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Citations de Hanya Yanagihara (203)


Et il m'a fallu encore plusieurs semaines après cela pour réussir à ouvrir la lettre qu'il nous avait laissée sur sa table. Je n'avais pas pu m'y soumettre avant ; je n'étais pas sûr de pouvoir m'y soumettre même maintenant. Mais je me suis lancé. C'était une missive de huit pages, tapées, et il s'agissait d'une confession : à propos de frère Luke, et de Dr Traylor, et de ce qui lui était arrivé. Il nous a fallu plusieurs jours pour la lire parce que, malgré sa concision, cela paraissait en même temps sans fin et nous devions sans cesse reposer les pages, prendre de la distance, puis, rassemblant notre Courage– Prêts ? –, nous rasseoir et nous remettre à lire. e plus belle. mot et à «Je suis désolé, écrivait-il. S'il vous plaît, pardonnez-moi. Jen'ai jamais eu l'intention de vous tromper. » Je ne sais toujours pas quoi dire de cette lettre, peux toujours pas y penser. Toutes ces réponses que je désirais connaître, à propos de qui il était et pourquoi il était comme il était, et maintenant celles-ci ne sont que tourment. Qu'il soit mort si seul est plus que je ne peux tolérer ; qu'il soit mort en croyant qu'il nous devait des excuses est encore pire ; qu'il soit mort en croyant encore si obstinément en ce qu'on lui avait enseigné a propos de lui-même – après toi, après moi, après nous tous qui l'aimons tant – me donne à penser que ma vie a été un échec, que j'ai échoué vis-à-vis de la rue chose qui comptait.
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Maintenant, se dit-il, presque pris de vertige, tandis que Harold s'approche de de nouveau de lui, maintenant, maintenant, maintenant. Alors Harold lève la main, et il attend le moment où il le frappera si fort que cette soirée se terminera, et qu'il se réveillera dans son propre lit, à même pendant un temps d'oublier cet instant, d'oublier ce qu'il a fait. Au lieu de quoi, Harold l'enveloppe de ses bras, il essaie de le repousser, mais Julia l'étreint aussi, penchée au-dessus de la carapace de son fauteuil, et il est pris au piège.
– Laissez-moi tranquille, rugit-il à leur adresse – mais son énergie l'abandonne, il se sent faible et affamé. Fichez-moi la paix, essaie-t-il encore de dire mais ses mots sont dénués de forme et vains, aussi inutiles que ses bras et ses jambes, aussi renonce- t-il bientôt.
– Jude, lui dit Harold doucement. Mon pauvre Jude. Mon pauvre chéri.
Et à ces paroles, il se met à pleurer, parce que personne ne l'a jamais appelé « chéri», pas depuis frère Luke. Parfois, Willem essayait – « chéri, tentait Willem, mon coeur » –, et il lui demandait d'arrêter ; cette marque d'affection lui paraissait sale, un mot dénotant l'avilissement et la débauche. – Mon chéri, répète Harold – et il veut qu'il arrête ; veut qu'il n'arrête jamais. Mon bébé.
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Puis il fouille de nouveau dans le tiroir, dont l'espace est principalement occupé, non pas par un dossier suspendu, mais par une large chemise en accordéon, le type de chemises qu'ils utilisent au cabinet. Il la sort, voit qu'elle ne porte que son nom et l'ouvre lentement. A l'intérieur, il y a tout : chaque lettre qu'il a écrite à Willem, chaque mail substantiel imprimé sur papier. Des cartes d'anniversaire qu'il a données à Willem. Des Photographies de lui, certaines quil n'a jamais vues.
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Il a conscience, vaguement, que ses amis I'observent. qu'ils s'inquiètent pour lui. A un moment, il a compris que, s'il garde si peu de souvenirs des jours qui ont suivi l'accident, c'est entre autres parce qu'il se trouvait à l'hôpital, sous surveillance pour risque de suicide. Maintenant il peine à vivre chaque jour et se demande pourquoi, de fait, il ne se tue pas. Ce serait, après tout, le temps de passer à l'acte. Personne ne lui en voudrait. Et pourtant, il n'attente pas à sa vie.
