Il refuse de croire ce que son esprit lui impose, ce matin il était préoccupé, trop pressé de rentrer chez lui, et elle ne faisait aucun bruit, pas un son.
Trop occupée à envier autrui, à fantasmer le sort de chacun, elle avait perdu la notion du temps au point d'oublier l'essentiel. Elle s'était égarée, ratant sa vie comme on manque le train. Elle n'avait que trop négligé de vivre et à présent il était trop tard. Le long de ses joues flétries coulaient de chaudes larmes que rien ne pouvait tarir.
Comment pouvait-elle tolérer la présence d'un estropié, d'un homme reconstitué par la chirurgie plastique ? Pourquoi ne le quittait-t-elle pas puisqu'il n'était qu'un monstre, un être diminué, privé de l'inestimable, que nul ne pourrais jamais lui rendre ?
La désagréable impression d'être entouré d'hypocrites, de courtisans davantage soucieux de leurs intérêts que des siens ne le quittait pas depuis l'enfance. Il remarquait toujours au fond de leur yeux cette lueur trahissant leurs espoirs d'obtenir quelque chose de lui. Calme, posée, l'étrangère ne correspondait en rien à sa multitude de groupies, hystérique dès qu'il les saluaient.
L'Amour est un cercle. Il arrive que le cercle soit parfait et qu'en dépit des aléas, des bosses et des pressions, il reprenne sa forme initiale, régulière et harmonieuse. Il peut se détendre, s'étirer jusqu'à la déchirure, tel un membre que l'on arrache. Ou bien se rompre d'un coup sec.
Au petit matin, elle se réveilla en sursaut. Le souffle court, elle ne savait plus si elle avait vécu ou rêvé ses souvenir. Unique certitude, l'âpre sensation qui lui nouait la gorge - le goût du regret.