Il se passe trop de choses sur le devant de la scène sans que nous sachions rien de ce qui se passe en coulisse.
C'est alors seulement que, tirant de son sac les deux éditions du JOURNAL, Katharina demanda si l'Etat - ce fut le terme qu'elle employa - ne pouvait rien faire pour la protéger de toute cette boue et lui rendre son honneur perdu.
Dans les vitrines des brocanteurs où traînait un bric-à-brac des plus hétéroclite, je trouvais enfin une des choses que je souhaitais voir au cours de mon voyage : une cabine d'ivrogne individuelle avec le rideau de cuir ; là, le buveur s'enferme lui-même (comme un cheval dans son box) pour être seul ; seul avec son whisky et sa douleur, sa foi et son incrédulité, il s'abîme dans les profondeurs du temps, dans le caisson étanche de la passivité, aussi longtemps que son argent le lui permet, jusqu'à ce qu'il soit forcé de réapparaître à la surface du temps, forcé d'aller travailler dans un endroit quelconque, de s'exténuer à ramer à contre-courant, agitation impuissante et insensée : chaque barque descend inexorablement les eaux sombres du Styx. p 20-21 (livre de poche)
Les témoignages de Günter Wallraff paraissent parfois aussi invraisemblables que la fiction littéraire d'Henrich Böll. En fait, l'œuvre d'imagination du romancier Prix Nobel de littérature est aussi proche de la réalité que les reportages du journaliste le plus connu de R.F.A. De L'Honneur perdu de Katharina Blum à son Rapport sur l'état d'esprit de la nation, Henrich Böll est allé de la presse à la police politique de notre temps; de ses œuvres de « journaliste indésirable » à son Rapport sur l'état d'esprit de la sécurité d'État, Günter Wallraff suit le même chemin. Leur sujet et leurs préoccupations sont les nôtres.
(p. 41, fin de l'Introduction de Gérard Soulier)
Au début de ce roman, le lecteur est averti par l’auteur par cette citation :
L’action et les personnages de ce récit sont imaginaires. Si certaines pratiques journalistiques décrites dans ces pages offrent des ressemblances avec celles du journal Bild, ces ressemblances ne sont ni intentionnelles ni fortuites mais tout bonnement inévitables.
Tout clown qui se met à boire dégringole plus vite encore qu'un couvreur saoûl de son toit.
"Le vrai philtre d'amour c'est le vin", marmonna-t-elle.
L'argent, c'était comme le "désir charnel", personne n'en parlait de façon précise, n'y pensait même de façon précise. Ou bien on le "sublimait" - comme un prêtre l'avait dit à Marie du désir charnel - ou bien on le tenait pour vulgaire en soi, mais sans y songer jamais en fonction de ce qu'il représentait dans l'immédiat : nourriture ou taxi, paquet de cigarettes ou chambre avec salle de bains.

Dans mon livre sont cachées beaucoup de choses qui font partie de l’histoire de la République fédérale ; lorsque j’ai commencé à l’écrire, cette république avait douze ans, lorsqu'il parut, elle avait quatorze ans et, depuis, elle a pris de l’âge, elle a aujourd'hui trente-six-ans. L’un des reproches les plus importants adressés à ce roman, c’est qu’on y voyait vivre ensemble deux personnes non mariées.
Quel est le jeune qui peut aujourd'hui comprendre de tels reproches, sans qu’on lui donne les explications nécessaires sur une certaine évolution qui s’est également produite dans le « milieu » catholique lorsque les porte-parole des associations n‘ont pas voulu aller aussi loin que Carl Muth ― c’était encore le cas il y a un peu plus de vingt ans ? Non, ce roman n’a pas cent ans, il n’en a que vingt-deux et voilà que déjà il est historique.
Vivre ensemble sans être mariés n’est pas seulement chose courante, c’est accepté dans les milieux catholiques comme dans ceux qui ne le sont pas, et pourtant « La Grimace » est un roman traitant du mariage, presque au sens biblique du terme : ce que Dieu a uni, l’homme ne doit pas le séparer. Cette interprétation, certes, est à nouveau « trop pieuse » pour Carl Amery. La prétention de l’Église ou de l’État, la plupart du temps des deux ensemble, selon laquelle ils ont le droit de définir ce qu’est un mariage est ici mise en cause. C’est tout. Il ne d’agit pas de propagande pour le « concubinat » ni pour la promiscuité, mais en revanche ― et je n’ai pas honte de l’écrire ― d’une sorte de chasteté qui a échappé à la plupart des protagonistes. Dans les familles catholiques aussi, on accepte depuis que l’on vive ensemble sans être mariés ― ce n’est pas toujours facile, mais on l’accepte. (Pages 192-193)
Les témoignages de deux groupes antagonistes ne se contredisent jamais sur les faits mais sur leur interprétation seulement.