Voici un court roman, de 150 pages à peine, qui se lit d'une traite tant la tension entre les différents personnages monte en intensité tout au long de la lecture, jusqu'à la chute finale.
Autant vous dire qu'il n'y a pas un mot de superflu et que le lecteur entre immédiatement dans le vif du sujet en suivant un homme, le narrateur, dont on ne connaitra jamais le nom. C'est une personne psychologiquement perturbée.
Le roman débute alors qu'il est dans le métro. Le lecteur ne sait pas trop où il se rend. Il est un peu perdu, cherche du travail, est mal à l'aise quand il regarde le monde qui l'entoure, en particulier les publicités qui poussent les gens à la consommation. Il est très fragile et ressent une immense inquiétude devant ces sollicitations incessantes et totalement inutiles sauf dit-il, pour décérébrer la population.
Cet homme pourtant jeune souffre d'acouphènes, ce qui le rend par moment totalement inadapté au monde qui l'entoure, car cela l'empêche d'avoir des relations normales avec les autres, la maladie lui occasionnant de terribles migraines. Il semble aussi qu'il abuse un peu de la boisson quand il se rend au "Vauban" où tout le monde le connait et répond à son "bonjour".
Il va remarquer une jeune femme accro à son téléphone portable comme les autres. Elle a l'air d'écrire un roman avec ces deux pouces en action ! Tout de suite il croit la reconnaitre et est persuadé qu'il l'a déjà rencontrée durant ses études. Il ne se souvient plus de son nom et la baptise Eliane. Il décide alors de revenir sur la même rame pour la retrouver et essayer de la suivre pour en savoir plus sur elle, pour tenter aussi de l'aborder afin de vérifier que c'est bien elle et d'elle qu'il était alors tombé amoureux durant sa jeunesse.
Mais rien ne se passera comme prévu...
Cette rencontre va bouleverser sa vie, lui rappeler sa jeunesse, l'obliger à une introspection qu'il semblait fuir depuis longtemps. Il va alors se retourner sur son passé, revivre certains évènements douloureux de son enfance et regarder en face les fantômes qu'il avait tenté d'oublier.
En effet, il a depuis l'enfance un secret bien gardé, son frère Marcel, le héros de la famille, celui à qui tout réussit, le chouchou de sa mère, l'écrivain féru de littérature, celui qui sait tout, l'a toujours profondément méprisé, moqué, humilié en public, voire persécuté. Ce frère, le lecteur le découvre par petites touches. Il devient même par sa présence pesante et étouffante, le personnage principal du roman. Il est faux en cela qu'il s'est bien gardé de parler à son entourage de ce qu'il faisait subir à son cadet, pour ne pas ternir son image. Le lecteur comprend que le plus jeune ait pu souffrir d'autant de brimades et d'injustice.
Maintenant qu'il est arrivé à parler à Eliane, le narrateur n'a peur que d'une seule chose c'est qu'elle se détourne de lui pour s'intéresser davantage à Marcel, qui constitue alors une véritable menace pour leur relation...
Avec son style bien à lui, de l'humour (comme ces clins d'œil à ses propres écrits) et le souci du détail, surtout quand il s'agit de la nature des sentiments humains, l'auteur nous fait croire dès les premières phrases à une histoire toute simple, mais très vite le lecteur comprend que tout ce qu'il croit ou imagine, n'est pas la réalité.
L'auteur dévoile peu à peu la personnalité de ces deux frères que tout oppose. La tension monte et le lecteur comprend qu'ils ne peuvent pas en rester là.
Marcel existe-t-il vraiment ?
Le narrateur est-il victime d'un dédoublement de la personnalité ?
Rêve-t-il le personnage d'Eliane ?
Je me suis posé ces questions tout au long de ma lecture et bien entendu je ne vous dirai rien de ma conclusion, ni de la chute de l'histoire...
C'est la première fois que l'auteur publie un autre de ses titres chez l'Orpailleur qui édite depuis bientôt dix ans (2014 exactement)...
"Des livres qui donnent au lecteur le plaisir de découvrir, au fil des mots, des univers personnels et des histoires originales. Des livres qui ne se livrent pas immédiatement, à l’écriture affirmée, au style personnel, revendiqué et assumé."
"Pas de thème imposé, pas de genre imposé mais la nécessité que les textes racontent quelque chose, qu’ils proposent une vision, une perception, des émotions, qu’ils puissent susciter la réflexion, qu’ils emportent leurs lecteurs dans un monde où les mots ont tout leur sens."
Ces citations sont extraites du site de l'éditeur.
Merci à lui de m'avoir sollicité pour lire ce roman d'Hubert Delahaye.
Une belle découverte et un très bon moment de lecture.
Lien :
https://www.bulledemanou.com..