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Citations de Ileana Mãlãncioiu (20)


Ileana Mãlãncioiu
À travers la zone interdite

l’espace dévorait en soi toutes les choses
silencieusement je les suivais encore
du regard jusqu’à l’endroit où l’on ne voit plus rien
comme dans les flancs d’un animal incolore
qui épuise le monde et demeure affamé
au moment même où il avale
tout, jusqu’au dernier être vivant
jusqu’à la roche finale
ayant servi de tombeau à un homme
et jusqu’à la croix
posée sur ses épaules
une dernière fois
épouvantés nous attendions notre tour
l’heure approchait fantastique et sévère
l’espace dévorait en soi toutes les choses
et impuissants nous le regardions faire.

(traduit du roumain par Annie Bentoiu)
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Ileana Mãlãncioiu
Pastel

C’est le printemps. L’asthénie est en fleur
Qui doit mourir mourra maintenant
S’il n’a pas encore fleuri
Le tombeau de mon père fleurira.

Ma mère y a mis des fleurs de toutes sortes
Pour qu’ainsi passe le temps s’il se peut
En moi de nouveaux germes une pensée
Qui me coûtera.

Je ne puis m’y arrêter en ce moment
Un vent de printemps commence à tamiser
Les propos sans vergogne d’une femme
Devenue folle durant l’hiver.

(traduit du roumain par Alain Paruit)
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Ileana Mãlãncioiu
Je regarde dans ton âme

Je regarde ton âme détachée de ton corps
Et qui à minuit dans ma chambre est venue
Elle est triste et fatiguée et seule
Elle n'a pas appris à sortir sans être vêtue

De chair et d'os, elle n'a pas appris
À soutenir des regards qui vont droit en elle
Elle se tient devant moi et elle éclaire
Et elle tremble comme une agnelle.

Je la lâche dans l'obscurité
Et elle flotte sur les eaux noires
Et elle retourne au corps
Qui ne peut plus la recevoir.
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Ileana Mãlãncioiu
Éden

Me voici devant la moult douce reine
Et nous devisons comme entre êtres morts
Mourantes de par notre amour perdu,
Toutes deux soumises au même sort.

J'avais un aimé sur terre lui dis-je
J'en eus un aussi murmure sa bouche
Le mien était le soleil qui se lève
Le mien était celui qui se couche.

Puis tu t'en viens toi celui mort plus tard
Ou celui encore qui jamais ne meurs
J'ai aimé dis-tu d'abord une reine
Une jeune fille après à autre heure.

Ainsi devisons tous tranquillement
Car nul ne peut plus onques préciser
À qui est l’os que regardons ici
Comme un corps en une autre éternité.

(traduction en français par Aurel George Boeșteanu)
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Ileana Mãlãncioiu
Ceci est ma tête

Je me tâtais la tête du bout des doigts
Je voulais m'assurer que rien n'y manquait
Je trouvais mes yeux et ma bouche à l'endroit
Et je commençais à comprendre

Grâce à mon cœur qui battait toujours
Que tout apparemment était à sa place.
Je me montrais donc avec elle sans détour
Au festin donné par qui vous savez.

Ceci est ma tête, lui disais-je alors
Et ma voix était indiciblement grave
Et je m'étonnais de pouvoir parler encore
Et ma voix montait du plat.

(traduit par Alain Paruit, p. 7 de « Comme dans un dessin de Escher, huit poètes roumains »)
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Ileana Mãlãncioiu
le dernier souvenir

l’espace dévorait en soi toutes les choses
silencieusement je les suivais encore
du regard jusqu’à l’endroit où l’on ne voit plus rien
comme dans les flancs d’un animal incolore

qui épuise le monde et demeure affamé
au moment même où il avale
tout, jusqu’au dernier être vivant
jusqu’à la roche finale

ayant servi de tombeau à un homme
et jusqu’à la croix
posée sur ses épaules
une dernière fois

épouvantés nous attendions notre tour
l’heure approchait fantastique et sévère
l’espace dévorait en soi toutes les choses
et impuissants nous le regardions faire.

(traduit du roumain par Annie Bentoiu)
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Ileana Mãlãncioiu
Vœu
Avoir un lieu à moi où pleurer si possible
La tête entre les mains sans personne pour me voir
Quand les larmes brûlées me montent à la gorge et croissent
Et s’élèvent encore jusqu’à mon menton.
Sentir ces longs pleurs commencer à m’étouffer
Sans personne pour m’en sortir et me mettre à crier
Le plus fort à l’entour contre les murs chancelants
Comme si de sable par erreur étaient leurs soubassements.
Laisser ensuite aller dans ces larmes claires mon corps
Et qu’on l’y voie flotter en surface comme un noyé,
Sans que l’on sache si au moment où j’ai commencé de pleurer
Et de me voir dans ces pleurs j’étais femme ou bien homme.
Que vienne alors quelqu’un des environs du lieu
Où l’on m’a laissée, et qu’il vous appelle à voir
Qu’il lui faut me chasser, parce que j’ai tellement pleuré
Que depuis quelques temps les murs de larmes se sont mis à suinter.

