Citations de Guy Lagache (46)
Il faut beaucoup de courage pour rompre avec ses racines.
Tu es débarrassé d'une chape de plomb ; affranchi d'une épouse castratrice aux ambitions trop convenables ; délivré du conformisme suicidaire d'une vieille garde au pouvoir dont les compromissions conduisent le pays au déshonneur.
J'ai laissé ma propre fille. Je l'ai abandonnée alors qu'elle n'avait pas dix ans. Il m'a été impossible de faire autrement. Je n'ai pas eu la force de l'affronter. J'ai trahi ma propre famille pour m'engager dans la Résistance, continuer le combat et retrouver mon amour. Se conduire comme un lâche pour agir en héros...n'est-ce pas le comble de l'ironie ?
Ce n'est pas la mort qui me terrorise. C'est de mourir comme un salaud.
Vois-tu, à force de mettre ses souvenirs sous scellés, on en devient prisonnier. Le secret m'a envahie au lieu de me protéger. J'ai longtemps cru qu'en maintenant le silence, la douleur s'estomperait, puis finirait par disparaître. Il n'en est rien.
J'ai manié l'art de la distance, celui qui consiste à laisser la porte ouverte tout en s'assurant que personne n'ose entrer.
Le jour de ta naissance, tu as fait renaître en moi un sentiment que je croyais mort, le bonheur.
J'avais toujours cru que Margot n'aimait pas parler d'elle et du passé par pudeur, discrétion, goût du secret. Mais c'était de la peur. La peur de revivre cette insupportable douleur. La peur de faire renaître les fantômes et la conviction que le silence finirait par effacer les souvenirs et la souffrance. C'est sans doute pour cette raison qu'elle a arrêté son journal le 23 août 1948 sans jamais faire mention de cette terrible dispute avec Paul. Elle s'est trompée. Le silence l'a maintenue enfermée dans sa douleur. Elle a fait de cette querelle avec Paul un secret. La dispute est devenue sa prison.
J'ai du mal à imaginer ma pauvre grand-mère de 82 ans, des tuyaux d'oxygène plein les narines, en une jeune aventurière tenace, sensuelle et intrigante. Qui pourrait croire que cette vieille dame austère et réservée ait par amour été capable, au fin fond de la Chine, de bouleverser à jamais la vie d'un homme rangé, marié, père de famille, pour en faire un résistant incapable de résister à son charme ? Derrière le style classique et bon chic bon genre de la dame que j'ai toujours connue se cache une anticonformiste dotée d'un culot hors du commun qui n' a pas hésité à entrer dans les services secrets, à manipuler, à mentir, à prendre des risques inouïs dans les rangs de la résistance.
Tu connais mes doutes et sais calmer mes angoisses.
Je reste là à attendre son réveil. Je l'observe en détail, guette le moindre mouvement. Mais il ne bouge pas. Et comme pour me donner du courage, je me dis que la patience va finir par payer, alors qu'un filet de larmes se met à couler lentement le long de mon visage.
Alors que nous n'avions pas encore passé le cap du premier anniversaire de notre union, nous étions déjà gagnés par l'épouvantable usure du mariage et de la vie conjugale dont je m'étais tant méfiée. Quelle ironie ! J'étais furieuse d'avoir pressenti les risques qu'encourait notre couple, furieuse d'avoir pourtant cédé aux désirs conformistes de Paul de nous passer la bague au doigt.
Jean Deruche a beau être un homme charmant, le nouveau directeur du Lycée français respire l'ennui.
Tu es au fond de ton lit sans savoir comment tu as bien pu y atterrir.
- Tu es heureuse, ma fille ?
La question de mon père me tire d'un coup de mes souvenirs. Sans le regarder, je lâche après quelques secondes de silence :
- J'espère.
Comment l'alcool peut-il à ce point chasser la peur qui rôde alors qu'aucun cachet n'a jamais produit de tels miracles ?
Pourquoi faudrait-il que tout devienne sage, rangé, normé ?
Une pluie de balles. Ça tape partout autour de toi. Le boucan est infernal. Derrière ton bouclier en pierre, tu es immobile, le cul par terre, incapable de jeter un œil de l'autre côté de la rue sans risque de te faire canarder. Il t'est impossible de distinguer un visage ou un uniforme et savoir combien ils sont. L'ennemi se résume à cette grande fenêtre noire entrouverte que tu combats cinq heures durant jusqu'à ce que tu parviennes à viser juste et balancer deux grandes, coup sur coup. Déflagration. Silence. Les snipers ne répondent plus. Les bruits de balles cessent pour de bon. Mais toi, un an plus tard, tu les entends toujours. Leur sifflement te panique encore alors qu'autour de toi maintenant tout est calme.
En passant la porte du ministère, tu es saisi par le parfum des arbres en fleurs alignés sur le trottoir. Tu marches lentement le long de la Seine, sans but, juste pour flâner.
M. Paul de Promont est diplomate depuis une dizaine d'années. Il était jusqu'ici vice-consul de Tientsin. Et nous avons les plus mauvais renseignements sur lui (vie privée déplorable, dettes, etc). Nous ne pouvons avoir en lui aucune confiance, mais malheureusement sa prestance physique, ses talents de beau parleur, sa connaissance de plusieurs langues ont souvent réussi à faire illusion et à abuser sur son compte les personnes qu'il a rencontrées.