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Citations de Gwendoline Finaz de Villaine (39)


— Auriez-vous l’obligeance de me dire où vous me conduisez ainsi ? coasse-je sèchement, tout en me tortillant sur mon siège pour lutter contre les courbatures. Et pour quelle raison je me retrouve dans cette voiture, avec vous, au beau milieu de la nuit ?
Imperturbable, Hartford Wesley marque un temps avant de se tourner vers moi, et de répliquer sans ciller, d’une seule traite :
— Vous le saurez plus tard. Pour le moment, vous n’avez pas à connaître les détails de notre voyage.
Je n’aime pas du tout le ton condescendant qu’il emploie, ni même le peu de considération dont il fait preuve à mon égard, depuis le départ de l’auberge Kidki. Je n’ai pas été élevée à une époque où l’on tolérait aisément ce type de comportement machiste. C’en est trop.
— C’est une plaisanterie ? riposte-je avec vivacité. Depuis que je suis arrivée à Bombay, je fais semblant d’obtempérer à toutes vos décisions, comme si j’étais sous vos ordres !... Or, ce n’est absolument pas le cas. Je ne vous connais pas. Je n’ai rien à voir avec vous. Vous êtes un arriéré militaire auquel je ne suis redevable en rien, sachez-le ! Dans mon pays, les gens ont des droits et sont défendus par des principes démocratiques, comme la présomption d’innocence, et le fait d’avoir recours à un avocat, par exemple… Des termes dont vous n’avez jamais entendu parler, j’imagine… C’est absolument intolérable ! Je suis sûre que l’Ambassade de France n’a même pas été prévenue de notre arrestation. Vous n’avez aucune preuve légale contre moi, ni contre Rossignol et Sowerby, d’ailleurs… Si vous m’emmenez dans un désert ou dans une jungle sauvage, dans le seul but de me violer à l’envie avec votre camarade sikh, je préfère le savoir tout de suite, et me préparer au triste sort qui m’attend… Sinon, relâchez-moi, et laissez-moi retrouver le chemin de mon pays, laissez-moi rentrer en France, car je n’ai rien à faire avec vous, rien en commun avec vos intérêts ici ! Je me fiche éperdument du Raj, des diamants du Maharajah gros comme des balles de golf et de tout ce qui constitue ce pays sale et irrespirable, que j’exècre par-dessus tout !
A peine ai-je achevé cette diatribe enflammée, la poitrine encore frémissante et moi-même un peu dépassée par la véhémence de mon propos, que Wesley riposte en braquant l’automobile, enfonçant le frein à main avec force, provoquant un grand nuage de poussière tout autour de nous, dans la nuit noire. Cela étant fait, le résident ouvre sa portière d’un coup de pied et contourne la voiture, l’air fermé et menaçant. Je me pétrifie involontairement sur mon siège. Sans tergiverser davantage, il m’attrape par le col, me sort de la voiture avec une poigne sidérante, me hisse à sa hauteur, son visage collé au mien, tout en me foudroyant du regard. Inquiète, je me redresse avec fierté, espérant qu’il ne va pas me coller une gifle au passage.
— Je ne vais pas vous violer, rugit-il sans attendre, espèce de petite sotte, si c’est que vous croyez ! Si j’avais voulu le faire, croyez bien que je n’aurais pas attendu d’être à Aurangabad pour passer à l’acte, et vous soumettre à mon joug ! Je vous aurais prise à Bombay, dans le bureau de l’administration coloniale, comme le font pas mal de collègues de ma connaissance, qui ne se gênent pas, eux, lorsqu’ils procèdent à des interrogatoires musclés avec des filles dans votre genre…Vous croyez que vous me faites envie, dans ce costume militaire, avec votre sale petite tête de chat méchant ? Mais vous êtes complètement folle, ma parole ! Si vous voulez le savoir, j’aurais l’impression de violer l’un de mes collègues du British Council… Pour votre gouverne, Zarin Charan est le meilleur homme que je connaisse, le plus fidèle d’entre tous, le plus intègre et le plus droit ! Il n’a pas à être insulté de la sorte, ni sujet à vos sous-entendus dégradants pour un soldat du Raj… Qu’est-ce que vous croyez ? Nous n’avons pas besoin d’une gamine comme vous pour assouvir notre bon plaisir, dans un pays qui regorge de ressources en ce sens… Et pour qui vous prenez-vous, bon Dieu ? Depuis que vous avez débarqué en Inde, vous ne nous causez que des ennuis, avec cette histoire de vol et vos airs de vierge échevelée… Vous affolez mes hommes avec vos seins qui pointent sous votre liquette, vous ne dites que des sornettes à qui veut bien l’entendre… Alors n’insultez pas l’armée, n’insultez pas mes amis, n’insultez pas le souverain de Jaipur et surtout, n’insultez pas l’Inde ! Et regardez-moi dans les yeux quand je vous parle !
