AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Henry Corbin (264)


Une telle conception, qui remonte sans doute au passé le plus lointain de l'Iran, n'est pas aussi étrangère qu'on pourrait le croire à notre tradition spirituelle.Corbin fait remarquer qu'on en retrouve les traces dans un courant souterrain qui parcourt notre histoire, des Cathares néo-manichéens à Novalis, en passant par Jacob Boehme.Qu'est-ce que l'"Ange" en effet, sinon le monde vrai de l'homme, sa Nature Parfaite qui l'attend, mais dont la permanence céleste, acquise déjà, continûment le porte et soutient au temps de son exil?L'"Ange" est, au fond, son essence accomplie.
Commenter  J’apprécie          180
Dans la doctrine sohravardienne de l'Ishrâq, l'"Ange" est le double céleste de la Psyché terrestre.Etre de Lumière qui la fonde dans sa réalité d'âme, l'"Ange" est le Principe transcendant de son individualité.Il la transcende certes, mais d'une manière qui, loin de mettre en péril cette individualité, pour ainsi dire se consomme en elle.Le destin de l'homme est unique et voué à l'Unique.Mais à un unique qui n'est bien tel que pour chacun.Du même coup, à la formule pour nous traditionnelle de: l'homme et son âme, il convient, nous dit Corbin, de substituer celle plus riche et ontologique, de: l'homme et son Ange.
Elle affirme, au niveau du destin, non la juxtaposition de deux réalités distinctes ou la résorption éventuelle de l'une dans l'autre au sein de l'union mystique ou dans la mort, mais bien le mystère ontologique de Deux, qui restent pourtant Deux, en un Unique.
Commenter  J’apprécie          160
"Tout n'est que cendre et poussière, tout, sauf le Temple à l'intérieur de nous.Il est à nous, avec nous dans les siècles des siècles."
Vladimir Maximov
Commenter  J’apprécie          150
L'âme humaine est venue d'ailleurs.Bien des traditions l'enseignent, depuis Platon.Mais alors que, pour le platonisme, l'âme s'est en quelque sorte enlisée dans l'exil de la chair, "il y a, nous rappelle Corbin, un type de descente de l'âme, disons gnostico-iranien, tel que cette descente résulte du dédoublement, de la déchirure d'un Tout primordial".En s'engageant dans la chair, elle s'est pour un temps seulement séparée de son "Ange".Part intégrante, comme âme, d'un "Tout dyadique" qui la commande au plus intime, elle est, dès ici-bas, en réference constante à son Double céleste.C'est lui qu'elle doit rejoindre à la mort.Mais qu'elle peut aussi perdre à jamais si, durant sa vie terrestre, elle a été infidèle à ce compagnonnage permanent avec cette autre moitié d'elle-même, qui seule peut lui rendre un jour son unité perdue.
Commenter  J’apprécie          120
Le tawhîd théologique pose et présuppose Dieu comme étant d'ores et déjà un étant, Ens supremum. Or, le mot tawhîd est un causatif ; il signifie faire-un, faire devenir un, unifier. Il va de soi que pour le monothéisme abstrait qui consiste à s'exprimer sur le concept de Dieu, l'unité de celui-ci ne peut être envisagée comme résultant ontologiquement du tawhîd de l'homme.

Celui-ci est une attestation de l'Unité, non pas l'acte de l'Unifique se faisant soi-même Un dans chaque Un. Cette « unificience » entre en oeuvre avec et par le tawhîd ontologique : il n'y a dans l'être (dans l'Acte-être) que Dieu (laysa fî'l-wojûd siwâ Allâh). Ce qui ne veut pas du tout dire qu'il n'y a pas comme étant (mawjûd) que Dieu.

Cette confusion déjà dénoncée ici est si funeste que Haydar Âmolî n'hésite pas à dire en termes lapidaires : le tawhîd c'est affirmer l'être (wojûd, l'Acte-être), et c'est nier l'étant. Ce n'est pas nier que l'étant soit l'étant. C'est nier que le tawhîd professe l'Unité d'un étant, car il professe l'unité de l'être, de l'Acte-être.
(...)
Dès lors nous comprenons toute la portée de déclarations lapidaires comme celles de Haydar Âmolî : Celui-là qui contemple le Divin (al-Haqq) en même temps que le Créaturel (al-Khalq), c'est-à-dire l'Un en même temps que le Multiple, et réciproquement, sans qu'aucun des deux ne lui voile l'autre, celui-là, oui, est un unitarien, un théomoniste authentique, au sens vrai (mowahhid haqîqî).