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Ils affirmaient tous la même chose : Richard, JB, Andy ; les gens qui lui écrivaient des cartes. Kit. Emil. Tout ce qu'ils lui disaient était que cela irait mieux. Pourtant, même s'il était assez aguerri pour ne pas le révéler à haute voix, dans son for intérieur il pensait : Cela ne s'arrangera pas. Harold avait eu Jacob pendant cinq ans. Il avait eu Willem pendant trente-quatre ans. Il n'y avait pas de comparaison. Willem avait été la première personne à l'aimer, la première personne à le considérer non comme un objet dont on se sert ou que l'on prend en pitié, mais comme autre chose, comme un ami ; il avait été la deuxième personne qui l'avait toujours, toujours, traité avec gentillesse. S'il n'avait pas eu Willem, il n'aurait eu aucun d'entre eux – il n'aurait jamais pu accorder sa confiance à Harold s'il ne s'était pas d'abord fié à Willem. Il se sentait incapable de concevoir la vie sans lui, parce que Willem avait tellement contribué à définir ce que son existence était et ce qu'elle pouvait être.
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Et puis un dimanche de décembre, il s' était réveillé et avait su : Willem était parti. Il l'avait quitté pour toujours. Il ne reviendrait pas. II n'entendrait plus jamais la voix de Willem, ne sentirait plus jamais son odeur, les bras de Willem ne l'envelopperaient plus jamais. II ne pourrait plus jamais s'épancher et se soulager de ses souvenirs, tout en sanglotant de honte, ne pourrait plus jamais émerger brusquement de l'un de ses rêves, saisi de terreur, et sentir la main de Willem sur son visage. entendre sa voix au-dessus de lui : «Tu es en sécurité, Jude, tout va bien. C'est fini : c'est terminé; terminé. » Alors il avait pleuré, vraiment pleuré, avait versé des larmes pour la première fois depuis I'accident. Il avait sangloté en pensant à Willem, à combien il avait dû avoir peur, avait dû souffrir, en songeant à sa pauvre vie écourtée. Mais essentiellement. il avait pleuré sur lui-même. Comment allait-il continuer à vivre sans Willem ?
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– Tu es Jude St. Francis. Tu es mon plus vieil et plus cher ami. Tu es le fils de Harold Stein et de Julia Altman. Tu es l'ami de Malcolm Irvine, de Jean-Baptiste Marion, de Richard Goldfarb, d'Andy Contractor, de Lucien Voigt, de Citizen van Straaten, de Rhodes Arrowsmith, d'Elijah Kozma, de Phaedra de los Santos, des Henry Young.
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– Viens danser avec moi, dit-il.
–Willem, lui répondit-il d'un ton de réprimande, tu sais que je ne sais pas danser.
Willem le regarda alors, comme s'il l'évaluait.
– Viens avec moi, déclara-t-il – et il suivit Willem vers l'extrémité est du loft, puis dans la salle de bains, où Willem I'attira, ferma la porte à clé derrière eux et posa son verre sur le rebord du lavabo.
La musique leur parvenait toujours (une chanson populaire à à l'époque où ils étaient en licence, embarrassante et en même temps émouvante par son cộté ostensiblement sentimental, à la fois sirupeux et sincère) mais de manière assourdie, comme si elle leur arrivait d'une vallée lointaine à travers des canalisations.
– Place tes bras autour de mon cou, lui ordonna Willem – et il s'exécuta. Recule le pied droit quand j'avance mon pied gauche, ajouta-t-il – ce qu'il fit. Pendant plusieurs minutes, ils se déplacèrent ainsi, avec lenteur et maladresse, se regardant en silence. – Tu vois ? fit Willem, doucement. Tu danses.
– Je ne suis pas doué, marmonna-t-il, gêné.
– Tu es parfait, répliqua Willem – et, malgré la douleur dans ses pieds qui commença à le faire transpirer à force de se retenir de crier, il continua de se mouvoir, mais de façon si minimale que vers la fin de la chanson ils se contentaient de se balancer, sans soulever les pieds du sol, Willem le retenant pour qu'il ne tombe pas.
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Puis la musique changea devenant lente et éthérée, et Harold cria qu'il allait arracher Julia des griffes de Willem.
