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Critiques de Heinrich Mann (7)
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Le sujet de l'Empereur

Il y a de quoi rester bouche bee devant la lucidite, la clairvoyance d'Heinrich Mann. Il ecrit ce livre avant la premiere guerre mondiale et le publie juste apres. Et cette satire ironique de l'ascension d'un bourgeois allemand tourne a la critique, mordante, non seulement de la bourgeoisie, mais d'une certaine humeur, une certaine attitude nationale, arrogante pour ne pas dire rogue, suffisante pour ne pas dire dedaigneuse. On peut y lire clairement l'etat d'esprit qui mena a la guerre, et certains y ont meme vu une des explications de la montee du nazisme.



Diederich Hessling (pourquoi avoir, dans la traduction que j'ai lu, francise son nom en Didier?) est le type parfait du cycliste (le symbole, l'image du cycliste en psychologie) : il pietine tout ce qui est sous lui et baisse la tete sous tout ce qui est au dessus de lui. Ayant herite d'une petite usine de papier, il maltraite ses ouvriers et les meprise (mais plie devant un representant syndicaliste). Il mesestime la gent feminine, y compris ses soeurs et sa femme. Il admire les militaires, adule les politiciens au pouvoir, et porte aux nues son empereur. Ah! L'empereur! L'ordre imperial! le privilege allemand! Voyant l'empereur "une ivresse plus haute et plus souveraine que l'ivresse de la biere le soulevait sur la pointe des pieds, le suspendait en l'air. [...] Sur ce cheval [...] c'etait la Force elle-meme, la force qui nous passe sur le corps et dont nous baisons les sabots; qui passe outre a la faim, a la revolte, a la haine; contre laquelle nous ne pouvons rien, parce que tous nous l'aimons, parce que nous l'avons dans le sang, comme nous y avons la soumission. Devant elle, nous sommes comme un atome d'elle, comme une molecule perissable de son crachat".



Assistant a un opera de Wagner "il voyait la toutes les exigences nationales satisfaites, aussi bien par le texte que par la musique. La revolte etait assimilee au crime, l'ordre etabli brillamment celebre, la noblesse et le droit divin avaient la premiere place, et le peuple pareil au choeur antique, eternellement etonne par les evenements, se battait de bon coeur contre les ennemis de ses maitres. La charpente guerriere et les fioritures mystiques, tout y etait en place". Par la meme occasion Hessling dira ce qu'il pense des gens comme Mann, ces ecrivains empecheurs de penser en rond: "Le plus haut de tous [les arts] est la musique, qui est proprement l'art allemand. Ensuite vient le drame [...] parce qu'on peut souvent le mettre en musique, et puis on n'a pas besoin de le lire, et puis etc. Apres vient naturellement la peinture de portraits, a cause des portraits de l'empereur. Le reste a moins d'importance. -- Et le roman? -- Ca n'est pas de l'art. Au moins, grace a Dieu, pas de l'art allemand. le nom seul l'indique".



Mais Hessling est en plus hypocrite, retors, menteur, ne reculant devant aucune vilenie, devant aucune bassesse pour s'elever, et en fin de compte complexe (accent aigu), peureux, pleutre et lache. Bref il a tout pour plaire, ce prototype du hideux.



Je reste admiratif devant le projet d'Heinrich Mann, sa denonciation des tendances de certains allemands. J'ai moins aime le style du livre, son ecriture, que j'ai trouve lourde, repetitive, presque indigeste (et qui a surement deteint sur ce billet). En definitive le projet aurait merite quatre etoiles, le livre que j'ai lu moins, bien que j'affirme qu'il est bon. I'm just a soul whose intentions are good. Oh Lord, please don't let me be misunderstood.



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Le sujet de l'Empereur

Didier Hessling, quoique son nom évoque en allemand les épithètes de petit et laid, est un homme de conviction et d'une droiture morale implacable. Marqué par sa rencontre avec l'empereur Guillaume II au cours d'une immonde manifestion prolétarienne que le souverain dissolvera par sa simple présence et sa divine aura, il vouera sa vie entière à la cause nationale et à un soutien sans faille de la volonté impériale.



