Je campe dans tes chevelures…
Je campe dans tes chevelures
Le chant se plie à tes pieds et prie
Le bec de tes seins m’ouvre
Voici des fontaines des renards pris aux cris
Alors tu danses Tatouée Cristal nu
Je n’irai jamais plus avant que ta nuit
Pour moi tu inventes les siècles les batailles les épopées les légendes
Tu fais l’Histoire obscène
Tu chevauches l’envers des mots
Je te veux lente peureuse un peu lourde d’ornements ôtés
Je t’ai logée dans le creux des arbres où rien ne vient
que l’air craintif le péché et la salsepareille
Le vent vient en ma maison …
Le vent vient en ma maison. Il gratte à ma porte.
Le vent m’emporte, me transporte, me rapporte.
Le vent me perd en chemin. C’est un diable, un requin.
Le vent a de grandes mains de lavandière, de mannequin.
Le vent broie le linge et le pain, boit mon vin,
Le vent courbe la fleur du lin, rameute les embruns.
Le vent convoque le thym. Le vent s’en va, s’en vient.
Le vent met le mal au bien, joue à la petite-main.
Le vent effraie mon chien. Le vent m’appelle :
je viens…
Il y a ceux qui chantent …
Il y a ceux qui chantent sans savoir.
Il y a ceux qui savent chanter.
Il y a ceux qui savent.
Il y a les blés.
POÈME DU CŒUR PERDU
L'amour me parle à haute voix…
L'amour me parle à haute voix : c'est la bruyère, et de sur-
croît,
la lande lige où est la croix, l'onde lascive où est la voix
que l'on entend, que l'on perçoit, que l'on joue à tu à toi
dans le désert et dans les bois, une dame demi-nue
qui a des seins couleur de miel. L'aube, aussi la tourterelle,
et les castels dans le soleil : un clair soleil qui force
joie.
p.51
POÈME DU CŒUR PERDU
Ici seront les connétables…
Ici seront les connétables, et là luzerne à foison.
C'est le moment du cœur à table. C'est
le moment du cœur repu. La vie s'en va
dessous la table : la lucarne sur la vie !
Je me perds dans les jambages du poème qui est requis.
C'est l'instant désagréable où la mort se met au lit.
p.51
AUTOMNE
(Fragments)
Vous êtes, belle dame, une laide que j'aime, et je ne sais
de vous que vos trésors de chair ; que vos doigts que je baise ;
que le dormant de votre corps lorsque le soir s'en vient
coucher par-dessus nous.
Les arbres musiciens illustrent
le silence de cet âge qui est le mien, lorsque l'automne vient.
La porte grince dans le noir. Le vent embouche sa clarine.
Le vent aux mille bouches. L'hiver est un maraud,
en sarrau bleu, menant des vaches normandes et des bœufs.
Mon chien gémit les yeux clos. Le temps voleur vole
les heures.
J'ai compté mon bonheur pendant des jours,
durant des heures, qu'Ardennaises qui prient
jouant du chapelet et de l'aiguille : je n'oublie rien.
Je vais, ma dame, en la forêt profonde, chercher image de vous.