« Dès que la TAZ est nommée (représentée, médiatisée), elle doit disparaître, elle va disparaître, laissant derrière elle une coquille vide, pour ressurgir ailleurs, à nouveau invisible puisqu’indéfinissable dans les termes du Spectacle. »
Il est difficile de ne pas penser à Anonymous en lisant ce manifeste rédigé en 1991, aux débuts de l’internet public, par le magicien du chaos, Hakim Bey. Une idée qui me vient en passant, peut-être sans valeur.
HB a transposé les préceptes de l’entropie aux dynamiques sociales et aux théories médiatiques de la communication dans un mouvement d’anarchisme ontologique. Il ne définit jamais la TAZ [Zone Autonome Temporaire] préférant la voir se créer plutôt que de se lire en écrire les principes.
« Malgré l’enthousiasme ranteresque de mon langage, je n’essaie pas de construire un dogme politique. En fait, je me suis délibérément interdit de définir la TAZ – je me contente de tourner autour du sujet en lançant des sondes exploratoires. En fin de compte, la TAZ est quasiment auto-explicite. Si l’expression devenait courante, elle serait comprise sans difficulté… comprise dans l’action. »
Le traité de la TAZ permet de donner forme légitimité par l’acte écrit à l’émergence de communautés alternatives, mouvantes jusqu’à devenir insaisissables, liées par des phénomènes de sympathie, sans droits figés, sans devoir de constance ni de cohérence. HB et son traité n’ont peut-être rien à voir avec Anonymous, je n’en sais rien, mais impossible de ne pas penser à eux lorsqu’ils surgissent de nulle part, avançant masqués, pour fondre aussitôt après dans l’obscurité. Ceux qui agissent en hacker à visage révélé bravent les principes de la TAZ et deviennent facilement récupérables par la ESZ (Zone de Soumission Eternelle) > voir le cas de Julian Assange (@Mike Dralliag) (https://www.lalibre.be/debats/opinions/julian-assange-ce-grand-homme-qui-meurt-dans-l-indifference-generale-5dc17356d8ad58388747e783 ). Tout ceci n’est bien sûr que suppositions de ma part.
Rien à voir donc avec les défilés en slip moule-bite sur la place publique pour revendiquer le droit au mariage gay.
Le texte du TAZ est disponible gratuitement n’importe où. Par exemple ici : http://www.lyber-eclat.net/lyber/taz.html .
Restez bien dans votre zone temporaire.
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L'un des roboratifs textes fondateurs d'un techno-anarchisme contemporain.
Publié pour la première fois en 1985, sous la forme parcellaire d’un assemblage des flyers composant les « Broadsheets of Ontological Anarchism », « Zone Autonome Temporaire » prit sa forme quasi-définitive en 1991 chez l’éditeur underground new-yorkais Autonomedia, et fut traduit en français en 1997 chez l’Eclat par Christine Tréguier.
Fruit des travaux et des pérégrinations, physiques et intellectuelles, de l’activiste, poète, essayiste et soufi Peter Lamborn Wilson, dit « Hakim Bey », ces 90 pages, denses et singulièrement littéraires sous leur faux air de manifeste, invitent à une réflexion sur la possibilité de l’autonomie et de la liberté dans un monde qui a renoncé, pour de bonnes comme pour de mauvaises raisons, à la « Révolution ». S’inspirant largement d’une relecture de l’histoire des communautés pirates de l’arc caraïbe aux XVIIème et XVIIIème siècles, revisitant les échecs de nombreuses communautés utopistes américaines des XVIIIème et XIXème siècles, et intégrant l’une des premières pensées lucides sur ce que le web change ou ne change pas, ce texte percutant continue d’irriguer une large part de l’anarchisme contemporain, et un certain nombre d’expériences originales de ci et de là. Dans les années 90, le statut de bible dogmatique parfois octroyé à cette invitation à la réflexion et à l’action par un certain nombre de suiveurs sans imagination put parfois provoquer un véritable agacement chez d’autres inventeurs collectifs de réalité possible, à l’image du collectif Luther Blissett (dont les Italiens de Wu Ming ne s’étaient pas encore extraits), tandis que l’écrivain cyberpunk Bruce Sterling réalisait une somptueuse et roborative illustration de certains de ces concepts avec son roman « Islands in the Net » (1988, bizarrement traduit en français par « Les mailles du réseau »…), et que « TAZ » devenait notamment l’une des références essentielles du monde des hackers activistes.