En aucun cas, il ne cédera à la facilité des modes éphémères comme celles propagées par les libres-penseurs dont les idéaux se résument bien souvent à la défense des intérêts particuliers d'un patriarcat obsolète ou à celles prônées par la fange obscène des sociaux-démocates qui ne rêvent que de la mort de la nation dans une orgie sanguinaire. "Être allemand signifie être factuel" et les faits parlent pour l'Empereur: seul son parti a un avenir compatible avec la modernité de notre temps. Maîtrisant à merveille l'ambiguïté du crime de lèse-majesté, il abattera ses opposants politiques et commerciaux en dévoilant au grand jour et devant la justice leur faiblesse morale et parjure.



Mais Hessling n'est pas seulement franc et droit au niveau politique. Non, dans sa vie privée il n'hésitera jamais devant l'application de ses principes. Ainsi dira-t-il à son épouse Guste qu'à la naissance de son ainé, le médecin accoucheur serait venu à lui. Il lui aurait déclaré que Guste perdait beaucoup de sang et qu'il faudrait peut-être choisir entre la mère et l'enfant. C'est avec beaucoup d'abnégation et de sens du devoir que Hessling répondit à l'opérateur que la naissance d'un héritier avait priorité face à la vie d'une mère de famille. Ne devons-nous pas à notre bien-aimé empereur une armée de jeunes hommes bien-portants? Devrions-nous pour cela sacrifier un membre du sexe faible? le lecteur se demandera peut-être s'il n'y a pas quelque contradiction puisque Hessling lui-même a dû écourter son sevice miltitaire pour une blessure que le médecin qualifia de fort légère. Passons. Chacun a ses péchers de jeunesse, même le Docteur et Président-Général Hessling, médaillé de l'Ordre de Guillaume et de la Couronne (4e classe).



Le Sujet de l'empereur est un livre glacant, une dénonciation implacable d'une certaine mentalité allemande à l'aube de la première guerre mondiale. Heinrich Mann signe un pamphlet prophétique, un grand classique de la littérature! Un bijou de cynisme.
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Le Sujet !

"La Force...contre laquelle,nous ne pouvons rien parce que tous nous l'aimons, parce que nous l'avons dans le sang,comme nous y avons la soumission" s'enthousiasme Didier Hessling, face à cette Force incommensurable que représente pour lui l'Empereur Guillaume II (pour qui la "germanité se devait de guérir le monde") qu'il idolâtre.

Le Sujet! caricature du parfait Allemand militariste, c'est Didier Hessling en personne, un petit bourgeois de l'avant première guerre mondiale, lâche,froid,mystique,méchant,qui, soumis à l'autorité du fouet paternel dans son jeune âge, humilié à l'armée,devient un étudiant berlinois membre de la "Néo-teutonie" fier de porter l'uniforme, habitué à se saouler jusqu'à plus soif; se révèle un amoureux cynique auprès de la fine Agnes Goeppel (qu'il déflore puis refuse d'épouser puisqu'elle n'est plus vierge); méprise ses employés lorsqu'il reprend la fabrique de papier de son père; se transforme en un homme redouté et procédurier.

Heinrich Mann dont Le Sujet! s'intitulait initialement Histoire de l'âme publique sous Guillaume II, profite de l'écriture (comme Zola dans son article "J'accuse") pour dénoncer le fanatisme (bête et disipliné)et les abus de la monarchie.Soutenu par le parti social-démocrate lors de sa première parution début 1914, vivement critiqué car jugé trop subversif par la droite et les monarchistes, cette satire ne fut vraiment publiée qu'après la fin de la guerre de 14-18.En 1933,Heinrich Mann s'exilera en France pour fuir les Nazis (c'est la qu'il écrira son chef d'oeuvre: Le Roman d'Henri IV).

Le Sujet! a été adapté en film mais a eu du mal à être diffusé en Allemagne.

Pour l'anecdote, il faut savoir qu'il habitera dans le quartier de Portissol de Sanary près de Thomas Mann (avant de partir en Californie) et que les fans de ces écrivains peuvent effectuer le chemin des écrivains Allemands exilés proposé par l'office du tourisme.
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Professeur Unrat (L'Ange bleu)

Un roman placé sous le signe de la causticité. C’est la critique d’un professeur, dans l’Allemagne du début du XXème siècle, un professeur décrit comme un tyran frustré , qui s’attise la haine de ses élèves. Le roman va retracer la déchéance lente mais inexorable du professeur suite à sa rencontre avec une chanteuse. Le professeur va devenir un expert dans le maniement des costumes de scène et va se plier aux caprices de la chanteuse Rosa qu’il idolâtre.