En revanche, quiconque contemple le Divin sans contempler le créaturel, l'Unique sans le Multiple, celui-là atteste peut-être l'unité de l'Essence sans plus, mais n'est pas quelqu'un qui intègre la totalité, quelqu'un en qui s'accomplit en acte cette intégration. (p. 20 & 22)
Commenter  J’apprécie          110
Le symbole n'est pas un signe artificiellement construit; il éclôt spontanément dans l'âme pour annoncer quelque chose qui ne peut pas être exprimé autrement; il est l'unique expression du symbolisé comme d'une réalité qui devient ainsi transparente à l'âme, mais qui en elle-même transcende toute expression. L'allégorie est une figuration plus ou moins artificielle de généralités ou d'abstractions qui sont parfaitement connaissables ou exprimables par d'autres voies.Pénétrer le sens d'un symbole n'équivaut nullement à le rendre superflu ni à l'abolir, car il reste toujours la seule expression du signifié avec lequel il symbolise. On ne peut jamais prétendre l'avoir dépassé une fois pour toutes, à moins précisément de le dégrader en allégorie, d'en fournir des équivalences rationnelles, générales et abstraites.
Commenter  J’apprécie          100
Le corps imaginal (jism mithâli) est le corps absolument propre, le corps concret et singulier, en quelque sorte devenu spirituel.
Commenter  J’apprécie          90
Frères de la Vérité ! Dépouillez-vous de votre peau comme se désquame le serpent. Cheminez comme chemine la fourmi, sans que personne n’entende le bruit de ses pas. Soyez comme le scorpion qui porte toujours son arme au bout de sa queue, car c’est par-derrière que le démon cherche à surprendre l’homme. Absorbez du poison, afin de vous maintenir en vie. Aimez la mort, afin de rester des vivants. Soyez toujours en vol ; ne vous choisissez pas de nid déterminé, car c’est au nid que l’on capture tous les oiseaux. Si vous n’avez pas d’ailes, dérobez, procurez-vous des ailes par ruse, s’il le faut, car le meilleur des éclaireurs c’est ce qui a la force de prendre de l’envol. Soyez comme l’autruche qui avale des pierres brûlantes. Soyez comme les vautours qui engloutissent les os les plus durs. Soyez comme la salamandre qui se laisse envelopper par le feu avec aisance et confiance. Soyez comme les chauves-souris qui ne sortent jamais pendant le jour ; oui, la chauve-souris est le meilleur des oiseaux.