–Vas-y, lui dit-il – mais, avant que Harold ne le quitte, quelque chose l'incita à tendre les bras et l'étreindre, et, pour la première fois depuis l'incident avec Caleb, se laisser volontairement aller à un contact physique avec Harold. Il se rendit compte de la stupéfaction de Harold, puis de son sentiment de délice, et éprouva un soubresaut de culpabilité qui le dit reculer aussi vite que possible et pousser simultanément Harold vers la piste de danse.
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« mes beaux-parents, Julia Altman et Harold Stein, pour m'avoir toujours donné le sentiment que suis aussi leur fils, et, le plus important, Jude St. Francis, mon meilleur ami et l'amour de ma vie, pour tout. »
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SETH : Mais tu ne comprends pas, Amy? Tu re leurres. Une relation ne te procure jamais tout. Elle ne peut que t te procurer certaines choses. Tu prends toutes les qualités que tu souhaites chez quelqu'un - l'attrait sexuel, disons, ou l'art de la conversation, ou le soutien financier, ou encore la compatibilité intellectuelle, la gentil- lesse, la loyauté - et tu choisis trois de ces qualités. Trois – c'est tout. Peut-être quatre, si tu es très chanceuse. Le reste, tu dois le chercher ailleurs. Ce n'est que dans les films qu'on trouve quelqu'un qui offre toutes ces choses. Mais on n'est pas au cinéma. Dans le monde réel, on doit identifier quelles Sont ces trois qualités avec lesquelles on veut passer le reste de sa vie, et ensuite chercher ces qualités chez quelqu'un. C'est ça, la vraie vie. Tu ne vois pas que c'est un piège? Si tu continues à essayer de tout trouver, tu finiras seule.
AMY : [en pleurs] Alors qu'est-ce que tu as choisi ? SETH : Je ne sais pas. [pause] Je ne sais pas.
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– Je m'installerai à Boston avec toi, déclara Luke. On sera mariés et on vivra dans un appartement en ville.
Parfois, ils en discutaient : les cours qu'il suivrait, les choses auxquelles frère Luke s était adonné quand il était lui-même étudiant, les endroits où ils voyageraient après l'obtention de sa licence.
– On aura peut-être un fils ensemble un déclara Luke une fois.
Sur quoi il s'était raidi, parce qu'il avait conscience, sans que Luke ait besoin de l'énoncer, que ce der- nier ferait subir à leur fils fantôme ce qu'il lui avait fait subir à lui, et il se rappelait avoir pensé que cela n aurait jamais lieu, qu'il ne laisserait jamais cet enfant fantomatique, cet enfant qui n'existait pas, venir au monde, qu'il ne laisserait jamais de sa vie un autre enfant fréquenter Luke. Il se rappelait avoir songé qu'il protégerait ce fils qu'ils auraient ensemble et, pendant un bref et terrible instant, il Souhaita ne jamais avoir seize ans, parce qu'il savait que, que quand il atteindrait cet âge, Luke aurait besoin de quelqu'un d'autre, et il ne pouvait pas l'aider la chose arriver.
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ll rejoignit Jude à la cuisine et se mit a preparer une salade, tandis que JB s'affalait à la table de la salle à manger puis se mit à tourner les pages d'un roman que Jude avait laissé là.
– J'ai lu ce bouquin, lui lança-t-il. Tu veux savoir ce qui se passe à la fin ?
– Non, JB, répondit Jude. Je n'en suis qu'à la moitié.
– Le personnage du pasteur finit par mourir.
– JB!
Après quoi, l'humeur de JB sembla s'améliorer. Même ses dernières salves parurent légèrement molles, comme s'il les lançait plus par obligation que par profonde conviction,
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Mais à ce moment-là, il pourrait aussi bien se demander – comme il le fait souvent – pourquoi il a permis aux quinze premières années de son existence de dicter les vingt-huit dernières années. Il a eu une chance inimaginable ; il mène une vie d'adulte dont les gens rêvent : pourquoi, alors, s'inflige-t-il de revisiter et rejouer des événements qui ont eu lieu il y a si longtemps ? Pourquoi ne peut-il pas simplement apprécier le présent ? Pourquoi devrait-il honorer son passé de la sorte ? Pourquoi celui-ci devient-il plus vivace, et non pas moins, alors qu'il s'en éloigne ? Willem revient avec deux verres remplis de whiskey et des glaçons. Il a passé un tee-shirt. Pendant un moment, ils restent assis sur le canapé, sirotant leur boisson, et il sent ses veines s'emplir de chaleur.