Un roman noir qui donne une représentation lucide d’un professeur tyrannique parce que faible, risible parce qu’infatué de lui-même, pitoyable parce que victime de son aveuglement. A travers Unrat, Heinrich Mann brosse un portrait grinçant d’une certaine classe qui aspire à la réussite sociale et défend pour cela les valeurs d’ordre et d’autorité.

C’est le roman qui a inspiré le célèbre film « L’Ange bleu » avec Marlene Dietrich.

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Professeur Unrat (L'Ange bleu)

Satire sinistre mais tellement vraie, sur les liens étroits entre milieu du spectacle et de la prostitution. Avant le cinéma parlant, la plupart des actrices étaient des filles de joie, tout comme les modèles des peintres.



On sait que fréquenter ce milieu de trop près n'a pas réussi à Vincent Van Gogh, la pire chose qui puisse arriver à un homme, c'est bien de séduire une dame qui n'est pas faite pour un seul homme, et pour qui la notion d'amour n'a rien de poétique mais se restreint aux exigences du ventre, on est loin de l'invitation au voyage de Baudelaire (ou même du gaz de Jacques Brel qui savait distinguer l'épouse de la putain).



La déchéance sociale du professeur Rath est inspirée de faits réels et banals pour qui connaît ce monde où la parade nuptiale n'a pas décollé de la préhistoire. La femelle s'accouple avec le singe qui a le plus de bananes, une fois qu'elle a tout mangé elle passe au pigeon suivant. Ainsi, le grand professeur de lettres étrangères finit en clochard alcoolique syphilistique, tel est le destin des gens qui ont fréquenté trop longtemps le monde du proxénétisme.



Si le final tente de sauver la "morale" (concept flou dans un milieu où la morale est un concept trop évolué pour faire sens), dans le monde réel ce genre d'histoires finissent de façon bien plus horrible, avec des dames en rondelles dans une baignoire d'acide pour leur apprendre à refiler la syphilis à toute la troupe.
Lien : http://marcelduconbd.blogspo..
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Professeur Unrat (L'Ange bleu)

Professor Unrat oder Das Ende einen Tyrannen

Traduction : Charles Wolff





Voici un roman zolien. Zolien mais non naturaliste : "Professeur Unrat", qui n'a pu échapper dans cette édition au sous-titre "L'Ange Bleu", tient plus de l'école réaliste, sans ces emportements de mots, ces vagues de descriptions quasi palpables qui caractérisent Zola et le rendent, d'ailleurs, inimitable. Avant de vous y plonger, préparez-vous aussi à faire le vide, cinéphiliquement parlant : car "Professeur Unrat" n'a pratiquement rien en commun avec "L'Ange Bleu" de von Sternberg.



S'il fallait absolument établir un lien cinématographique avec l'oeuvre d'Heinrich Mann, ce serait aux images sautillantes et inquiétantes du "Cabinet du Docteur Caligari" et, de façon générale, à l'atmosphère si difficile à décrire qui hante les grands films expressionnistes de la UFA - là où certains ont vu la prémonition de la tempête nationale-socialiste, prête à s'abattre sur le pays tout entier pour tenter de lui arracher son âme - qu'il conviendrait de se référer. Dès les premiers chapitres, l'errance d'Unrat, à la recherche de cette Lola Fröhlich qui, selon lui, a perverti ses élèves et complote d'en pervertir beaucoup d'autres, se déroule dans une ville dont les ténèbres et les lumières évoquent la cité hanséatique chère au Murnau de "Nosferatu" ou les fêtes foraines choisies par Paul Leni et Robert Wiene pour y faire évoluer leurs assassins.



Le film de Sternberg, lui, bien qu'inoubliable, n'appartient pas à cette famille. Le monde en décomposition qu'il restitue est celui du cinéaste, si fasciné par sa relation avec la Femme que c'est cette relation, et non celle de l'Unrat original, qu'il reproduit. La Lola-Lola interprétée par Marlène Dietrich, qui exhibe ses jambes et ses porte-jarretelles coquettement juchée sur un tonneau, est le prototype même de la garce sans grande imagination, qui domine l'homme parce que celui-ci, déjà faible par nature, aime en outre à se laisser dominer. De plus, les conventions de l'époque voulaient une fin morale et le retour d'Unrat-Emil Jannings dans son ancienne classe, sa façon un peu trop démonstrative de s'affaler, en larmes, sur son ancien bureau, n'est là que pour satisfaire le censeur et une certaine partie du public. Mais tout cela, il faut le répéter, n'a rien de commun avec le roman d'Heinrich Mann dont Sternberg n'a retenu que le nom du héros, probablement en raison du jeu de mots qu'il autorise en langue allemande.



