Citations de Henri-Frédéric Blanc (52)
Dedans et dehors…
Je reste dedans
quand la réalité me montre les dents
et je sors
quand ma tête me mord.
« Là, rayon littérature allégée : 0 % de matière grise, 0 % d’idées, 0 % d’esprit critique : des best-sellers dorés, brillants comme des boîtes de chocolats. Robinets de mots pour passer le temps, détendre le cerveau, aider les vieilles dames à digérer, entre la compote biologique et la tasse de tilleul. Piles babéliennes de merdo-littérature. Montagnes de non-livres se dressant avec majesté dans les plaines de la Bêtise. » (p. 34)
Adieu aux vaches
Les vaches sont parties. Le champ
est tout triste au soleil couchant.
Le cœur lourd, je marche
dans les prés sans vaches.
Pour ne pas broyer du vert,
je veux dire du noir, je rumine des vers.
Eloge de la marche
Les idées noires viennent
par les oreilles
et s’en vont par les pieds.
Lourde est mon âme
Lourde est mon âme
comme un hippopotame.
Pour n’être qu’un furet
folâtrant dans les prés,
quel est donc le secret ?
Solitude du penseur
C’est bien beau d’avoir l’esprit sans défaut
mais, comme le pensait Daniel Defoë,
toutes les vérités ne valent pas
sur une plage une trace de pas.
Il y a tant d’années que j’essaie d’oublier ces jours sans nom ! j’essaie d’oublier le toc-toc obstiné des sapes sous nos pieds, j’essaie d’oublier les grenadiers d’assaut boches avec leurs chalumeaux oxhydriques, j’essaie d’oublier les 420 déboulant de la haute atmosphère, des obus d’une demi-tonne qui vous écrabouillaient des régimes entiers, j’essaie d’oublier les yeux hagards des copains sous le verre des masques à gaz, j’essaie d’oublier les chevaux qui devenaient fous, j’essaie d’oublier les défigurés qui cherchaient leurs visages avec leur doigts crasseux, qui ne trouvaient plus leurs oreilles, ni leur nez, ni leur leur menton, et qui ne criaient pas parce qu’ils n’avaient plus de bouche, j’essaie d’oublier les corps aplatis comme des crêpes, j’essaie d’oublier les wagons à bestiaux dans lesquels on entassait les morts debout pour qu’ils prennent moins de place, j’essaie d’oublier les rats noyés dans la soupe, j’essaie d’oublier le visage des enterrés vivants, j’essaie d’oublier les cris des blessés dans la nuit…
Le champ fraîchement labouré ressemble à un gâteau au chocolat.
Le chat se roule et se roule dans la tendresse de la terre- jusqu'à l'ivresse.
L’Essentiel
Le trésor de mon âme
je l’ai trouvé dehors
mais le cœur de toute chose
se trouve dans mon cœur.
Place Notre-Dame-Du-Mont
Il y a un grand mystère
au fond de l’ordinaire
et comme une saveur d’éternité
dans la tiédeur de la banalité.
Comme la platitude ouvre toutes les portes, j'ai essayé d'écrire
avec un fer à repasser, mais j'ai mis le feu à mon cahier.
[...] plutôt que de courir après une carotte qu'on n'attrapera que pourrie (ou la carotte sera encore bonne mais on n'aura plus de dents), le mieux est de glisser sur une peau de banane et de tomber dans les bras de l'inespéré. Se livrer aux caprices du hasard, en quelque sorte. Le hasard est bananoïde.
La pluie
La pluie qui tombe a je ne sais quoi d’ancien,
cette eau vieille me serre le cœur et me fait du bien,
elle a comme un arrière-goût d’ennui,
mais d’un ennui dont j’ai la nostalgie…
Voilà, j’y suis :
elle me rappelle les longs après-midi
passés, quand j’avais quinze ans, à regarder la pluie.
Ignores-tu, o pourvoyeur de sorbets, que les dieux parlent n'importe quand par la bouche de n'importe qui ? N'es-tu pas n'importe qui ? Ne sommes-nous pas n'importe quand ? Parle donc sans crainte de dire n'importe quoi.
On aurait dit qu'ils voulaient tous nous faire croire qu'on n'existait pas. Une manière très délicate de nous anéantir. A Marseille on nous rejetait méchamment, ici on nous ignorait poliment, c'était plus perfectionné.
Comment lui, si prudent, si futé, si prompt à déjouer les manoeuvres sournoises des autres, lui dont l'intelligence et l'imagination créatrice étaient réputées dans tout le milieu publicitaire parisien, lui qui possèdait le don de flairer les bons coups avant ses concurrents et d'agir plus vite qu'eux, comment avait-il pu se faire pièger aussi bêtement ?
Si tu vois un hippopotame jouer de l’accordéon…
Si tu vois un hippopotame jouer de l’accordéon,
ce n’est pas un hippopotame
ou ce n’est pas un accordéon.
Tu vois, papa, c'est pas compliqué, quand tu as un gros blême qui te tracasse, tu lui mets une hélice dans le derrière et tu lui fais manger des haricots qui font péter et le gros blême il décolle et il tombe dans la lune, c'est pour çà que la lune elle est pleine de trous, c'est tous les gros blêmes qui se sont écrasés dessus à cause des haricots péteurs...
Le sommeil est comme un second appartement que nous aurions et où, délaissant le nôtre, nous serions allés dormir.
Les bêtes et nous, on est du même bord, a dit Chalouf. Elles, ont les met en cage sans preuves, ni procès, nous on nous transforme en carburant pour les pompes à fric. On est pareils qu'elles, on n'est rien, et c'est bien mieux pour voir le fond des choses. Les gens qui ont tout, y a tout qui leur échappe. Mais ceux qui souffrent, des fois ils arrivent à s'approcher d'un grand mystère..