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Citations de Henry Corbin (264)


C'est l'épisode final du poème que l'on s'attachera à résumer simplement ici, non seulement parcequ'il achève triomphalement le Cycle de l'Oiseau, mais parce qu'en s'y référant, c'est peut-être à l'aspect le plus caractéristique et à l'expression la plus achevée de la mystique persane que l'on réfère.
Ici donc, les Oiseaux sont partis par milliers; ils ont voyagé des années et des années, franchissant les sommets et les abîmes; c'est presque toute leur vie qu'ils ont consumée dans ce voyage. Mais sur les milliers qu'ils étaient au départ, à écouter l'admonition de la huppe, il ne survit qu'un tout nombre pour arriver au but sublime. Presque tous disparurent, les uns submergés dans l'Océan, les autres cloués sur les hauts sommets; les uns calcinés par les ardeurs solaires, les autres dévorés par les bêtes féroces; d'autres tous simplement épuisés de fatigue dans les déserts. Plus triste encore: d'autres s'entre-tuèrent, ou bien s'arrêtèrent ensemble au même endroit, et là occupés de vanités et de plaisir, périrent après avoir oublié l'objet de leur quête.
Bref, de ces milliers d'Oiseaux qui au départ remplissaient l'univers, il n'en arriva que trente. Encore étaient-ils frappés de stupeur par l'épuisement, le coeur brisé, l'âme prostrée, le corps abîmé. Cependant ils entrevirent la Majesté qu'on ne peut décrire, celle dont l'essence échappe à toute prise de l'intelligence humaine. Comme les oiseaux du Récit d'Avicenne émerveillés par les êtres de lumière peuplant le neuvième Ciel, ils virent réunis des milliers de soleils plus resplendissants les uns que les autres, des milliers de lunes et d'étoiles toutes également belles. Alors comme le pèlerin du Mi'raj-Nâmeh, ils furent ébranlés et troublés; peut-être s'étaient-ils avancés trop loin?
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Il appartient à la psychologie des symboles de vérifier dans quelles conditions se produit cette transparition de l'âme à elle-même, -de l'âme s'apercevant alors elle-même sous la forme d'un être ailé. Le symbolisme de l'aile s'impose spontanément comme un archétype (...). L'Oiseau est encore au rang d'un symbole, d'une Image par laquelle l'âme se médite et se pressent elle-même. Mais la visualisation peut devenir si intense, l'âme devenir elle-même si totalement vision, que le symbole s'efface dans l'éclat de cette transparence: c'est alors sa propre Image, son Soi-même, que l'âme soudain saisit non plus sous une espèce symbolique, mais comme une vision directe et immédiate. Tel est le cas dans un célèbre rêve du récit autobiographique de Gérard de Nerval: "Un être d'une grandeur démesurée -homme ou femme, je ne sais- voltigeait péniblement au-dessus de l'espace, et semblait se débattre parmi des nuages épais. Manquant d'haleine et de force, il tomba enfin au milieu de la cour obscure, accrochant et froissant ses ailes le long des toits et des balustres. Je pus le contempler un instant. Il était coloré de teintes vermeilles, et ses ailes brillaient de mille reflets changeants. Vêtu d'une longue robe à plis antiques, il ressemblait à l'ange de la Mélancolie, d'Albrecht Durer."
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"Mon nom est Vivens; mon lignage, filius Vigilantis; quant à ma patrie, c'est la Jérusalem céleste (la "Demeure Sacrosainte" al-Bayt al-Moqaddas). Ma profession est d'être toujours en voyage: faire le tour de l'univers au point d'en connaître toutes les conditions."
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Cette sotériologie, la rencontre du Moi transcendant, à la fois même et autre que moi-même, est comme en synchronisme avec l'éveil de l'âme à sa conscience d'Etrangère. Oeuvres philosophiques, romans spirituels en prose ou poèmes mystiques, fournissent ici d'amples documents pour une phénoménologie de la conscience étrangère. (...)
Quel est le sens de "venir en ce monde" (être jeté au fond de la crypte cosmique)? (...)
"Venir en ce monde", c'est passer du monde de la réalité au sens vrai (haqiqât), au monde qui est sans doute réel pour la conscience commune, mais qui au sens vrai n'est que figure et métaphore (majâz); cette venue au monde veut dire que les réalités au sens vrai sont devenues douteuses et improbables, suspectes et ambigues. "Sortir de ce monde"", accéder au monde vrai, cela signifiera que cette Ténèbre et ces doutes sont enlevés de la conscience qui de l'état de petite enfance (hâl-etifûlîya) passe à l'âge de maturité. Parvenir à cette conscience vraie du Vrai réel, c'est eo ipso devenir étranger au monde de la métaphore, dont la conscience commune se satisfait comme d'un monde vrai. Quitter ce monde, ce n'est point "mourir" comme sont morts ceux dont on dit qu'ils "sont partis", car beaucoup de ceux qui sont ainsi partis, n'ont en fait jamais quitté ce monde. Leur départ aussi est métaphorique, car ce n'est point de cette manière que l'on sort, au sens vrai, de la crypte cosmique. Pour en sortir réellement, il faut être devenu, redevenu plutôt, l'Etranger, c'est-à-dire une âme régénrée dans la Source de Vie, qui a effectué le passage du retour de "Majâz" à "Haqîqat".(...)
