Ce roman n’est pas autobiographique dans la mesure où il ne s’agit pas d’un témoignage. De plus, le récit commence par ce que la narratrice, Kimiâ, appelle « l’événement » autrement dit l’assassinat de son père, Darius, ce qui ne m’est pas arrivé. Le roman est placé sous le signe de cet événement tragique qui a façonné la vie de Kimiâ, la conduisant là où elle en est aujourd’hui. Cependant, comme elle, je suis née en Iran, fille d’opposants politiques à la fois au régime du Shah et à celui de Khomeiny. J’ai ainsi vécu la révolution iranienne aux premières loges et j’ai quitté l’Iran clandestinement par les montagnes du Kurdistan. Cette partie du roman empreinte beaucoup à mon vécu.
L’idée du roman est née de mon envie d’écrire une saga familiale avec des personnages dont le destin allait être dévié par l’Histoire. En l’occurrence l’Histoire contemporaine de l’Iran, un pays incroyable et très paradoxal et qui étrangement – bien que très souvent dans l’actualité – reste méconnu.
Avant tout, il s’agit d’un roman à la fois de la mémoire, à la fois sur la mémoire. C’est une plongée dans l’Iran de mon enfance, celui de mes souvenirs. Et le chemin de la mémoire, me semble-t-il, n’est pas chronologique. Les anecdotes conduisent à d’autres anecdotes, les détails renvoient à des récits qu’on avait effacés, des personnages apparaissent au premier plan sortis du brouillard de l’oubli. L’écriture non linéaire était un moyen de mettre en lumière ce chemin et de mettre le thème de la mémoire en avant.
Revenir en arrière et parler des ancêtres me permettaient de montrer une image de l’Iran que peu d’Occidentaux connaissent. Montrer comment ce pays est passé de la féodalité à la modernité, de la modernité à un régime islamique. Montrer aussi les étapes qui ont conduit à la révolution de 1979, une révolution dont les racines remontent à très loin.
Je ne sais pas si cet héritage culturel joue un rôle important dans ma personnalité aujourd’hui, sans doute d’ailleurs, mais je sais qu’il est à l’origine de mon regard sur le monde et sur les événements qui le secouent.
Kimiâ ne porte pas à proprement parler un regard noir sur la société française et si elle oppose l’indifférence des Français à la convivialité des Iraniens, elle oppose aussi la franchise des uns à l’hypocrisie des autres. Elle parle de la France comme d’un pays dont les avancées sociales permettent de s’affranchir de l’autre, ne pas être obligé de compter uniquement sur ses voisins ou sa famille pour résoudre des problèmes du quotidien, mais pouvoir aussi compter sur un système social qui soulage l’individu et prend en compte ses difficultés. Il y a une face claire et une face sombre dans les deux cultures, comme dans toute culture.
Je ne peux pas parler de l’Iran d’aujourd’hui que je ne connais pas. La façon dont ma famille et moi avons quitté ce pays, et l’opposition de mes parents au régime, ne me permets pas d’y retourner. Mais, une chose est sûre c’est que dans l’Iran de mon enfance, les femmes n’avaient pas l’obligation de porter le voile et la religion ne pénétrait pas dans l’intimité des gens à travers des lois répressives. En Iran, le voile n’est pas culturel contrairement à ce que l’on pense ; il a été imposé aux femmes après 1979.
Le thème de la maternité traverse le livre. À travers la maternité, je voulais montrer l’évolution des femmes au sein d’une même famille. De l’arrière-grand-mère qui meurt en mettant au monde des jumelles sans que personne ne sache qui elle était, ni comment elle s’appelait, à Kimiâ qui, plus d’un siècle plus tard, patiente à Paris dans cette salle d’attente.
J’ai commencé à écrire ce livre avant les débats sur la PMA. Il ne s’agit pas d’un combat, mais d’une réflexion sur un problème qui agite la société dans laquelle je vis.
La motivation était plutôt de donner des éléments pour comprendre cette révolution au-delà des raccourcis historiques ou journalistiques. Une révolution est un séisme inimaginable et extrêmement complexe. Elle ne peut être réduite à quelques mois, ni à quelques formules spectaculaires ou quelques figures emblématiques. De plus, cette révolution ne concerne pas seulement les Iraniens, mais aussi les Occidentaux, très présents dans ce pays pendant tout le 20e siècle. Ils ont leur part dans cet événement et dans ceux qui l’ont précédé, comme le coup d’État de 1953, dans la façon dont le destin de ce pays a basculé.
Personnellement, je pense que la notion d’identité est souvent abordée de façon dramatique, quand elle n’est pas utilisée pour opposer les uns aux autres. L’identité m’intéresse non en tant que telle, mais dans la mesure où elle modifie le regard que l’on porte sur quelqu’un, elle déclenche des sentiments et des émotions parfois contradictoires. Le regard change quand on dit qu’on est Iranien, ou Syrien, ou Argentin, comme il change quand on dit qu’on est homosexuel ou transsexuel. Je voulais créer un personnage qui peu à peu échappe à ce regard, qui montre à quel point l’histoire qu’elle porte en elle ou ses interrogations quant à la maternité ou au couple sont universelles. Le roman permet de lui donner la parole, de l’écouter raconter et se raconter, sans l’interrompre, sans la questionner, et une fois arrivé à la dernière page j’espère constater que malgré ses différences, elle est terriblement familière.
Je suis scénariste, l’écriture est mon quotidien. Mais cette histoire-là ne pouvait pas se raconter autrement que sous forme de roman, à cause de la liberté que le roman permet. J’ai des projets audiovisuels, certains en développement dans les chaînes, d’autres au stade de l’écriture. Et bien sûr, je pense à un autre roman.
Tous les livres que je lis ou les films que je regarde me donnent envie d’écrire.
Fiodor Dostoïevski, et surtout Crime et Châtiment
Le livre de l`intranquillité de Fernando Pessoa
1984 de George Orwell (j’ai vu le film et du coup je ne suis pas allée vers le livre)
Mon oncle Napoléon de Iradj Pezechkzad (ed. Actes Sud)
Aucun
« La vie est un rêve c’est le réveil qui nous tue » dans Orlando de Virginia Woolf
Americanah de Chimamanda Ngozi Adichie
Dans le cadre du concours de lecture « Si On Lisait A Voix Haute » organisé par France Télévisions et « La grande librairie », des écrivains et comédiens offrent leurs conseils aux collégiens et lycéens qu'ils rencontrent en classe. Cette semaine, l'écrivaine Négar Djavadi part à la rencontre des élèves de 2nde 8 du lycée Albert Châtelet à Douai. Pour surmonter sa crainte de lire en public : « Est-ce que cela ne vous aidrait pas de dire "ce n'est pas mon texte", donc d'une certaine manière tu vas te cacher derrière le texte de quelqu'un d'autre ? » Une vidéo en partenariat avec le CNL. #lecture #grandecausenationale #lectureavoixhaute Suivez le CNL sur son site et les réseaux sociaux : Site officiel : www.centrenationaldulivre.fr Facebook : Centre national du livre Twitter : @LeCNL Instagram : le_cnl Linkedin : Centre national du livre
Qui a peint "La mort de Sardanapale" (1827) et "La liberté guidant le peuple" (1830) ?