— Je vous interdis de me parler ainsi…
— Ah oui vraiment ? s’esclaffe-t-il avec morgue, affichant au passage un méchant sourire sardonique. Je voudrais bien voir ça ! Eh bien, à partir de maintenant, c’est moi qui commande…
A ces mots, lord Wesley s’empare d’une corde qui se trouve dans la portière de l’automobile, m’oblige à effectuer un demi-tour brutal sur place, et sous les yeux quelque peu atterrés de Zarin Charan, me ligote les poignets, avant de me repousser dans la voiture sans ménagement, la tête la première. J’atterris comme un sac de jute sur la banquette arrière ; la portière claque sans préavis un quart de seconde après. Je me mords la lèvre pour me retenir de crier de rage et d’humiliation, face à cette procédure plus que scandaleuse et irrespectueuse de ma personne. La joue écrasée sur le siège et les mains nouées derrière le dos, j’ai l’impression d’être une chèvre que l’on mène à un méchoui. Mais qu’ai-je bien pu faire dans une vie antérieure pour mériter un tel sort ? Difficile, désormais, et dans ces conditions pénibles, d’envisager de sauter de l’automobile pour essayer d’échapper à mes ravisseurs, d’autant que je suis prise de maux de tête d’une violence inédite. C’est un fait définitif : je hais cet homme et je hais ce pays !
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" Je suis collectionneur, voyez-vous, c'est comme cela que je me définirai le mieux ; c'est une passion qui m'est propre. Mais, par dessus tout, et même si j'apprécie l'opéra et la peinture classique, je vénère la création. Il n'y a pas que la création qui vaille la peine d'être aimée et soutenue en ces temps sinistres de bêtise intellectuelle, de paresse et d'anglais existentielle. "
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Artus de Montfaucon, n'est pas mort. Mon père, Artus de Montfaucon, n'est pas mort de la grippe espagnole, comme on nous l'a fait croire pendant toutes ces années... Je viens tout juste de l'apprendre. J'ignore à quoi rime toute cette sarabande, j'ignore pour quelle raison les Montfaucon l'ont fait passer pour trépassé, mais peu importe. Toujours est-il qu'il vit à Venise, et que je pars dans quelques jours pour le retrouver...Je plie bagage dans ce seul et unique objectif : revoir mon père et élucider la raison de cette légende qui court sur son compte...
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Hector :
— Enfin, ma chère, il va surtout falloir que tu arrives à me supporter quelques temps, maintenant... Y es-tu résolue ? Tu sais ce que l'on dit, dans le mariage, ce sont les quarante premières années les plus difficiles...
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Hector de Montfaucon poussa la porte, fit irruption dans ma loge et la referma illico derrière lui. Sans plus de formalité, il s'appuya contre le mur, les mains derrière le dos et me dévisagea mutique.
— Que... que faites-vous là ? balbutiai-je, malgré tout sous le choc.
Il ne répondit pas immédiatement, trop occupé à me contempler, car je vis qu'il scrutait chaque détail de ma personne, jusqu'aux régions les plus gênantes de mon anatomie, sans aucune pudeur, avec une désinvolture confondante. Je piquai un fard et ne pus m'empêcher d'ajouter malgré moi, avec une agressivité manifeste :
— Vous allez me scruter ainsi longtemps ? Savez-vous qu'il est interdit de...
— Je sais, coupa-t-il.
Incapable d'articuler un son de plus, je le dévisageai, la bouche ronde. Malgré ma stupéfaction, j'esquissai un réflexe de pudeur : je tentai de raccrocher maladroitement les attaches de mon corset, mais n'y parvins pas.
Obligeamment, Hector demanda :
— Vous permettez ?
Sans attendre de réponse, il passa derrière ma chaise et s'y attela, sans plus de cérémonie, amusé en son for intérieur, tandis que je fulminais.
— Qui êtes-vous ? demanda-t-il tranquillement.
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Jamais les vivants n'avaient autant ressemblé à des morts, et les morts à des vivants, qu'en cette année 1919. Ceux qui étaient tombés obsédaient les esprits ; les rescapés n'étaient plus que l'ombre d'eux-mêmes.
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— C’est par les failles que passe la lumière, jeune feringhi, (...) cessez de penser comme vous l’avez toujours fait par le passé. L’Inde, notre mère à tous, est là pour vous y aider. Je vous conseille d’étudier le Soutra du diamant, un dialogue entre le Bouddha et son disciple Subhuti. C’est un encouragement à couper les illusions de la réalité nous entourant… Le thème central en est la vacuité, l'absence de caractère fixe et inchangeant de toute pensée. En tant que matière précieuse, le diamant est recherché mais il représente ce qui empêche le sage de progresser, et d'atteindre finalement l'éveil… En un mot, le diamant est le symbole et l’obstacle ultime ; il incarne l’idéal d’éternité et le trésor auquel il faut renoncer.
