsion.
Un frôlement, un baiser, une magie, un frisson.
Un accord, un avenir, une force, une destinée.
Une étoile, un poème, et un verbe : AIMER
Si cette épreuve m’a fait grandir et progresser, c’est surtout grâce aux rencontres qu’elle m’aura offertes
L’air de rien, ça fait du bien de parler avec une meuf dans cet univers de caserne de pompiers.
J’en bave avec lui et ce, depuis le début. Tenter de bouger une partie du corps qui vient de retrouver un peu de vie est un effort considérable et surtout très désagréable (ne serait-ce que pour faire bouger un doigt sur un centimètre).
Je découvre les joies de l’autonomie zéro, de l’entière dépendance aux humains qui m’entourent et que je ne connaissais pas hier.
Les stagiaires nous disent que l’odeur est très particulière dans ces lieux de soins. Au début, c’est très dur. Et puis ils s’habituent.
Tout le monde s’habitue. C’est dans la nature humaine. On s’habitue à voir l’inhabituel, on s’habitue à vivre des choses dérangeantes, on s’habitue à voir des gens souffrir, on s’habitue nous-mêmes à la souffrance. On s’habitue à être prisonniers de notre propre corps. On s’habitue, ça nous sauve.
Il est marrant, Fred, un mec sûr de lui qui n’a en apparence aucun complexe par rapport à son visage, ce qui le rend presque normal à regarder.
Il a une grande gueule, un peu trop même. Une fois, il a sifflé deux de mes copines venues me rendre visite. Quand je l’ai appris, j’ai décidé de lui mettre un petit coup de pression, pour le principe, et sûrement aussi pour me sentir un peu dans la vraie vie. J’ai fait ma caillera à deux balles et lui ai dit que j’avais pas mal de potes et que, s’il voulait que tout se passe bien, il ferait bien de vite arrêter ce genre de familiarité. Je pensais qu’il allait réagir un petit peu, mais il a baissé les yeux et s’est excusé comme un petit garçon.
Du coup, quand j’ai raconté ça à Farid, je lui ai dit que je m’en voulais et que j’avais été trop dur avec lui. Farid s’est foutu de ma gueule en me voyant culpabiliser et m’a dit qu’en fin de compte, Fred et moi, on était deux petits agneaux et que ce n’est pas avec nous qu’il allait y avoir enfin un peu d’animation. Il a même ajouté, sur un ton ironique, qu’il aurait bien aimé voir une bonne bagarre entre un tétraplégique et un grand brûlé, que l’embrouille aurait eu de la gueule, que ça aurait mis un peu de piment dans notre routine… « Mais bon, si vous voulez pas qu’on s’amuse, si vous voulez qu’on se fasse chier comme des rats morts, c’est bien, continuez à être gentils ! »
Je ne sais pas si ça veut dire quelque chose. Est-ce que vingt ans est réellement le temps de l’insouciance, où les garçons n’évaluent pas les risques, où ils se croient invincibles et s’exposent trop facilement à des situations donnant lieu à des accidents dramatiques ?
D’un côté, c’est encore plus triste de voir, dans un centre comme celui-là, tant de gens si jeunes et déjà tellement en galère. À vingt ans, on n’a rien à faire à l’hosto. Vingt ans, c’est l’âge des soirées, des voyages, des nuits blanches et de la séduction permanente. Vingt ans, c’est le règne des envies d’enfants dans un corps d’adulte. Vingt ans, c’est l’âge où tu rêves le plus et où tu te sens le plus apte à atteindre ces rêves. Non, à vingt ans, on n’a rien à faire à l’hosto.
D’un autre côté, vu le contexte du centre, heureusement qu’il y a des jeunes pour mettre un peu de vie et un peu de bordel dans cet univers si dur.
Je remarque aussi que les jeunes qui sont là viennent de milieux très populaires. Je ne sais pas non plus si ça veut dire quelque chose…
Quand tu vis dans un lieu qui regroupe des jeunes de ton âge pendant plusieurs mois, tu es obligé de te faire des potes. Mais, dans un centre de rééducation comme celui-ci, qui rassemble des mecs qui partagent plus ou moins les mêmes problèmes que toi, les liens
sont singuliers.
Si, en rééducation, on progresse par étapes, je pense que du point de vue psychologique, il faut aussi savoir passer des paliers. Mme Challes a décidé qu'il est temps pour moi de passer au palier de la réalité.
Non, je ne recourrai pas. Non, je ne remarcherai jamais normalement. Mais oui, si j'aime le sport, il y aura encore des possibilités. Elle a déjà vu des patients comme moi refaire du vélo par exemple.
Et l'existence est fragile comme une vertèbre cervicale.
Quand tu n’es pas autonome, tu passes plus de temps à attendre qu’à faire les choses.
Un bon patient sait patienter.
Tous les jours et ce, pendant plusieurs mois, on vit avec le personnel soignant. Un rapport particulier s’installe entre nous. Ce ne sont pas nos conjoints, ce n’est pas notre famille, ce ne sont pas nos amis, on ne les a pas choisis mais ils nous sont indispensables. Ce sont des rapports d’être humain à être humain, alors il se crée forcément des affinités, des tensions, des engueulades. Ils ont un énorme pouvoir sur nous. On dépend d’eux pour le moindre geste, c’est pour ça qu’il est important de bien apprendre à connaître chacun pour obtenir à peu près ce dont tu as besoin. Il faut composer avec leur état de fatigue, leur humeur, leur susceptibilité. Et, comme le quota de personnel soignant par rapport aux nombres de patients est loin d’être à l’équilibre, on passe beaucoup de temps à les attendre, c’est inévitable.