L'idée de ce passage nous réfère alors à l'opération mentale la plus caractéristique de tous nos spirituels, néoplatoniciens, Ishrâqîyûn, soufis, théosophes ismaéliens: le ta'wil ou exégèse spirituelle.
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Même s’il ne le sait pas, l’homme intérieur spirituel est déjà dans la société des Anges, tout en vivant dans son corps matériel. La mort, l’exitus physique, c’est le passage, le moment auquel il devient conscient de cette appartenance.
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Telle est l’Image enfantée ou l’extase vécue ici-bas par chacun, telle pour chacun sera sa mort. […] Nul ne peut espérer avoir dans l’autre monde la vision qu’il aura refusée ou profanée, livrée aux Ténèbres en cette vie.
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Exister à la manière de l’Ange, c’est désenténébrer l’aile obscure pour que les deux ailes réfléchissent de l’une à l’autre l’éclat d’une seule lumière. Ethiquement c’est en ce monde répondre pour l’Ange, tandis qu’il répondra de vous dans l’autre. Eschatologiquement, c’est la montée définitive au Sinaï […].
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Ne comprenant plus [les faits religieux], on les projette. Les effets perturbateurs sont attribués à quelque volonté mauvaise extérieure à nous-mêmes, de préférence celle du voisin. D’où les illusions collectives, les appétits de révolutions et les frémissements guerriers, bref toutes les psychoses de masses. Si la folie consiste à être possédé par un contenu inconscient non assimilé, quel espoir d’assimilation subsisterait encore, lorsque, précisément, la conscience nie l’existence de tels contenus ?
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L’état qui maintient la Conscience ou l’Essence séparées de la vie, correspond à ce que Jung décrit comme déflexion ou déracinement de la conscience.
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Pour trouver un parallèle oriental aux tourments et catastrophes qui menacent l’Occidental sur le chemin de son initiation à son être total, il faudra lire le Bardo Thödol à rebours.
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L'orientation est un phénomène primaire de notre présence au monde. Le propre d'une présence humaine est de spatialiser un monde autour d'elle, et ce phénomène implique une certaine relation de l'homme avec le monde,
son monde, cette relation étant déterminée par le
mode même de sa présence au monde.
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Le rôle des personnages féminins dans l'hagiographie et dans la théologie du shî'îsme est d'une importance extrême, insolite au regard des conceptions de l'Islam orthodoxe. D'une part, le shî'îsme iranien intègre, par la médiation de sa dernière princesse royale, l'ancien Iran dont le Prophète configura le plus haut symbole de la religion d'amour; d'autre part, grâce à la médiation, cette fois, de la mère du XIIe Imâm, la jeune princesse byzantine Narkès, c'est l'univers spirituel des attentes chrétiennes qu'il intègre au sien, sous une forme qu'un chrétien des temps primitifs, antérieurs aux conciles, eût peut-être bien reconnue comme la sienne. or, si ces deux figures féminines valent principalement comme de hauts symboles émergeant de la transconscience et 'imposant avec prédilection à la dévotion shî'îte, si de leurs vies ne sont surtout connus que leurs rêves et leurs prémonitions, l'apparition qui domine ces rêves et qui fixe leur destin est la figure céleste de Fâtima, la fille du Prophète, elle aussi saluée mystiquement comme la "Vierge-Mère" donnant origine à la lignée des Saints Imâms, les Très-Purs: princesse iranienne et princesse byzantine, mère du IVe Imâm et mère du XIIe Imâm, l'Occultée, l'Attendu, en sont à leur tour une exemplification et une récurrence.

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"Une nuit, je dormais dans ma maison. C'était une nuit où il y avait du tonnerre et des éclairs. Aucun être vivant ne se faisait entendre, aucun oiseau ne voyageait. Personne n'était éveillé, tandis que moi je ne dormais pas; je stationnais entre la veille et le sommeil."
C'est l'état initial caractéristique que mentionnent tous les Récits visionnaires; ce que la conscience commune regarde comme le jour et l'état de veille, n'est pour le mystique qu'une nuit et un sommeil dont il s'est enfin éveillé.
"Soudain Gabriel l'Archange descendit sous sa forme propre, d'une telle beauté, d'une telle gloire sacrale, d'une telle majesté, que ma demeure en fut tout illuminée."
Au terme de l'ascension céleste, le mystique rencontrera un Ange suprême, le plus grand des Anges, dont il sera dit, comme déjà dans le prologue, qu'il est l'Esprit-Saint et que son nom est Michael. (...)
Quoi qu'il en puisse être, le récit donne de Gabriel l'Archange une description prestigieuse: il est d'une blancheur plus éclatante que la neige, son visage est d'une glorieuse beauté, les ondes de sa chevelure retombent en longs plis; son front est ceint d'un diadème de lumière sur lequel est écrit "La ilâha illa'llaâh..." (Non Deus nisi Deus); six cent ailes rehaussent sa personne, parsemées de soixante dix-mille grains de chrysolithe rouge.
