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Citations de Henri de Régnier (268)


MÉDAILLES MARINES


APPARITION

Le galop de la houle écume à l’horizon.
Regarde. La voici qui vient. Les vagues sont
Farouches et le vent dur qui les fouette rue
Leur troupe furieuse et leur foule bourrue.
Regarde. Celle-ci s’abat et vois cette autre
Derrière elle qui, fourbe et hargneuse et plus haute,
Lui passe sur la croupe et la franchit d’un bond
Et se brise à son tour tandis qu’un éperon,
Invisible aux deux flancs de celle qui la suit,
La dresse hennissante et l’effondre en un bruit
De vent qui s’époumone et d’eau qui bave et fume.
O poitrails de tempête et crinières d’écume !
J’ai regardé longtemps debout au vent amer
Cette course sans fin des chevaux de la mer
Et j’attends que l’un d’eux hors de l’onde mouvante
Sorte et, soudain ouvrant ses ailes ruisselantes,
M’offre, pour que du poing je le saisisse aux crins,
L’écumeux cabrement du Pégase marin.

p.114
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MÉDAILLES MARINES


LE PASSAGER

Laisse la porte ouverte à tous, qu’un autre tente
De rallumer à l’âtre où le feu s’est éteint
La broussaille épineuse et la pomme de pin ;
Leur cendre fut jadis une flamme vivante.

Tu as passé le seuil que fuit ta vie errante ;
Ne te retourne pas vers le passé ; ta main,
De ta lampe penchée, éclairerait en vain
L’obscur sommeil qui clôt sa face sans attente.

Les larmes de l’amour ont pleuré l’heure morte ;
Emporte seulement sous ton manteau, emporte
Le grand coq familier qui réveillait vos yeux ;

Respire. L’air salin a gonflé ta poitrine !
Et son chant saluera demain sous d’autres cieux
La matinale mer et l’aurore marine.

p.100
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MÉDAILLES VOTIVES


DÉDICACE

Tu poursuis, en chantant, dans la glaise et l’argile,
Pour lui rendre à jamais la forme où tu le vois
Qui rôde en ta pensée et s’esquive à ta voix,
Un fantôme furtif qui fuit ton pouce agile.

La figure s’ébauche indécise et fragile,
Dans la terre féconde où la cherchent tes doigts,
Car encore secret et visible parfois
Le sourire est déjà dans la matière vile.

Parfois une déesse éclôt de tes mains fraîches…
Puis tu fouilles le sol du tranchant de ta bêche
Jusqu’à ce que l’airain ait rencontré l’airain,

Et la glèbe, souvent, que ton labeur entaille
Te livre, intact au bronze ou fruste en la médaille,
Quelque dieu toujours jeune et longtemps souterrain.

p.19
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LES PASSANTS DU PASSÉ


LA PENDULE DE PORCELAINE

Le jardin rit au fleuve et le fleuve soupire
Du regret éternel de sa rive qu’il fuit,
La glycine retombe et se penche vers lui,
Le lilas s’y reflète et le jasmin s’y mire.

Le liseron s’élance et le lierre s’étire ;
Un bouton qui germait est corolle aujourd’hui ;
L’héliotrope embaume l’ombre et chaque nuit
Entr’ouvre un lys de plus pour l’aube qui l’admire ;

Et dans la maison claire en ses tapisseries,
Une pendule de porcelaine fleurie
Contourne sa rocaille où l’Amour s’enguirlande,

Et tout le frais bouquet dont le jardin s’honore
Survit dans le vieux Saxe où le Temps pour offrande
Greffe la fleur d’argent de son timbre sonore.

p.245
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J’ai conduit le cheval à travers les marais,
Dit-il ; l’automne avec les feuilles des forêts
Avait jonché la route et comblé les fontaines ;
Les durs sabots craquaient sur la coque des faînes,
Et je tenais la bride en marchant près de lui,
Et je ne voyais plus les arbres dans la nuit,
Et la route était longue à travers le bois noir.
Je tremblais d’être entré par les portes du soir
Et j’errais, anxieux du gîte et de l’issue,
Mais, peu à peu, j’ai vu blanchir mes deux mains nues
Et le cheval ailé, peu à peu, devint clair
Comme si se faisait l’aurore dans sa chair ;
La source jaillissait sous son sabot divin ;
Son envergure éblouissait tout le matin,
Prodigieuse avec la forme d’une lyre.
Une clarté sortait de lui comme un sourire
Et, toute la forêt sachant que c’était lui,
Les antres refermaient leurs gueules sur la Nuit.
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Le Bassin vert

Son bronze qui fut chair l’érige en l’eau verdie,
Déesse d’autrefois triste d’être statue ;

La mousse peu à peu couvre l’épaule nue,
Et l’urne qui se tait pèse à la main roidie ;

L’onde qui s’engourdit mire avec perfidie

L’ombre que toute chose en elle est devenue,
Et son miroir fluide où s’allonge une nue
Imite inversement un ciel qu’il parodie.

Le gazon toujours vert ressemble au bassin glauque.
C’est le même carré de verdure équivoque

Dont le marbre ou le buis encadrent l’herbe ou l’eau.

Et dans l’eau smaragdine et l’herbe d’émeraude,
Regarde, tour à tour, errer en ors rivaux
La jaune feuille morte et le cyprin qui rôde.
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Toutes les idées de Mme la baronne de Vitry avaient cette qualité de justesse et d'exactitude. C'était le caractère et la nature même de son esprit de porter ainsi à faux avec une sûreté et une régularité incroyables. Une sorte de vue à l'envers lui faisait immanquablement dire d'une blonde qu'elle était brune. Elle voyait grands les petits et gros les maigres, et rien ne l'eût fait démordre de ce qu'elle s'était une fois imaginé. Si elle constatait une ressemblance entre deux personnes, qui n'en avaient point entre elles, elle ne cessait de vouloir imposer aux autres cette certitude illusoire dont elle prétendait faire profiter, comme d'un don particulier de sa clairvoyance. Elle jugeait les choses et les gens avec une infaillibilité à rebours des plus curieuses. Cette faculté de tout fausser aurait pu avoir d'étranges conséquences dans la conduite de sa vie, mais la sienne était établie de façon à aller, pour ainsi dire, toute seule. Les personnes de la naissance ou du monde de Mme de Vitry n'éprouvent pas trop d'inconvénients à être ridicules ; elles y gagnent, au contraire, une sorte de distinction qu'elles n'auraient peut-être pas autrement.
Mme la baronne de Vitry, à ce compte, faisait figure. Voici en passant quelques traits de la sienne. Mme de Vitry, par exemple, ne manquait pas d'accorder son estime à ceux qui ne la méritaient point et d'accabler de son mépris ceux qui ne le méritaient pas davantage. Elle appliquait cette méthode, autour d'elle et de haut en bas, à ses parents, à ses amis, à ses connaissances et à ses serviteurs. Elle soupçonnait les plus honnêtes pour se confier aveuglément aux pires. Aussi finissait-elle par trouver le monde mauvais et méchant. Il n'en pouvait guère être autrement, car ceux de qui elle attendait du bien étaient incapables de lui en faire et ceux de qui elle attendait du mal finissaient par lui en avoir fait sans s'en douter, puisque, de parti pris, elle tournait contre elle tout ce qui venait d'eux.
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