Tentant toujours et encore de produire de l’ « ici et maintenant » en ne dédaignant jamais l’apport intellectuel et imaginatif de l’ « ailleurs et demain » comme du « hier », une lecture qui permet de se réjouir aussi de l’arrivée imminente en français du travail poétique d’Hakim Bey, sous le titre de « Black Fez Manifesto », en janvier 2014 aux éditions ère.
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Hakim Bey, c'est une sorte de poète pirate et anarchiste qui a parcouru la planète pour semer au vent ses fleurs libertaires. Zone interdite est un recueil de plusieurs de ses (courts) textes où il présente en quelques pages certaines de ses théories.
Il y a à la fois pas grand chose et tout ce qu'il faut dans son livre. C'est moins un texte politique qu'une oeuvre de terrorisme poétique. On y fait l'appel de la transhumance révolutionnaire et on repense la fin du capitalisme. C'est chouette et, surtout, ça donne des pistes d'action concrètes pour repenser sa vie en dehors du cadre marchant.
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"L'Art du Chaos, c'est un manuel de survie à la morosité ambiante, une solution immédiatiste à la crise culturelle et à la médiocrité générale. On peut y voir une cause perdue, mais restent ces quelques lignes magnifiques qui seront, un jour peut-être, mises en pratique pour briser la culture de masse.
Ghislain GILBERTI
"Journal"
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Le formidable recueil, ardu et fulgurant, politique et inspiré, de la poésie d'Hakim Bey.
Publié en 2008 chez Autonomedia à New York, traduit en français en janvier 2014 par Émilie Notéris aux éditions ère, « Black Fez Manifesto » rassemble l’essentiel de la poésie concoctée par Peter Lamborn Wilson (aka Hakim Bey), l’inclassable enquêteur créateur de l’anarchisme ontologique, du terrorisme poétique, des utopies pirates, des zones d’autonomie temporaire, du post-soufisme de terrain, inspirateur depuis trente ans d’une part importante du techno-anarchisme et des communautés de hackers.
Comprenant une cinquantaine de textes poétiques courts (allant d’un paragraphe à quelques pages) et quelques magnifiques communiqués du Front de Libération de Cro-Magnon, le recueil propose un voyage touffu et même ardu par moments, tant le corpus dans lequel Hakim Bey puise son inspiration et ses références est foisonnant et varié, associant sans hésiter les thèmes issus des nombreux essais écrits depuis les années 80, mêlant littérature anarchiste, exploration technologique, faits bruts issus d’une actualité sociale et politique, mysticisme oriental, ésotérisme universel, reportage industriel, bribes de science-fiction, ou encore méditation échappant au désenchantement.
Dans ce dense réseau d’images et de résonances qui ne se dévoilent pas toujours immédiatement, des fulgurances surgissent très régulièrement, parvenant alors à ce miracle d’équilibre, fatalement instable mais incroyablement juste, entre émotion irrépressible et intelligence aiguë, entre introspection solitaire du lecteur et encouragement à l’action collective. Comme l’écrivait fort joliment Louise Landes Levi lors de la sortie américaine, « Hakim Bey est un chaman, il joue son tambour et son rôle partout et chaque fois qu’il le peut ».
Sous une forme quelque peu déroutante, indéniablement l’un de ces livres vers lesquels on sait, dès la première lecture, que l’on reviendra souvent, en de nombreux temps et de nombreux lieux.
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