Frères de la Vérité ! le plus vaillant c’est celui qui ose affronter son lendemain ; le plus lâche, c’est celui qui reste en retard sur sa propre perfection. (citation d'Avicenne, p. 233)
Commenter  J’apprécie          90
Il nous faut revenir ici à la distinction, pour nous fondamentale, entre allégorie et symbole: la première est une opération rationnelle, n'impliquant de passage ni à un nouveau plan de l'être, ni à une nouvelle profondeur de conscience, de ce qui peut être déjà fort bien connu d'une autre manière. Le symbole annonce un autre plan de conscience que l'évidence rationnelle; il est le "chiffre" d'un mystère, le seul moyen de dire ce qui ne peut être appréhendé autrement; il n'est jamais "expliqué" une fois pour toutes, mais toujours à déchiffrer de nouveau, de même qu'une partition musicale n'est jamais déchiffrée une fois pour toutes, mais appelle une exécution toujours nouvelle;"
Commenter  J’apprécie          90
"Lorsqu'il arriva jusqu'à moi, il me prit dans ses bras, me donna un baiser entre les deux yeux et me dit: O dormeur! combien de temps dormiras-tu? Lève-toi! Avec sollicitude je te guiderai. Sois rassuré, car je suis Gabriel, ton frère."
Dormir, c'est se contenter des opinions vaines et toutes faites, répétées par tout le monde. S'éveiller (être un "Yaqzân", un Egrêgoros), c'est prendre conscience de tous les univers auxquels on ne peut accéder qu'à l'état de veille (bîdârî) mystique.
Commenter  J’apprécie          90
C'est le texte même, tel quel, qu'il faut aborder et lire d'un seul coup; il peut se faire que cette lecture provoque un choc, donne une impression de dépaysement et d'étrangeté, surtout si l'on n'est point encore familier avec le schéma avicennien du monde. Mais précisément l'impression de choc et de dépaysement conviennent éminemment à la situation du pèlerin qui s'aventure vers l'"Orient".
Commenter  J’apprécie          90
Le ta'wîl des textes suppose le ta'wîl de l'âme: l'âme ne peut ramener, faire revenir le texte à sa vérité, que si elle revient elle-même à sa vérité (haqîqat), ce qui implique pour elle une sortie hors des évidences imposées, hors du monde des apparences et des métaphores, de l'exil et de l'"Occident".
Réciproquement l'âme prend le départ, accomplit le ta'wîl de son être vrai, en prenant appui sur un texte -texte d'un d'un livre ou texte cosmique- que son effort va conduire à une transmutation, promouvoir au rang d'Evénement réel, mais intérieur et psychique.
Commenter  J’apprécie          90
Ce que l'on a voulu pricipalement montrer ici, c'est une aptitude caractéristique de ce que certains désigneront comme le génie iranien, d'autres comme la vocation imprescriptible de l'âme iranienne : une aptitude éminemment à édifier un système philosophique du monde, sans que soit jamais perdue de vue la réalisation spirituelle personnelle en laquelle doit fructifier la méditation philsophique, et faute de laquelle la philosophie n'est qu'un jeu stérile de l'esprit. Aptitude, par conséquent, à conjoindre la recherche philosophique et l'expérience mystique ; le refus de les dissocier donne à l'une et à l'autre un caractère si spécifique, qu'il faut déplorer que cette philosophie iranienne, irano-islamique, ait été jusqu'ici absente de nos histoires de la philosophie. Cette absence a appauvri, amputé, notre connaissance de l'homme. Depuis plus d'un millénaire, notamment encore et surtout au cours des quatre derniers siècles, la production des philosophes et spirituels de l'Iran a été considérable. Leurs problèmes recroisent ceux de nos philosophes, mais en y apportant, le plus souvent, des points de vue et des réponses que les vicissitudes des polémiques ont fait tenir à l'écart en Occident. Et pourtant cette voix iranienne est à peine parvenue à se faire entendre hors des frontières de l'Iran, si bien qu'aujourd'hui les Iraniens n'ont pas toujours conscience que leur culture traditionnelle peut recéler un message pour l'humanité actuelle, et voient encore moins comment "actualiser" ce message.
Commenter  J’apprécie          80
Hegel disait que la philosophie consiste à mettre le monde à l’envers. Le ta’wil et la philosophie prophétique consistent à le remettre à l’endroit.
Commenter  J’apprécie          71
Du côté des possibles, il y a discontinuité pure ; il y a récurrence non pas du même, mais du semblable. La continuité est du côté des Noms divins et des heccéités éternelles (a’yân thâbita). Du côté des phénomènes (mazâhir), il n’y a que des connexions sans cause, aucun n’étant cause de l’autre. La causalité est toute entière dans les Noms divins, dans le renouvellement incessant, d’instant en instant, de leurs épiphanies. Ainsi l’identité d’un être ne tient pas à quelque continuité empirique de sa personne ; elle est toute entière du côté de cette activité épiphanique, de son heccéité éternelle. Du côté du manifesté, il n’y a que du semblable, d’instant en instant.

Dès maintenant, on entrevoit le sens technique que prendra dans la théosophie d’Ibn ‘Arabî le mot fanâ’ (annihilation), d’un usage si courant dans le soufisme. Il ne désignera pas la destruction des attributs qui qualifient la personne du soufi, ni son transfert dans une station mystique abolissant son individualité pour la confondre avec le soi-disant « universel » ou avec la pure Essence inaccessible. Le mot fanâ’ sera le « chiffre » (ramz) symbolisant cette disparition des formes advenantes d’instant en instant, et leur surexistence (baqâ’) en la substance unique qui se pluralise en ses épiphanies. En ce sens, fanâ’ n’est pas contradictoire avec une activité de la créature, ou, plus exactement, c’est un aspect de cette activité, l’autre en étant sa persistance (baqâ’) dans l’Être Divin. (p. 216)
Commenter  J’apprécie          70
La catastrophe se produit lorsque des esprits débiles ou inexpérimentés en philosophie confondent cette unité de l'être (wojûd, esse, εῖυαι, das Sein) avec une soi-disant unité de l'étant (mawjûd, ens, ὂν, das Seiende).

Il est même arrivé que des orientalistes soient pris au piège et aient parlé de « monisme existentiel », c'est-à-dire d'un monisme qui serait au niveau de l'étant ou existant, le niveau même du multiple, le niveau auquel le théomonisme fonde lui-même le pluralisme des êtres (des étants). C'est là donc ne pas s'apercevoir de la contradictio in adjecto.

