"Comment on franchit le cap du passage à lécriture ? Comment oser se faire lire et proposer son manuscrit à un éditeur ? Comment affronter le regard de ses lecteurs et comment ceux-ci nous apprennent au fond qui nous sommes ?"
Interview d'Olivier Sorin par Pierre Granchamp pour BIG LOVE.
Nous n’écrivons pas sans raison. L’écriture possède cette capacité à planter sa tente au carrefour des espaces et des temps. Lorsque l’on couche nos pensées sur un papier, on se nourrit de l’immédiateté de nos émotions dans un chaudron où le passé fait l’amour avec notre avenir.
C’est vrai qu’on n’aime pas le bonheur des autres quand le vôtre se refuse obstinément à vous.
Ses hanches étaient les crescendos de sa partition, sa poitrine représentait l’accent de sa musique sourde ; la baguette imaginaire et les bras de Standor brassaient l’air de l’appartement pour jouer la musique des jambes, genoux, épaules et fesses de Solveig. Cette prosodie silencieuse chantait les notes muettes pour rebondir en écho jusqu’au tunnel du passage Choiseul ; une sonorité que seul Louis-Ferdinand Céline aurait entendue s’il avait encore habité le lieu.
Écrire, c’est le pied de la seconde qui assume totalement de caresser sous la table la jambe de l’éternité.
Soigner le malheur des autres était un don rare ; le côtoyer même était une aptitude, voire un courage, qu’il n’était pas fréquent de croiser.
Si seulement, pensait Lubin, ils avaient pu se rencontrer plus tôt, si seulement leurs trajectoires s'étaient croisées deux décennies auparavant, si seulement Mark Hollis avait pu disparaître précocement, les choses se seraient écrites différemment. Sur l'esplanade d'une gare, dans le hall d'un aéroport, si seulement leurs trajets avaient pu se frôler plus tôt, se retrouver bien plus tôt, corrigeait muettement dans son esprit Lubin, cette rencontre aurait revêtu les apparats d'un ébranlement plein de promesses et non cette commotion sans espoir de lendemain.
C'est dans le présent que l'on répare les regrets du passé.
Une famille heureuse est un zoo où cohabitent des espèces distinctes et imparfaites pour créer l'illusion chimérique d'une complicité héréditaire.
Un couple est un compromis délicat, l’équilibre savant d’émotions qui vous font vous sentir vivant. La vie de couple est la montagne russe d’une fête foraine ; on monte dans un wagon sans ceinture et on profite à deux des descentes à pic et dès loopings en ouvrant les bras pour défier les dangers : parfois on s’accroche, et parfois on se laisse balloter.
C’est vrai qu’on n’aime pas le bonheur des autres quand le vôtre se refuse obstinément à vous.