THE GIRL OF FIRE AND THORNS by Rae Carson
Trouver l'honneur dans la mort est un mythe. Inventé par les va-t-en-guerre pour justifier l'horreur.
Encore un illuminé qui se réclame de la volonté divine .
Celui qui sert le Destin ne doit pas perdre la pureté de son dessein ...
-trouver l'honneur dans la mort est un mythe. Inventé par les va-t-en-guerre pour justifier l'horreur. Si nous devons mourir, c'est pour préserver la vie des autres. C'est la seule mort digne de louanges .
Je vrille sur Alejandro un regard furieux emprunté à l'arsenal d'Alodia, le regard qu'elle réserve aux cuisiniers paresseux, et aux petites sœurs qui l'agacent.
- Mais...cette robe est magnifique! proteste-t-elle.
- Je ressemble à une saucisse. A une grosse saucisse boudinée dans un emballage en soie blanche...

De ce nouveau poste d'observation, j'ai une vue imprenable sur la bataille. Les gardes royaux semblent avoir trouvé un moyen de mettre en déroute ces étranges sauvages. Des cadavres jonchent le sol, il flotte une odeur de chair carbonisée. Notre voiture est devenue un véritable brasier. Ximena tressaille lorsque la structure s'écroule en projetant une pluie d'étincelles.
Juste derrière, deux guerriers ont plaqué l'un des nôtres contre un arbre. L'un d'eux se rue sur lui en hurlant et tente de planter un poignard dans son torse. L'homme esquive de justesse et dévie l'arme d'un geste de l'avant-bras. Il lutte sans conviction avec des mouvements maladroits et hésitants. Les corps peints sentent qu'ils ont affaire à une proie facile et ils ont l'air de s'en amuser : ils commencent lentement une sinistre chorégraphie. C'est à cet instant que j’aperçois le visage de l'homme condamné à mourir entre leurs mains.
Alejandro.
- Non !
Je me jette sans réfléchir à l'extérieur de notre abri. Avec un cri animal, Ximena tente de me retenir, mais je me dégage d'une secousse. J'ai l'impression de courir au ralenti, gênée par mon gros ventre et mes seins lourds. Je tire le coutelas de mon corsage. Alejandro ne peut pas mourir, pas maintenant, pas ainsi. Trop occupés à harceler leur victime accrochée désespérément à son épée, les deux sauvages ne se rendent pas compte que je fonds sur eux comme une furie.
Le visage noyé de larmes, je me rue sur l'un des deux guerriers et le renverse par terre. Tout en sanglotant, je lève mon coutelas et je frappe à l'aveugle. Une fois, deux fois. trois fois, cinq fois... Je m'acharne tant que le Destin me prête des forces.
Des milliers de badauds se pressent de part et d’autre du carrosse, serrés en rang d’oignons et agitent qui une main, qui un drapeau, qui un mouchoir. Des enfants perchés sur les épaules de leurs parents jettent en l’air des graines et des pétales de rose. Une banderole est tenue par six personnes : « Joyeux anniversaire à Sa Majesté la reine Lucero-Elisa ! «
-Oh !
-Vous êtes une héroïne, ne l’oubliez pas.
Mais je suis aussi une reine venue de l’étranger, arrivée au pouvoir par le hasard d’un mariage arrangé et de la guerre. La fierté s’éveille en moi de voir que le peuple m’accepte de tout son cœur.
Nous marchons un long moment. Lorsque j’aperçois la porte et le désert qui s’étend au-delà, mon cœur se met à marteler ma poitrine, tant ma fébrilité est grande. J’ai hâte de franchir ces murs, de me noyer dans la lumière du soleil. Hâte de sentir mes pieds s’enfoncer dans le sable, de sentir l’air sec fouetter mes cheveux. J’espère que nous pourrons échanger nos chevaux contre des chameaux à un point du trajet. Leurs yeux aimables frangés de longs cils, leur pas pesant mais résolu me manquent. Même de l’odeur de leur bouse, qui sert à allumer les feux, je me languis, c’est dire si j’ai soif de liberté.
- Et les autres? Sont-ils dans le même état d’esprit que toi? Veulent-ils mourir l’arme à la main?
- En grande partie, oui.
- Bien.
Un éclair de surprise s’allume dans ses yeux tandis que je m’éloigne. Les pièces du puzzle commencent à s’assembler sous mon crâne. Je suis en train d’échafauder une stratégie insensée, une tactique que même les guerriers de Joya d’Arena n’ont jamais mise en oeuvre.
Autant dire qu’elle est vouée à l’échec.