AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Gregorio Leon (30)


Il l'aimait bien. Il aurait détesté qu'il lui arrivât quelque chose. Il l'observait attentivement, comme si un obscur pressentiment lui avait soufflé à l'oreille que c'était la dernière fois qu'il lui raconterait un chapitre des amours de Frida Kahlo et de Léon Trotski.
Commenter  J’apprécie          70
Daniela sentit qu’il était récalcitrant, mais elle ne se laissait pas vaincre facilement, et ne quitta pas des yeux son interlocuteur qui ne put s’empêcher d’admirer sa pugnacité.
Il fit gémir le lit en essayant de bouger son pied droit suspendu à une poulie. Il tentait de gagner du temps. Vargas l’avait pourtant prévenu, Daniela ne partirait pas les mains vides, inutile de jouer au plus fin, elle ne le lâcherait pas tant qu’il ne lui aurait pas tout raconté sur Frida Kahlo et ses amours.
Daniela le relança :
— Trotski était-il l’amant de Frida Kahlo ?
Ramirez maudit le mécanisme qui le tenait attaché au lit, puis la regarda avec surprise.
— D’où sortez-vous ça ?
— Peu importe mes sources.
— Les sources sont la seule chose qui compte au contraire. D’ailleurs, pour être un bon journaliste, il faut deux choses : des couilles et des sources.
— Voilà pourquoi je suis venue vous voir.
La phrase parut satisfaire Ramirez qui sourit d’un air aimable. Les fourmillements dans son pied droit avaient miraculeusement cessé. Le sang s’était remis à circuler.
— On a raconté tant de choses sur la vie de Frida qu’il est difficile de démêler le vrai du faux. La liste des amants qu’on lui attribue est aussi longue qu’un annuaire. Et elle n’aurait pas eu que des hommes dans sa vie, mais aussi des femmes. En tout cas, une chose est sûre : Frida a peint, Frida a souffert et Frida n’a jamais aimé qu’un seul homme, Diego Rivera. Tout le reste, ce sont des conneries.
— Elle a quand même voulu offrir à Trotski cet autoportrait au colibri.
— Mais qu’est-ce qui vous intéresse tant dans cette histoire ? Vous êtes bien curieuse, je trouve, et ce n’est pas une bonne idée, regardez où cela m’a mené, ajouta-t-il avec un sourire généreux qui démentait son ton de reproche.
Commenter  J’apprécie          00
Il y a quelques mois, alors qu’ils faisaient des travaux dans la Maison Bleue, des ouvriers ont découvert une pièce murée couverte de toiles d’araignées, contenant trois malles. Qu’on a enfin osé ouvrir. On croyait jusqu’alors qu’elles renfermaient des papiers compromettants pour Frida étant donné ses liens avec le parti communiste. Mais les deux premières étaient uniquement remplies d’objets personnels, de dessins, de documents médicaux… Quant à la dernière, elle recelait une grande partie de la correspondance de Frida. Mais, et c’est là où cela devient intéressant, parmi ces lettres figurait une missive de Léon Trotski dans laquelle il fait référence à un tableau inconnu qui n’est mentionné dans aucun catalogue. Cette lettre très longue, neuf pages, datée de 1937, évoque un autoportrait de Frida dédicacé à Trotski… À cette époque, Trotski était l’invité de Diego Rivera et Frida Kahlo, un séjour brutalement écourté parce que sa romance avec la peintre mexicaine s’était terminée. La lettre parle de tout cela, de ses amours et de ce tableau que Frida voulut lui offrir.
Commenter  J’apprécie          10
— Il y a un an ont débuté les préparatifs pour la célébration du centenaire de la naissance de Frida Kahlo, née en 1907 et non en 1910 comme elle le prétendait, pour faire croire qu’elle était née la même année que la Révolution mexicaine.
Commenter  J’apprécie          10
L’inspecteur lâche un juron qui résonne quelques instants dans l’habitacle de la Ford Mustang.

Ce n’est vraiment pas son jour. On vient de découvrir un autre autel profané. Quelqu’un semble avoir déclaré la guerre à la Santa Muerte.

Au nom de Dieu.
Commenter  J’apprécie          10
« Ils ont tué la Niña Blanca, ils ont tué la Niña Blanca », crie une vieille femme affolée, hors d’elle.
Commenter  J’apprécie          10
Il retrouve Figueroa en train de prendre une photo du tas de poussière sur l’autel et frissonne malgré lui. Machuca relit la petite carte. « Au nom de Dieu. » Il regarde l’autel, sans arriver à trouver de lien entre les deux. Il déteste les puzzles et les complications. Ses enquêtes sont toujours bouclées rapidement. Les crimes se réduisent à un règlement de comptes entre narcotrafiquants ou à une histoire de jalousie et d’adultère. En un tour de main, l’affaire est réglée. Son maigre salaire et son âge avancé ne justifient pas qu’il se lance dans de profondes recherches. Il n’est plus qu’un inspecteur fatigué.
Commenter  J’apprécie          10
L’Évêque a levé son index pour donner encore plus de poids à ses menaces. Machuca se contente de hocher la tête. « Je comprends », semble-t-il dire, mais en réalité, il est paumé. Et en retard en plus, aussi se dépêche-t-il de quitter le bureau en assurant à l’Évêque que ce crime ne restera pas impuni.
Commenter  J’apprécie          10
Machuca ne comprend toujours rien malgré le ton ferme qu’emploie l’Évêque, comme pour effacer le terrible spectacle qui se trouve derrière la porte de son bureau. Mais les cris de rage et le brouhaha qui ne cesse de grandir se chargent de leur rappeler qu’un sacrilège a été commis.