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" Il ne restera rien de tout cela, rien qu'un souffle de brumes pour les esprits rêveurs et nostalgiques du passé. Un souvenir dans une bouteille jetée aux carpes de Grandville... Le sable des châteaux s'éparpille au vent, de même que les amours légendaires; c'est ainsi. Seul l'écrit est immortel. Aussi, je plongerai en écriture comme on plonge en haut trouble, pour vous raconter toute mon histoire. Et que ce livre soit mon meilleur fantôme dans les années à venir; qu'il hante les étagères de vos rêves ombre furtive glissant entre les ruines, en souvenir de ma voix. "
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" C'est l'une des règles fondamentales de la survie; éviter tout sentiment et ne montrer aucun signe de faible à quiconque, en aucune circonstance, y compris lorsque l'on tente de te faire souffrir. Méfie-toi des hommes, mon aimée, méfie-toi toujours d'eux, voilà la seule chose que je puisse te dire..."
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« Je ne crois pas au hasard. Quand il y a une alchimie entre deux êtres, deux âmes, rien ne peut les séparer. Rien n'existe plus autour d'eux. Le passé s'annule, le présent devient leur éternité. »
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Quitte à avoir le cœur brisé, autant que ce soit dans une Rolls Royce.
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" Aspirer au beau tour de soi, c'est un peu comme cela, essayer d'atteindre cette universalité, vouloir toucher du doigt la voûte étoilée... La beauté rend parfaitement livre, cosmopolite, et en échange, incombe des devoirs; un peu comme cette ville sublime, finalement..."
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" La race humaine est prompte au retournement et nous ignorons toujours les sales faces noires qui nous entourent, jusqu'au jour ou nous payons le prix fort de notre naïveté."
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— Les femmes sortent entre elles, dit Fauve, elles vont au cinéma en solo, elles cherchent à se passer de mari… Tout cela pourquoi ? Parce que le gouvernement les renvoie à la maison, après les avoir éreintées dans les usines d’armement, sous prétexte qu’elles volent le travail des hommes. Du coup, elles se rebiffent. C’est ce qu’elles appellent « avoir pris goût à l’indépendance » ! Quelle sottise ! J’ai lu dans un journal que les violences conjugales n’avaient jamais été aussi élevées depuis l’armistice… Cela laisse songeur, n’est-ce pas ? C’est à croire que ces pauvres femmes n’y comprennent rien ! A quoi bon imiter l’impossible ? A quoi bon essayer de remplacer les hommes ? C’est une tragédie de naître femme ! Point. L’erreur n’est pas de vouloir ressembler à un homme ; l’erreur est de ne pas être un homme.
— Vous auriez voulu être un homme, Fauve ? sondai-je alors, à tout hasard.
— Bien évidemment. Comme toutes les personnes qui ont un peu de discernement dans ce bas monde… Je ne comprends pas ces invertis, dont le rêve ultime est de se transformer en femelle. Quelle idiotie ! C’est comme si vous aviez gagné à la loterie et que vous décidiez de rendre votre ticket !
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Il manque parfois peu de choses entre une vie désastreuse et une existence réussie.
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Cela signifie que, par je-ne-sais quelle sorcellerie folle, par quel biais inexplicable, je me retrouve projetée dans un Bombay arriéré et colonial, en compagnie d’un joaillier acariâtre et d’une vieille fille anglaise, accusée d’avoir dérobé le collier le plus coûteux du monde jamais réalisé par une maison de haute joaillerie française – mon employeur actuel, de surcroît ! Et tout cela, à moitié nue dans ma robe de lin Zara achetée en soldes, en l’an de grâce 1912, sous la gouvernance du Raj britannique !
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p. 327
" FAUVE CHOISEUL : A quoi bon imiter l'impossible ? A quoi bon essayer de remplacer les hommes ? C'est une tragédie de naître femme ! Point. L'erreur n'est pas de vouloir ressembler à un homme ; l'erreur est de ne pas être un homme.
- Vous auriez voulu être un homme, Fauve ? sondai-je alors, à tout hasard.
- Bien évidemment. Comme toutes les personnes qui ont un peu de discernement dans ce bas monde..."
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Depuis plusieurs jours, le brouillard effaçait les contours mêmes de Grandville, floutant les arêtes de pierre et la flèche des tours dans une masse cotonneuse désormais bien familière. En arrière-fond, le parc s’étalait à flanc de colline avec une telle perfection monochrome qu’il était difficile de ne pas s’émouvoir de tant de beauté. L’étang du jeu de l’oie n’avait pas gelé ; j’avais pu remarquer deux cygnes éburnéens posés sur l’eau noire glacée, occupés à je ne sais quelle conversation invisible. Partout régnait le silence en maître ; seul le grincement de quelque tronc dans la forêt résonnait de temps à autre, vague cri presque humain, auquel répondait l’écho des rondes de corbeaux dans les airs, projetant leur ombre fantastique dans le ciel blanchâtre.
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Gwendoline Finaz de Villaine
" Aspirer au beau tour de soi, c'est un peu comme cela, essayer d'atteindre cette universalité, vouloir toucher du doigt la voûte étoilée... La beauté rend parfaitement livre, cosmopolite, et en échange, incombe des devoirs; un peu comme cette ville sublime, finalement..."
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