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EAN : 9782901386001
384 pages
Gallimard (06/04/1982)
3.46/5   13 notes
Résumé :
Didier Hessling est un homme inculte, lâche, sans caractère ni personnalité et qui est nourri de tous les préjugés de son époque, mais aussi ambitieux, sans scrupule, envieux paranoïaque. Ainsi il avance dans la vie en dénonçant ses ennemis et en abattant ses concurrents sans jamais se retourner. Prêt à tout pour sa carrière et sa fortune il commet les pires traîtrises et accepte même n’importe quelles humiliations. En même temps il voue un culte profond à l’empire ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Il y a de quoi rester bouche bee devant la lucidite, la clairvoyance d'Heinrich Mann. Il ecrit ce livre avant la premiere guerre mondiale et le publie juste apres. Et cette satire ironique de l'ascension d'un bourgeois allemand tourne a la critique, mordante, non seulement de la bourgeoisie, mais d'une certaine humeur, une certaine attitude nationale, arrogante pour ne pas dire rogue, suffisante pour ne pas dire dedaigneuse. On peut y lire clairement l'etat d'esprit qui mena a la guerre, et certains y ont meme vu une des explications de la montee du nazisme.

Diederich Hessling (pourquoi avoir, dans la traduction que j'ai lu, francise son nom en Didier?) est le type parfait du cycliste (le symbole, l'image du cycliste en psychologie) : il pietine tout ce qui est sous lui et baisse la tete sous tout ce qui est au dessus de lui. Ayant herite d'une petite usine de papier, il maltraite ses ouvriers et les meprise (mais plie devant un representant syndicaliste). Il mesestime la gent feminine, y compris ses soeurs et sa femme. Il admire les militaires, adule les politiciens au pouvoir, et porte aux nues son empereur. Ah! L'empereur! L'ordre imperial! le privilege allemand! Voyant l'empereur "une ivresse plus haute et plus souveraine que l'ivresse de la biere le soulevait sur la pointe des pieds, le suspendait en l'air. [...] Sur ce cheval [...] c'etait la Force elle-meme, la force qui nous passe sur le corps et dont nous baisons les sabots; qui passe outre a la faim, a la revolte, a la haine; contre laquelle nous ne pouvons rien, parce que tous nous l'aimons, parce que nous l'avons dans le sang, comme nous y avons la soumission. Devant elle, nous sommes comme un atome d'elle, comme une molecule perissable de son crachat".

Assistant a un opera de Wagner "il voyait la toutes les exigences nationales satisfaites, aussi bien par le texte que par la musique. La revolte etait assimilee au crime, l'ordre etabli brillamment celebre, la noblesse et le droit divin avaient la premiere place, et le peuple pareil au choeur antique, eternellement etonne par les evenements, se battait de bon coeur contre les ennemis de ses maitres. La charpente guerriere et les fioritures mystiques, tout y etait en place". Par la meme occasion Hessling dira ce qu'il pense des gens comme Mann, ces ecrivains empecheurs de penser en rond: "Le plus haut de tous [les arts] est la musique, qui est proprement l'art allemand. Ensuite vient le drame [...] parce qu'on peut souvent le mettre en musique, et puis on n'a pas besoin de le lire, et puis etc. Apres vient naturellement la peinture de portraits, a cause des portraits de l'empereur. Le reste a moins d'importance. -- Et le roman? -- Ca n'est pas de l'art. Au moins, grace a Dieu, pas de l'art allemand. le nom seul l'indique".

Mais Hessling est en plus hypocrite, retors, menteur, ne reculant devant aucune vilenie, devant aucune bassesse pour s'elever, et en fin de compte complexe (accent aigu), peureux, pleutre et lache. Bref il a tout pour plaire, ce prototype du hideux.

Je reste admiratif devant le projet d'Heinrich Mann, sa denonciation des tendances de certains allemands. J'ai moins aime le style du livre, son ecriture, que j'ai trouve lourde, repetitive, presque indigeste (et qui a surement deteint sur ce billet). En definitive le projet aurait merite quatre etoiles, le livre que j'ai lu moins, bien que j'affirme qu'il est bon. I'm just a soul whose intentions are good. Oh Lord, please don't let me be misunderstood.

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Didier Hessling, quoique son nom évoque en allemand les épithètes de petit et laid, est un homme de conviction et d'une droiture morale implacable. Marqué par sa rencontre avec l'empereur Guillaume II au cours d'une immonde manifestion prolétarienne que le souverain dissolvera par sa simple présence et sa divine aura, il vouera sa vie entière à la cause nationale et à un soutien sans faille de la volonté impériale.

En aucun cas, il ne cédera à la facilité des modes éphémères comme celles propagées par les libres-penseurs dont les idéaux se résument bien souvent à la défense des intérêts particuliers d'un patriarcat obsolète ou à celles prônées par la fange obscène des sociaux-démocates qui ne rêvent que de la mort de la nation dans une orgie sanguinaire. "Être allemand signifie être factuel" et les faits parlent pour l'Empereur: seul son parti a un avenir compatible avec la modernité de notre temps. Maîtrisant à merveille l'ambiguïté du crime de lèse-majesté, il abattera ses opposants politiques et commerciaux en dévoilant au grand jour et devant la justice leur faiblesse morale et parjure.

Mais Hessling n'est pas seulement franc et droit au niveau politique. Non, dans sa vie privée il n'hésitera jamais devant l'application de ses principes. Ainsi dira-t-il à son épouse Guste qu'à la naissance de son ainé, le médecin accoucheur serait venu à lui. Il lui aurait déclaré que Guste perdait beaucoup de sang et qu'il faudrait peut-être choisir entre la mère et l'enfant. C'est avec beaucoup d'abnégation et de sens du devoir que Hessling répondit à l'opérateur que la naissance d'un héritier avait priorité face à la vie d'une mère de famille. Ne devons-nous pas à notre bien-aimé empereur une armée de jeunes hommes bien-portants? Devrions-nous pour cela sacrifier un membre du sexe faible? le lecteur se demandera peut-être s'il n'y a pas quelque contradiction puisque Hessling lui-même a dû écourter son sevice miltitaire pour une blessure que le médecin qualifia de fort légère. Passons. Chacun a ses péchers de jeunesse, même le Docteur et Président-Général Hessling, médaillé de l'Ordre de Guillaume et de la Couronne (4e classe).

Le Sujet de l'empereur est un livre glacant, une dénonciation implacable d'une certaine mentalité allemande à l'aube de la première guerre mondiale. Heinrich Mann signe un pamphlet prophétique, un grand classique de la littérature! Un bijou de cynisme.
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En partenariat avec l'Institut Heinrich Mann.
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