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...on se réfère au réel, comme s'il était entendu, une fois pour toutes, qu'il n'y a qu'un seul niveau de réalité. C'est précisément ce qu'une phénoménologie intégrale ne peut admettre.
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Il y a une certaine manière de percevoir les choses sensibles simultanément en ce monde-ci et dans le malakût, c'est-à-dire dans le monde suprasensible; de percevoir en même temps que le Soleil de ce monde le Soleil spirituel du monde suprasensible, et c'est le lever de ce Soleil spirituel qui importe à la "théosophie orientale".
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"car ceux qui attaquent les premiers, apprendront un jour par quel renversement ils seront renversés."
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Pour […] être l’homme d’un Nom propre, non pas d’une qualification commune et anonyme pouvant convenir à tous les croyants, il faut être un homme libre, un « ressuscité d’entre les morts. » C’est cet état qu’actualise la cérémonie d’initiation à laquelle nous assistons ici.
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Si le mode d’être réel de l’âme est non pas une solitude mais un être-en-dualitude, – si l’âme en son existence terrestre avec la conscience qui lui est propre, est le second membre d’un Tout dyadique dont le Moi supérieur ou céleste est le premier -, cela implique une ontologie rendant possible cette distance et distension que constitue sa présence au monde terrestre, et qui aussi en prévoie la résolution. Cela implique que l’âme ait non pas commencé d’être ici-bas, mais originée ailleurs, soit « descendue sur terre ». En simplifiant à l’extrême, on peut distinguer deux types dans le mode de présence que détermine cette descente sur Terre : il y a un type, disons platonicien, d’incarnation de l’âme descendant toute sur terre après un choix préexistentiel. Et il y a un type de descente de l’âme, disons gnostico-iranien, tel que cette descente résulte du dédoublement, de la déchirure d’un Tout primordial. Mais la possibilité de ce dédoublement doit être dès l’origine fondée dans la structure même de ce Tout, et c’est ce mode d’être que nous essayons de désigner comme « dualitude ». L’âme ainsi incarnée possède un « Pair-companion », un Double céleste qui lui vient en aide et qu’elle doit rejoindre, ou au contraire perdre à jamais, post mortem, selon que sa vie terrestre aura rendu possible, ou au contraire impossible, le retour à la condition « célestielle » de leur bi-unité. Cette ontologie de l’âme est connue bien au-delà des frontières de l’Iran (une même vision « sophianique » s’est imposée, peut-on dire, aux Cathares néo-manichéens, comme à un Novalis ou à un Boehme). Cependant les sources iraniennes manifestent primitivement, par excellence, l’archétype de ce mode d’être.

Dans le mazdéisme, les Fravartis (persan Farvahar) littéralement « celles qui ont choisi » (Lumière contre Ténèbres) ont préexisté aux âmes terrestres. Elles apparaissent d’abord comme les auxiliaires d’Ôhrmazd pour la défense du royaume de Pure Lumière face aux Contre-puissances des Ténèbres. Lorsque la Création fut produite à l’état matériel pour contribuer à cette défense, tous les êtres matériels eurent leur prototype dans des êtres célestes. C’est ainsi que les Fravartis ont été les Doubles célestes des âmes terrestres font elles furent réciproquement chacune l’ange tutélaire (comme la Nature Parfaite à l’égard d’Hermès). Mais la théologie mazdéenne développa et modifia ce theologoumenon. Si finalement âme et Fravarti ont été identifiées l’une à l’autre, c’est parce que l’on concevait les Fravartis comme ayant accepté de quitter le royaume de Pure Lumière (un grand nombre d’entre elles dût-il succomber) pour venir combattre sur terre les Contre-puissances démoniaques. L’âme pure, fidèle à Ôhrmazd sur terre, est donc en fait la Fravarti même; elle en est la condition terrestre. Condition passagère qui n’abolit nullement, comme telle, la structure bi-unitaire. Car alors le Double de la Fravarti devenue terrestre est à concevoir comme sa Daênâ, c’est-à-dire comme son Moi céleste qui est la Lumière de sa foi préexistant à sa condition terrestre. La rencontre eschatologique qui confère sa suprême signification au motif de « l’homme et son Ange », a lieu alors entre la Fraverti et sa Daênâ. L’abolition de la dualitude n’est consommée que si la Fravarti succombe aux Ténèbres. Ce qui est eschatologiquement s’offre alors à l’homme, c’est une fausse Daênâ, caricature de son humanité mutilée, reflet de lui-même réduit à lui-même.
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L’Imaginatio vera comme subtil corpus « corps subtil », est à la fois l’organe et le fruit de sa propre hiérurgie : elle doit produire à l’acte le corps transfiguré de la Résurrection, celui que l’alchimie chinoise appelle « Corps de Diamant ». L’enfantement et la pérennisation du corps spirituel psychique, c’est cela la naissance de l’homme pneumatique.
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Ce qui est appelé « féminisme » dans nos sociétés modernes ne fait que reconnaître définitivement la prépondérance et la primauté des valeurs masculines, voire pour les caricaturer.
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