C'est le péril qu'a dénoncé avec vigueur un des grands théologiens-philosophes de l’École d'Ispahan, au XVIIe siècle, Sayyed Ahmad 'Alavî Ispahânî, reprochant notamment à un certain nombre de soufis d'être tombés dans cette erreur. « Que personne ne vienne à penser, dit-il, que ce que professent les théosophes mystiques (les Mota'allihûn) est quelque chose de ce genre. Non pas, ils professent tous que l'affirmation de l'Un est au niveau de l'être, et l'affirmation du multiple est au niveau de l'étant. »

La confusion aboutit à professer une unité de l'étant ou existant, s'exprimant dans les pseudo-ésotérismes par les affirmations d'une identité illusoire, dont la répétition monotone provoque une exaspération compréhensible chez un collègue de notre Sayyed Ahmad, un autre grand personnage de l’École d'Ispahan au XVIIe siècle, Hosayn Tonkâbonî.

En tête de son traité sur l'unité de l'être il écrit ceci : « J'étais préoccupé par le souci d'écrire quelque chose sur l'unité de l'être, laquelle va de pair avec la multiplicité de ses épiphanies (tajalliyât) et les ramifications de ses descentes, sans que les existences concrètes soient des choses illusoires, sans consistance ni permanence, comme le voudraient les propos que l'on rapport de certains soufis. Car, entendue à la manière de ces soufis, l'affaire n'est plus rien d'autre qu'un sophisme. Il s'ensuivrait en effet que cieux et terre, paradis et enfer, jugement et résurrection, que tout cela ne serait rien que l'illusoire. La futilité de ces conclusions n'échappera à personne. »

Le théomonisme professe donc non pas que l'Être Divin est le seul étant, mais l'Un-être, et précisément cette unitude de l'être fonde et rend possible la multitude de ses épiphanies qui sont les étants ; le seul exister existencifie les existants multiples, car en dehors de l'être il n'y a que le néant.

Autrement dit, l'Un-être est la source de la multitude des théophanies. (pp. 15-16)
Commenter  J’apprécie          70
L'éthique sohravardienne est rigoureuse: la philosophie est vaine et stérile si elle ne prépare pas et n'aboutit pas à l'expérience mystique; réciproquement, l'expérience mystique sans formation philosophique préalable est en grand péril de s'égarer.
Commenter  J’apprécie          70
D’un « jour » de la création à l’autre […], le nouveau Livre ne contredit ni ne détruit le Livre antérieur ; simplement il en abroge la Loi […] parce qu’il l’explique et le surmonte.
Commenter  J’apprécie          60
La résurrection, c’est s’éveiller de cette inconnaissance par l’éveil à l’ésotérique (bâtin), à l’invisible et au sens caché.
Commenter  J’apprécie          60
L’Homme Parfait (anthropos teleios) réfléchit comme un miroir non seulement les puissances de la nature, mais les puissances divines. Ce miroir (speculum) est le lieu de la théosophie « spéculative ». On a, à juste titre, évoqué à ce propos l’anthropos genikos, l’homme générique de Philon (l’homme céleste comme summun genus, l’homme terrestre comme summa species.)

Gîlî professe le théomonisme d’Ibn ‘Arabî (wahdat al-wojûd). L’Essence unique à laquelle se rapportent les Noms et Attributs présente deux faces : l’Être pur qui est l’Être divin (Haqq) et l’être conjoint au non-être qui est le monde des êtres créaturels (khalq). La pure Essence ne se revêt d’attributs qu’au cours de ses théophanies. De ce point de vue, il y a une différenciation entre l’Essence et les Attributs ; cependant les deux finalement sont un, comme l’eau et la glace. Le monde phénoménal est ici le monde théophanique ; aussi n’est-il nullement une illusion ; il existe vraiment, puisqu’il est précisément la théophanie, l’autre soi de l’absolu.

De ce point de vue, il n’y a pas de différence réelle entre l’Essence et les Attributs : l’être est identique avec la pensée. En accord avec Ibn ‘Arabî, Gîlî peut écrire : « Nous sommes nous-mêmes les Attributs par lesquels nous décrivons Dieu. » (Dans leurs hadîth, les Imâms du shî’isme déclarent : « Nous sommes les Noms, les Attributs… », donnant ainsi son fondement imâmique à la théosophie spéculative.)

L’Homme Parfait est la pensée cosmique, le microcosme dans lequel tous les Attributs sont réunis : c’est en lui que l’Absolu devient conscient de soi-même. (pp. 422-423)
Commenter  J’apprécie          60



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Listes avec des livres de cet auteur
Lecteurs de Henry Corbin (131)Voir plus

Quiz Voir plus

Complétez les titres de Pierre Desproges

Chroniques de la haine ...

annoncée
ordinaire
amoureuse
nécessaire

10 questions
88 lecteurs ont répondu
Thème : Pierre DesprogesCréer un quiz sur cet auteur

{* *} .._..