INTRODUCTION :
« [
] Prokosch (1906-1989) est un errant lucide. Il se refuse à être enchaîné par les lieux et par le temps. Il n'est pas gorgé de l'inévitable nostalgie des chercheurs d'infini. Il ne dédaigne pas les vignettes qui laissent à penser qu'une terrible beauté est en train de naître.
[
]
Si Prokosch pense que le monde a l'air de stagner, paradoxalement, il pense surtout (comme le magnifique Henri de Régnier[1864-1936]) que vivre avilit. Que le désir du beau, si cher à l'homme, fond comme neige au soleil à mesure que le temps passe. Alors, écrit-il, « le désir du beau devient une effrayante parodie, une espèce de rituel obscène, et finit par gâter précisément ce qui en nous est le plus proche de l'éternel. »
CHAPITRES :
0:00 - Titre
0:06 - Chant
1:07 - Ulysse brûlé par le soleil
3:22 - le boulevard
5:35 - Ode (V)
7:06 - Générique
RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE :
Frederic Prokosch, Ulysse brûlé par le soleil, traduit et présenté par Michel Bulteau, Paris, Orphée/La Différence, 2012.
IMAGE D'ILLUSTRATION :
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BANDE SONORE ORIGINALE : le Chaos Entre 2 Chaises - Avant la Chute
Avant la Chute by Le Chaos Entre 2 Chaises is licensed under an Attribution 4.0 International License.
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#FredericProkosch #UlysseBrûléParLeSoleil #PoésieAméricaine
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Un petit roseau m’a suffi
Pour faire frémir l’herbe haute
Et tout le pré
Et les doux saules
Et le ruisseau qui chante aussi ;
Un petit roseau m’a suffi
À faire chanter la forêt.
Ceux qui passent l’ont entendu
Au fond du soir, en leurs pensées,
Dans le silence et dans le vent,
Clair ou perdu,
Proche ou lointain…
(Odelette)
LE JARDIN MOUILLÉ
La croisée est ouverte, il pleut
Comme minutieusement,
A petit bruit et peu à peu
Sur le jardin frais et dormant.
Feuille à feuille, la pluie éveille
L'arbre poudreux qu'elle verdit ;
Au mur, on dirait que la treille
S'étire d'un geste engourdi.
L'herbe frémit, le gravier tiède
Crépite et l'on croirait là-bas,
Entendre sur le sable et l'herbe
Comme d'imperceptibles pas.
Le jardin chuchote et tressaille,
Furtif et confidentiel ;
L'averse semble, maille à maille,
Tisser la terre avec le ciel.
Soir d'automne
Il est doux, ô mes yeux, lorsque le vent d'automne
Cesse de s'acharner à l'arbre dont frissonne
Le spectre dépouillé qui craque et tremble encor,
De voir, dans l'air muet, où son vol se balance,
Tomber en tournoyant à travers le silence,
Une dernière feuille d'or.
Quand au jour éclatant qui se voile succède
Le crépuscule lent, humide, mol et tiède,
Qui fait perler la mousse au dos des bancs velus,
Il est doux, au jardin mystérieux, d'entendre
Résonner dans le soir le rire obscur et tendre
Des visages qu'on ne voit plus.
SEPTEMBRE
Septembre, Septembre,
Cueilleur de fruits, teilleur de chanvre,
Aux clairs matins, aux soirs de sang,
Tu m'apparais
Debout et beau
Sur l'or des feuilles de la forêt,
Au bord de l'eau.
En ta robe de brume et de soie,
Avec ta chevelure qui rougeoie,
D'or, de cuivre, de sang et d'ambre
Septembre,
Avec l'outre de peau obèse
Qui charge tes épaules et pèse
Et suinte à ses coutures vermeilles
Où viennent bourdonner les dernières abeilles.
Septembre,
Le vin nouveau fermente et mousse de la tonne
Aux cruches ;
La cave embaume, le grenier ploie ;
La gerbe de l'été cède au cep de l'automne ;
La meule luit des olives qu'elle broie.
Toi, Seigneur des pressoirs, des meules et des ruches,
O Septembre ! chanté de toutes les fontaines,
Ecoute la voix du poème.
Le soir est froid,
L'ombre s'allonge de la forêt
Et le soleil descend derrière les grands chênes.
SI J'AI PARLÉ DE MON AMOUR...
