Sur la conjecture de Poincaré
Douter de tout ou tout croire, ce sont les deux solutions également commodes qui l'une et l'autre nous dispensent de réfléchir.
La pensée ne doit jamais se soumettre, ni à un dogme, ni à un parti, ni à une passion, ni à un intérêt, ni à une idée préconçue, ni à quoi que ce soit, si ce n'est aux faits eux-mêmes. Pour elle, se soumettre, ce serait cesser d'exister.
La mathématique est l'art de donner le même nom à des choses différentes.
La vie n'est qu'un court épisode entre deux éternités de mort et dans cet épisode même la pensée n'est qu'un éclair au milieu d'une longue nuit mais c'est cet éclair qui est tout.
On vous a sans doute souvent demandé à quoi servent les mathématiques [...]. Parmi les personnes qui font cette question, je dois faire une distinction; les gens pratiques réclament de nous le moyen de gagner de l'argent. Ceux-là ne méritent pas qu'on leur réponde; c'est à eux plutôt qu'il conviendrait de demander à quoi bon accumuler tant de richesses et si, pour avoir le temps de les acquérir, il faut négliger l'art et la science qui seuls nous font des âmes capables d'en jouir.
(p.137-138)
Le savant doit ordonner : on fait la science avec des faits comme une maison avec des pierres. Mais une accumulation de faits n’est pas plus une science qu’un tas de pierres n’est une maison.
« Si c’est par la logique qu’on démontre, c’est par l’intuition qu’on invente »
Comprendre la démonstration d'un théorème, est-ce examiner successivement chacun des syllogismes dont elle se compose et constater qu'il est correct, conforme aux règles du jeu?...Oui, pour quelques-uns; quand ils auront fait cette constatation, ils diront: j'ai compris.
Non, pour le plus grand nombre. Presque tous sont beaucoup plus exigeants, ils veulent savoir non seulement si tous les syllogismes d'une démonstration sont corrects, mais pourquoi ils s'enchaînent dans tel ordre plutôt que tel autre. Tant qu'ils leur semblent engendrés par le caprice et non par une intelligence constamment consciente des buts à atteindre, ils ne croient pas avoir compris.
Sans doute, ils ne se rendent pas bien compte eux-mêmes de ce qu'ils réclament et ils ne sauraient formuler leur désir, mais s'ils n'ont pas satisfaction, ils sentent vaguement que quelque chose leur manque.
Le mathématicien pur qui oublierait l'existence du monde extérieur, serait semblable à un peintre qui saurait harmonieusement combiner les couleurs et les formes, mais à qui les modèles feraient défaut. Sa puissance créatrice serait bientôt tarie.
La liberté est pour la Science ce que l'air est pour l'animal.