Extrait de La più bella serata della mia vita, Ettore Scola, 1972 adapté de La Panne de Friedrich Dürrenmatt.
LE PASTEUR : L'enfer est en vous-même. Vous êtes plus âgé que moi et vous croyez connaître les hommes ; mais on ne connaît jamais que son propre cœur. Vous avez trahi une jeune fille par amour de l'argent ; vous en concluez naturellement que les hommes sont prêts à vous trahir aussi pour de l'argent. La raison de nos craintes est en nous, dans notre cœur, dans nos pêchés. Si vous admettez cette vérité, vous aurez la seule arme efficace pour vaincre votre tourment.
Acte II.
CLAIRE ZAHANASSIAN : La charité, Messieurs ? Les millionnaires peuvent se l'offrir. Avec ma puissance financière, on s'offre un ordre nouveau à l'échelle mondiale. Le monde a fait de moi une putain ; je veux faire du monde un bordel. Si on tient à entrer dans la danse et si on n'a pas de quoi casquer, il faut y passer. Et vous avez voulu entrer dans la danse. Les gens convenables sont ceux qui paient.
Acte III.
Chaque prisonnier prouve sa liberté en étant son propre gardien
Plus les hommes agissent de façon planifiée, plus le hasard est à même de les frapper efficacement.
CLAIRE ZAHANASSIAN : J'aime les hommes en maillot et culotte courte ; ils ont l'air si naturel.
Acte I.
Celui qui est confronté au paradoxe s'expose à la réalité.
Opter pour la folie en guise de méthode, c’est peut-être assez héroïque et c’est certainement très courageux, je l’admets volontiers, puisque tous les excès ont quelque chose d’impressionnant de nos jours ; mais si jamais cette méthode manque son but, si elle ne vous conduit pas au résultat visé, alors, je le crains fort, il ne vous restera que la folie elle-même !
- Vous ne pouviez pas trouver sonnette : il n'y en a pas. À quoi servirait-elle, puisque la porte n'est jamais fermée à clef.
- Comment? Même quand vous êtes dehors?
- Oui, même quand je suis sorti. Il est toujours intéressant, en rentrant chez soi, de se demander si l'on vous a volé quelque chose ou non. Vous ne croyez pas?
[…] Je professe l’opinion que c’est un devoir qui incombe à chacun, dans notre pays d’ordre et de propreté, de se ménager quelque part, de constituer par principe de petits îlots de désordre, quand bien même ce ne serait qu’en cachette.

L'ADJUDANT : Mon cher Ill, cette affaire n'est pas si simple. Examinons le cas posément. La dame a fait à la ville de Güllen la proposition de donner cent milliards en échange de - vous savez ce que je veux dire. C'est exact ; j'y étais. Mais ce n'est pas un prétexte suffisant pour que la police agisse et s'en prenne à Madame Zahanasian. La loi est formelle.
ILL : Il y a provocation au meurtre.
L'ADJUDANT : Attention, Ill, attention. Il n'y aurait provocation au meurtre, que si le projet de vous faire assassiner avait été pensé sérieusement. C'est clair ?
ILL : Il me semble.
L'ADJUDANT : Eh bien ? Il est impossible de prendre l'offre de la dame au sérieux ; parce que le prix de cent milliards est exagéré, vous êtes obligé d'en convenir. Pour une chose semblable, on offre cent mille ou deux cent mille, mais certainement pas davantage, croyez-moi. Cela prouve une fois de plus que tout ceci n'est pas sérieux. Et même si ça l'était, alors ce serait la dame que la police ne devrait plus prendre au sérieux, car il serait prouvé qu'elle est folle. Compris ?
ILL : Folle ou pas folle, son offre reste une menace pour ma vie. C'est pourtant logique.
L'ADJUDANT : Pas du tout. Vous ne pouvez pas être menacé par un projet, mais seulement par la mise en oeuvre de ce projet.