Citations de Henri de Régnier (268)
Il y a dans toute femme une cruauté involontaire. La plus douce, la plus pitoyable, la meilleure est femme malgré elle.
Quand la tendresse se mêle au désir, l'amour a presque la douceur de l'amitié.
Dans un roman, ce qui est intéressant, ce sont les personnages, les caractères, les sentiments : le sujet, les situations servent à les mettre en valeur. Dans un conte, au contraire, les personnages sont subordonnés à l'histoire. Ils n'en sont que le prétexte.
Il y a des gens fidèles dans leur infidélité, fidèles à eux-mêmes, à leur égoïsme. Ils changent de femme, mais ne changent pas d'amour.
L'héroïsme est une vertu de jeune homme ; le stoïcisme, une vertu de vieillard.
L'ambition est à la persévérance ce que le sentiment du mérite est à la vanité. L'ambitieux a besoin des autres, tandis que le persévérant n'a besoin que de lui-même.
Il y a un mauvais moment dans la vie, c'est celui où l'on n'est plus jeune et où l'on regrette ce qu'on a perdu, et où l'on n'est pas assez vieux pour être content de ce qui vous reste.
Le verbe est le mouvement de la phrase ; le substantif, sa force ; l'adjectif, sa couleur.
Il y a deux façons de savoir si on aime les gens : les voir tous les jours ou les revoir après de longs jours. L'un et l'autre peuvent être insupportables, si on ne les aime pas.
On ne peut pas être l'ami d'une femme dont on n'aurait pas voulu être l'amant. Il faut l'avoir désirée une minute soit réellement, soit imaginativement, en ce qu'elle est ou en ce qu'elle a été. Il faut l'avoir désirée dans son passé.
Quand on a de l'amour pour une femme, on est jaloux de ses amitiés ; quand on a pour elle de l'amitié, jaloux de ses amours.
Outre la vie de chacun, la vie apparente et réglée, il semble que les êtres aient des occupations secrètes et saugrenues. Il y a chez l'homme le plus uni des coins de manie, des besognes scrupuleuses et singulières, des goûts, qui sont, au-delà de l'apparence d'ordre ou de sagesse, des espèces de gnomes intérieurs, des folies accroupies.
Il vaut mieux une femme qu'on aime encore et qu'on n'a plus qu'une femme qu'on n'aime plus et qu'on a encore, car a-t-on jamais une femme qu'on a encore et qu'on aime encore ?
Il y a un moment dans l'amour où les femmes qu'on a commencent à s'occuper de celles qu'on a eues et où on peut commencer aussi à prévoir les hommes qu'elles auront.
À trop s'occuper de ce que l'on est, on interrompt ce que l'on pourrait être.
Il y a toujours quelqu'un qui voudrait nous couronner la tête et d'autres, nous la raser. Et tous les deux finissent par s'entendre pour nous couper le cou.
Quand on lit beaucoup, on aime les gens qui écrivent ; quand on écrit, on n'aime plus guère que les gens qui lisent.
Ne pas donner aux pauvres, car cela leur donne le goût de l'argent et ne peut qu'augmenter leur désir d'en avoir au point qu'ils soient amenés à le prendre.
Il faut donner aux pauvres pour les encourager à demander au lieu de prendre, dernier parti qui ne serait, en somme, que naturel.
Non seulement on ne devrait pas s'offenser de la plaisanterie, mais encore il faudrait en rire le premier, car, le plus souvent, elle n'attaque que les défauts du corps et les travers de l'esprit. Jamais, donc, elle ne juge l'âme, qui est la seule chose dont nous soyons autorisés à nous préoccuper.