— Et je vais vous dire une chose, inspecteur. Tous ces gens, que vous entendez dehors et qui adorent notre sainte, sont de fidèles dévots qui n’hésiteront pas, le moment venu, à se convertir en soldats, en soldats de la foi.
Commenter  J’apprécie          10
L’Évêque l’invite à entrer dans son bureau. Machuca le suit d’un air résigné et le regarde tourner plusieurs fois autour d’une chaise, puis l’écarter avant de se planter devant une étagère de livres comme si la réponse à cette horrible profanation se trouvait là.

— Je n’aurais jamais cru que Rome irait jusque-là.

L’inspecteur le regarde sans comprendre.

— Mais nous ne sommes plus un petit caillou dans la chaussure du Vatican. Nous sommes devenus un ennemi qu’il faut éliminer à tout prix.
Commenter  J’apprécie          10
« Au nom de Dieu », relit-il. Des bêtises, ce sont forcément des bêtises. Machuca a 53 ans, il vient de perdre sa fille. Un suicide. Elle avait tout juste 18 ans. Il ne peut pas croire en Dieu. D’ailleurs, il ne croit en rien. Si ce n’est dans son équipe de foot qui perd tous ses matchs. Des losers comme lui.
Commenter  J’apprécie          10
L’inspecteur se tourne vers l’autel où il surprend Figueroa en train de faire le signe de croix d’un geste fugace, en cachette. Machuca n’en revient pas. Son lieutenant lui-même vouerait-il un culte à la Santa Muerte ? Il secoue la tête comme pour repousser cette idée et sort un carnet, mais ne sait pas par où commencer. Il n’a pas l’habitude de ce genre d’affaire. Un crime, c’est autre chose. On enterre le cadavre et puis voilà. Cela fait seulement un mort de plus. Mais une attaque contre le sanctuaire de la Santa Muerte, c’est du jamais-vu. Il aimerait tellement croire que tout ça n’est qu’une mauvaise plaisanterie macabre.
Commenter  J’apprécie          10
Machuca regarde ses mains qui ne s’ouvrent plus généreusement pour offrir les dons de la Santa Muerte, celle qui résout tout, le possible comme l’impossible. Elles sont fermées en un poing menaçant. « Qui que tu sois, tu paieras », semble dire ce geste.
Commenter  J’apprécie          10
L’Évêque continue d’évaluer le désastre en se triturant les mains. Machuca ne l’avait jamais vu ainsi, à moitié nu, avec sa chair molle et ses bourrelets que ne dissimule pas sa soutane. Impossible d’imaginer que des fidèles portent aux nues et écoutent religieusement, depuis plusieurs mois, cet apôtre du barrio bravo
Commenter  J’apprécie          10
L’inspecteur éprouve soudain de la compassion pour le type qui a commis ce crime.
Commenter  J’apprécie          10
Machuca n’ose même pas imaginer la réaction dans le quartier de Tepito quand la nouvelle sera ébruitée. Parce qu’après le choc, l’incrédulité, le pire peut arriver.
Commenter  J’apprécie          10
Et en plus ce salaud est cultivé, se dit-il. Il contemple en silence la triste image de la Flaca réduite en morceaux. Il a du mal à réfléchir au milieu de cette odeur de poulailler et d’encens. Le coupable a une belle calligraphie et un sacré courage ! Ou une haine redoutable. Il fallait du culot pour s’introduire dans ce quartier, règne de la kalachnikov, où tout s’achète et se vend, à commencer par la vie, où la seule chose qui compte, c’est d’être protégé par la Santa Muerte. Tout le monde prie la Flaca, tous demandent sa protection, elle est le dernier espoir quand toute espérance a été perdue. Quand on n’attend plus rien de la charité de Dieu ou des hommes.
Commenter  J’apprécie          10
L’inspecteur aperçoit soudain une petite carte glissée sur l’autel. Il déchiffre les mots inscrits dessus, d’une belle écriture soignée : « Au nom de Dieu. »
Commenter  J’apprécie          10
Avec ses cheveux longs et sa boucle d’oreille, il ressemble plus à une rock star qu’à un flic, mais Machuca n’a pas de chance, son collègue est aussi dénué de talent dans un domaine que dans l’autre.
Commenter  J’apprécie          10
L’inspecteur Machuca entre dans la chapelle d’un air las, excédé. Il ne répond même pas au salut martial de son collègue Figueroa. Il ne sait pas ce qui le scandalise le plus : voir le squelette détruit, ou l’Évêque, le prêtre autodéclaré de ce culte, en petite tenue. Celui-ci, furieux, rouge d’apoplexie, peine à trouver ses mots. Le seul qui ose prononcer une parole après avoir fait le tour de l’église, son appareil photo en main, c’est Figueroa qui annonce doctement :

— Un petit malin cherche à nous emmerder.
Commenter  J’apprécie          10



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Gregorio Leon (77)Voir plus


{* *}