– Je vais te raconter, dit-il à Willem – et ce dernier hoche la tête, mais, avant de se lancer, il se penche vers Willem et l'embrasse.
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– Jude, dit Willem, est-ce que quelqu'un t'a fait ça? Est-ce que quelqu'un – il ne peut pas prononcer les mots est-ce que quelqu'un t'a battu ?
Il hoche la tête, imperceptiblement, content de ne pas pleurer, même s'il a l'impression qu'il va exploser: il s'imagine des bouts de chair voler en éclats comme un obus, arrachés de ses os, s'écrasant contre le mur, pendant du lustre, maculant les draps de sang.
– Oh, mon Dieu, dit Willem en lui relâchant les mains – puis il le regarde sortir du lit à la hâte. – Willem, l'appelle-t-il – puis il se lève à son tour et le suit dans la salle de bains, où Willem est penché au-dessus du lavabo, respirant fort, mais, lorsqu'il essaie de lui toucher l'épaule, Willem fait un mouvement pour qu'il retire sa main. Il retourne dans leur chambre et attend au bord du lit, et, lorsque Willem sort de la salle de bains, il s'aperçoit qu'il a pleuré.
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– J'y vais, dirait-il en rendant son sourire à Willem – et ce dernier secouerait la tête.
– Reste, susurrerait Willem.
Et il répondrait :
– Il faut que j'y aille.
Et Willem rétorquerait :
– Cinq minutes.
Et il dirait :
– Ok, cinq.
Alors Willem soulèverait son côté de la couverture, il se glisserait dessous, Willem serré contre son dos, puis fermerait les yeux et attendrait que Willem l'enveloppe de ses bras, regrettant de ne pas pouvoir demeurer ainsi pour l'éternité. Ensuite, dix ou quinze minutes plus tard, il finirait, à contrecoeur, par se lever, embrassant Willem près de la bouche, mais pas sur la bouche – cela lui pose toujours problème, même quatre mois plus tard – et partirait pour la journée.
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Plus tard, quand les choses ont mal tourné, je me demandais régulièrement ce que j'aurais pu dire où faire. Parfois je songeais qu'il n'y avait rien que j'aurai pu dire – il y avait une chose qui aurait pu l'aider, mais aucun de nous qui l'aurait exprimée n'aurait pu l'en convaincre. Je continuais à former ces fantasmes : le pistolet, la clique, cinquante ouest Vingt-Neuvième Rue, l'appartement J7. Mais cette fois, nous ne tirerions pas. Nous attraperions Caleb par les deux bras, le conduirions à la voiture, l'emmènerions à Greene Street, le traînerions en haut. Nous lui ordonnerions quoi dire et le préviendrions que nous nous tiendrions l'extérieur de la porte, dans I'ascenseur, le revolver armé et pointé sur son dos. Et de là, nous écouterions ce qu'il déclarerait : Je ne voulais pas te faire du mal. J'avais complètement tort. Ce que je t'ai fait subir, mais encore plus, ce que je t'ai dit, ça ne t'était pas adressé. Crois-moi, parce que tu m'as cru avant : tu es beau et partait, et je n'ai jamais vraiment pensé ce que je t'ai dit. J'avais tort, je me suis trompé, personne n'a jamas eu plus tort que moi
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Malgré tout, il se sentait soulagé de retourner chez lui en secret tous les dimanches, où la nourriture abondait, où sa grand-mère lui lavait son linge, où chacune de ses paroles et où chacune de ses esquisses était appréciée et accueillie par des murmures d’approbation.
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Il songe parfois qu'il continue de venir pour le bien de Meredith plus que pour celui de Lucien, et il se rend compte que c'est normal, c'est ce qui compte : on ne rend pas visite à ceux qui sont perdus, mais aux personnes en quête de ceux qu'elles ont perdus.
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Les gens avaient toujours décidé de la manière dont son corps devait être utilisé, et même s'il savait que Harold et Andy essayaient de l'aider, la part enfantine et obstinée de lui-même résistait : c'est lui qui déciderait. Il contrôlait si peu son corps de toute façon, comment pouvaient ils lui jalouser cela.
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