Hyeonseo Lee, jeune nord-coréenne, était l'invitée d'Emmanuel Faux ce lundi pour parler de la fuite de son pays.
Il faut bien comprendre que les Nord-Coréens s'évadent parce-qu'ils ont faim, pas parce-qu'ils souffrent du manque de liberté. Lorsque le peuple nord-coréen aura appris ce que sont les libertés individuelles et la démocratie, c'en sera fini du régime de Pyongyang.
J’appris une leçon : on peut vivre avec presque rien, sans maison, voire même, comme ce serait plus tard mon cas, sans pays, mais on ne peut pas vivre sans famille ni amis.
J'avais six ans lors de mon entrée à l'école primaire d'Anju. Et bien que je fusse bien trop jeune pour en avoir conscience, cela marqua un tournant dans mes relations avec mes parents. D'une certaine façon, je ne leur appartenais plus. J'appartenais à l'État.
Elle regardait la foule dans une dernière supplique quand la police s'empara d'elle pour la traîner vers un poteau de bois au bout duquel une corde était déjà suspendue. Elle se débattit, flanqua des coups de pied à gauche et à droite, hurla. On lui passa la corde autour du cou en un rien de temps. La femme s'agita pendant quelques secondes avant que son corps ne s'affaisse, immobile.
Ma mère rentra à la maison sous une pluie diluvienne, le regard vide, sous le choc.Il était donc aussi facile de tuer un être humain qu'un animal ?
J’ai reçu une éducation sévère et j’en remercie ma mère.
Lorsque l’enfant grandit et que sa conscience du monde s’élargit, il découvre qu’il appartient à un ensemble plus grand que la famille, à un pays. Il s’identifie ensuite à l’humanité en tant que citoyen d’un monde global. Ce développement naturel ne s’est jamais produit pour moi.
Ce terme, songbun, désigne le système de castes qui prévaut en Corée du Nord. Une famille est classée comme « loyale », « indécise » (neutre) ou « hostile » selon ce que le chef de famille faisait avant, pendant et après la fondation de l’État en 1948. Si votre grand-père descend d’une lignée d’ouvriers et de paysans, s’il s’est battu du bon côté pendant la guerre de Corée1, votre famille est considérée comme « loyale ». Si vous comptez parmi vos ancêtres des propriétaires terriens ou des personnes qui ont travaillé avec les Japonais pendant l’occupation coloniale ou quelqu’un qui s’est enfui en Corée du Sud pendant la guerre, votre famille tombe dans la catégorie des « hostiles ».
Le cri perçant de ma mère me réveilla en sursaut. Je tendis le bras, Min-ho, mon petit frère, se trouvait bien à côté de moi, profondément endormi. Mon père déboula dans la chambre en hurlant : « Vite, vite, dépêchez-vous ! Debout ! » Il nous tira par le bras et nous poussa dehors, dans la nuit, Min-ho tout engourdi de sommeil. Ma mère nous suivait en poussant des cris de panique. Dans la rue, nous vîmes une épaisse fumée noire s’échapper par la fenêtre de la cuisine. Des flammes léchaient le mur extérieur.
Soudain, je vis mon père se précipiter dans la maison.
Mon père et ma mère étaient enfin libres de se marier. Mais un nouvel obstacle les attendait : ses parents à lui. Ils auraient désapprouvé leur union s’ils avaient appris que ma mère avait eu un enfant d’un autre homme. Mes parents décidèrent donc de garder mon existence secrète.
Un soir alors que nous flânions dehors après le dîner, elle déclara, songeuse.
- "Ce n'était pas du pipeau.
- De quoi parles-tu ?
- Toutes ces voitures, toutes ces lumières qu'on voyait dans les séries sur-coréennes achetées sous le manteau, tu vois, j'ai toujours cru que c'était un instrument de propagande, un décor destiné aux tournages..."
Elle secoua la tête, épatée.
"C'est incroyable..."