Si j'ai parlé
De mon amour, c'est à l'eau lente
Qui m'écoute quand je me penche
Sur elle ; si j'ai parlé
De mon amour, c'est au vent
Qui rit et chuchote entre les branches ;
Si j'ai parlé de mon amour, c'est à l'oiseau
Qui passe et chante
Avec le vent ;
Si j'ai parlé
C'est à l'écho.
Si j'ai aimé de grand amour,
Triste ou joyeux,
Ce sont tes yeux ;
Si j'ai aimé de grand amour,
Ce fut ta bouche grave et douce,
Ce fut ta bouche
Si j'ai aimé de grand amour,
Ce furent ta chair tiède et tes mains fraîches,
Et c'est ton ombre que je cherche.
Je vous ai si souvent regardée au visage
Que j’en ai désiré votre corps tout entier.
Et maintenant mes yeux conservent une image
Que mon cœur désormais ne peut plus oublier.
Que m’importe à présent si vos mains trop rapides
Couvrent votre beauté de longs voiles jaloux !
C’est en vain qu’à vos pieds tombent leurs plis rigides
Puisqu’ils ne sont plus là lorsque je pense à vous.
Le jour peut s’achever, et la nuit ténébreuse
Peut nous confondre toute à son obscurité,
N’êtes vous pas debout dans son ombre amoureuse
En un rêve pareil a votre nudité !
Et si vous détournez du mien votre visage,
Si, loin de moi, s’en va votre pas orgueilleux,
Est il rien qui pourra dénouer l’esclavage
Que vous fait ma captive et vous lie à mes yeux.
"La captive"
VŒU
Je voudrais pour tes yeux la plaine
Et un forêt verte et rousse,
Lointaine
Et douce
A l’horizon sous un ciel clair,
Ou des collines aux belles lignes
Flexibles et lentes et vaporeuses
Et qui sembleraient fondre en la douceur de l’air,
Ou des collines
Ou la forêt …
Je voudrais
Que tu entendes
Forte, vaste, profonde et tendre,
La grande voix sourde de la mer
Qui se lamente comme l'amour ;
Et par instant tout près de toi,
Dans l’intervalle,
Que tu entendes,
Tout près de toi,
Une colombe dans le silence,
Et faible et douce,
Comme l’amour,
Un peu dans l’ombre,
Que tu entendes
Sourdre une source.
Je voudrais des fleurs pour tes mains,
Et pour tes pas
Un petit sentier d’herbe et de sable,
Qui monte un peu et qui descende
Et tourne et semble
S’en aller au fond du silence,
Un tout petit sentier de sable
Ou marqueraient un peu tes pas,
Nos pas
Ensemble !
SUR LA GRÈVE
Couche-toi sur la grève et prends en tes deux mains,
Pour le laisser couler ensuite, grain par grain,
De ce beau sable blond que le soleil fait d’or ;
Puis, avant de fermer les yeux, contemple encor
La mer harmonieuse et le ciel transparent ;
Et, quand tu sentiras, peu à peu, doucement,
Que rien ne pèse plus à tes mains plus légères,
Avant que de nouveau tu rouvres tes paupières,
Songe que notre vie à nous emprunte et mêle
Son sable fugitif à la grève éternelle.
Une femme est capable de bien des choses pourvu qu'elle se les puisse justifier à elle-même et, pour cela, une femme a, dans l'esprit, des ressources infinies.
" Donc "
Nous sommes allés à l’île de San Lazaro, chez les Arméniens. C’était une de ces belles et pures journées de l’automne vénitien où l’air est saturé de bonheur et de mélancolie. De loin, les murs de brique du vieux couvent ressemblaient à un ancien brocart couleur de rose, sur lequel se détachait le sombre velours des cyprès. On eût dit le motif de quelque étoffe orientale ou le dessin de quelque tapis persan. Dans le jardin du cloître, un cèdre étendait ses branches et, au tronc velu d’un palmier, grimpait un volubilis dont le fleur était du bleu le plus charmant, le plus tendre, le plus pur que j’eusse jamais vu. Quand nous avons eu admiré, dans la galerie du couvent, une momie venue d’Egypte et la signature de lord Byron, nous sommes sortis pour nous promener. Le jardin des moines nous a offert ses allées tranquilles qui abritent des treilles recourbées et où courent sur le sable des lézards furtifs. Ça et là, entre deux cyprès, entre deux ceps, des araignées ont tendu des toiles flexibles et irisées. On les voit qui s’y balancent, filandières appliquées, dentellières de la Lagune. Ce sont elles qui tissent les langes et le linceul du silence. p 108-109