Citations de Henri Troyat (1088)
Ce sandwich vous parait succulent. Mais, si vous l’aviez coupé, beurré, garni vous-même, peut-être n’auriez-vous pas envie de le manger ? Il en est de même pour le bonheur. C’est quand on le prépare qu’on a le moins d’appétit pour le goûter.
La solitude permet de croire au génie. C’est la présence des étrangers qui nous adapte à leurs pauvres mesures.
L’instinct est sublimé par une attraction merveilleuse. L’homme et la femme échappent à la domination de leur chair, sans rien sacrifier de leur richesse sensitive.
L’accouplement n’était pas cette danse élastique, huilée et morne, contre un corps dont tout notre esprit nous sépare. On n’aime pas comme on se nourrit, comme on boit, comme on dort, mais dans une communion qui transfigure les plus sales besoins. Entre deux êtres d’élite, se crée, certainement, une harmonie mystérieuse des appétits animaux et des plus hautes aspirations du cœur.
Quelle tristesse dans ce troc lamentable des corps et des intérêts ! Quelle humiliation dans ces mines amoureuses autour d’une manœuvre dont l’amour était assurément exclu !
Un aveugle, on l’aide à traverser les rues ! Pourquoi n’aiderait-on pas celui que la passion frappe d’une cécité aussi totale que l’autre ?
Un riche est peureux, par réflexion. Un pauvre est courageux, par nécessité.
L’Histoire ne se trompe pas. L’Histoire n’a pas de scrupules.
Notre patrie, c’est notre ventre ! Quiconque a le ventre troué n’a plus de patrie ! Conservons notre patrie, conservons notre ventre !
On n’est aimable à Dieu que dans l’abus des chances qu’il vous a consenties.
Tout ce qui est sombre, laid, mystérieux en l’homme se libère de la pesanteur et monte vers la clarté du jour.
Pour mener à bien la tâche énorme que nous avons entreprise, il faut que nous coupions net les tendres liens qui nous attachent au passé.
Toute fin est destinée à se transformer en moyen. Entre le moyen et la fin existe une échelle dont les derniers échelons se perdent dans l’infini.
On ne paierait jamais assez cher le bonheur de tout un pays. Les cadavres n’avaient pas d’odeur. Il fallait accepter que les soubassements de la société nouvelle fussent pétris de boue et de sang.
Oublier la morale chrétienne, selon laquelle chaque individu est sacré, pour adhérer à la morale révolutionnaire, selon laquelle l’individu n’est rien et doit être sacrifié à la communauté si les besoins historiques l’exigent.
Peu importait que les maximalistes fussent les vrais responsables de l’anarchie affreuse dont se mourait le pays. Les faits étaient là. Il n’était plus question de chercher les coupables, mais de sauver la victime.
Certains hommages n'ont de valeur, que s'ils émanent d'un égal dans la hiérarchie des talents.