Ce qui étonne certainement le plus dans la lecture de "Professeur Unrat", c'est que le personnage féminin central, baptisé Lola Fröhlich par son créateur, finit bel et bien par tomber amoureuse du professeur Raat - que l'on surnomme "Unrat"(= ordure) depuis si longtemps que personne ne sait plus très bien qui fut le premier à le faire. Pendant la seconde moitié du roman, Raat, que l'on a démis de ses fonctions professorales en raison de sa liaison, et Lola, devenue très officiellement son épouse, forment un couple aussi surprenant qu'impitoyable. En effet, la haine ressentie par l'ancien professeur envers à peu près toute la ville le conduit, après son union avec Lola, qu'il domine tant moralement que physiquement, à tenir table ouverte et à y attirer, grâce à la beauté de sa femme et sa science de se faire désirer sans jamais accorder grand chose en retour, tous les notables. Ceux-ci paient toutes les dépenses du couple et, le peu qui reste dans leurs poches, ils le perdent avec enthousiasme aux tables de jeu installées chez leurs hôtes.



L'enseignant proche du rat teigneux et trop souvent incontrôlable dans ses colères que Mann nous présentait dans les premières pages de son livre s'est transformé en un homme froid, calculateur, qui accepte désormais sans broncher qu'on l'appelle "Unrat" et ne vit plus que pour deux sentiments : sa passion pour Lola et la misanthropie obsessionnelle qui guide sa vengeance.



Subsiste cependant en lui un talon d'Achille qui finira par le perdre : la certitude - d'ailleurs infondée - que sa Lola est amoureuse depuis toujours de Lohmann, l'un des élèves dissipés par l'intermédiaire de qui il a rencontré la jeune femme. Les trouvant un jour en conversation dans son propre salon, alors que Lola avait promis de ne jamais recevoir le jeune homme, l'ancien professeur voit rouge et se précipite pour tuer sa femme. Ce qui n'empêchera pas celle-ci de le suivre dans le panier à salade qui les emporte peu après tous les deux vers la prison de la ville ... La fin est d'ailleurs ouverte et l'on peut s'imaginer que, après un bon sermon ou une brève condamnation, le couple infernal reprendra du service, ici ou ailleurs.



Irrésistiblement, cette description d'une passion si absolue qu'elle mène celui qui la ressent, pourtant homme cultivé et au caractère fort, à la déchéance sociale, puis à la prison et, dans le meilleur des cas, à la continuation d'une existence de couple plus ou moins vouée à un proxénétisme mondain, fait songer à Zola. C'est encore à Zola qu'on songe lorsque Mann oublie tout bonnement de nous expliquer ce que Lola, jeune et pleine de vie, peut bien trouver à son vieux professeur amateur de grec dans le texte. On est d'autant plus perplexe que, en ce qui concerne les sentiments des autres personnages, l'auteur se montre bien plus prolixe lorsqu'il s'agit de les expliciter.



En dehors de cela, le style se cantonne à un réalisme tranquille : ni peu, ni trop de descriptions, des phrases simples, un langage à la portée de tous. Oui, on est loin de la perversité alambiquée et somptueusement glauque de Sternberg et Dietrich, perversité qui ne recouvre en fait qu'une situation banale : un homme trop âgé, d'un certain milieu, déchoit par amour pour une garce de café-concert, beaucoup plus jeune que lui et qui ne voit en lui que son portefeuille.



Au cinéma, le clinquant, les paillettes et l'apparence, au roman la profondeur et le mystère des passions humaines. Lisez "Professeur Unrat" et découvrez qu'Heinrich Mann n'avait rien à envier à l'auteur de "La Montagne Magique." ;o)
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Professeur Unrat (L'Ange bleu)

Dans ce roman allemand du XX ème de Heinrich Mann nous suivons la vie et les aventures du Professeur Unrat. Ce roman est une critique de ce professeur qui est décrit comme une ordure, un tyran envers ses élèves. Ce roman parcours la déchéance de ce professeur suite à sa rencontre avec une chanteuse de bar qu'il idolâtra jusqu'à la fin.

J'ai beaucoup aimé ce roman qui critique une certaine bourgeoisie prête à tout pour l’ascension sociale, les personnages qui sont tous plus rocambolesques les uns que les autres. Que dire du personnage principal ? C'est une ordure mais j'ai eu de la peine pour lui.
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