(traduit du roumain par Nicolas Cavaillès)
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Ileana Mãlãncioiu
Je me tiens en un lieu retiré

Je me tiens en un lieu retiré, oublié du monde
Comme si j'étais engloutie par la nuit
De la façon la plus naturelle qui soit
Et personne ne se demande où je suis.

Aucun ange ne me rend plus visite
Mon cerveau est de plus en plus flétri
Une lézarde cachée grandit chaque jour
Dans le mur du cachot avec lequel j'écris.
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Ileana Mãlãncioiu
Tous nous ne verrons plus

Tous nous ne verrons plus, me disait-il
Quelques-uns plus tôt, quelques-uns plus tard
Ensuite il fixait l’homme qui nous gardait
Ensuite la femme

Qui lui tournait autour comme autrefois
Il se dirigeait vers eux par simple habitude
Comme s’il les voyait encore
Et cela me semblait être une victoire

Dans ce combat de l’œil contre le regard
Dont je ne comprenais pas ce que j’en avais lu jadis
Et à sa place je commençais à voir l’autre
Presque sain, presque entier

Presque aussi aveugle et inconscient
presque aussi beau, presque aussi près
De l’instant où il voyait encore tout
Et eux ils s’apprêtaient à l’enterrer.

(traduit du roumain par Alain Paruit)
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Ileana Mãlãncioiu
Prenez garde

Le sol de mon pays est plus qu’une chose dehors
Le sol de mon pays dans mon cerveau est inscrit
Là-bas il est fertile les ans quand on l’oublie
Et aussi les années quand Dieu le punit

Là-bas il ressemble à ma matière grise
Fort peuplée d’anges et d’oiseaux saints
Là-bas personne avec lui ne pavoise
Et personne ne le ment

Là-bas les graines mûrissent au terme
Là-bas le maïs est cueilli sans délai
Là-bas il y a place pour les moissonneurs
De là de temps en temps sortaient

Des pensées pures comme les papillons blancs
Qui embellissent pour nous l’extérieur
Là-bas reste de temps en temps
Un vide infini et une amère douleur

Quelque chose commence à m’inquiéter
Des changements se passent, j’ai une peur infinie,
Prenez garde de mon cerveau bouillant de douleur
Prenez garde de la terre fertile de cette patrie.
*
traduit du roumain par Cindrel Lupe
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Ileana Mãlãncioiu
Je regarde dans ton âme

Je regarde dans ton âme détachée de ton corps
Pour venir à minuit dans ma chambre
Elle est triste, elle est fatiguée, elle est seule
Elle n’est pas habituée à sortir sans un vêtement

De chair et d’os, elle n’est pas habituée
À ce qu’on regarde droit en elle
Elle se tient devant moi et elle éclaire
Et elle tremble comme un agneau.

Je la lâche dans l’obscurité
Et elle flotte sur les eaux
Et elle retourne vers le corps
Qui qui ne peut plus la contenir.

(traduit du roumain par Alain Paruit)
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Ileana Mãlãncioiu
Cauchemar

J'étais arrivée en un lieu maudit
Pas un éclair, pas un rayon aérien,
Pas d'espoir, mais les esprits du mal
Gardés par un ange gardien.

On eût dit l'ange déchu
Il sortait de la nuit devant moi
Et il gardait un monde en ruine
Sans en savoir le pourquoi.

Je te cherchais et ne te trouvais pas
Seule ton ombre se penchait, modeste,
Sur l'ange gardien des esprits du mal
Dont la vue me donnait une nausée céleste.
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Ileana Mãlãncioiu
Crayon

Je suis seul. C'est la nuit
Les ombres des morts sortent des tombeaux
Traînant des corps inertes
À moitié pourris
Seul ton corps mon père
Sort sain et sauf
Portant son ombre sur son dos
Tel un trésor.
Des flammes qui dansent
Et j'oublie
Qu'il n'y a que des morts
Autour de toi
Et me voilà en train de crier :
Eh ! messieurs ne voyez-vous pas
Que l'un de vous se fait brûler vif ?
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Ileana Mãlãncioiu
L’oiseau au cou tranché

Selon la coutume, les vieux m’ont cachée,
Pour que je n’oublie pas la peur de l’oiseau au cou tranché,
Et moi, je l’écoute à travers la porte fermée
Se rouler par terre et se débattre.

Je tords le verrou gâté par le temps
Pour oublier ce que j’ai entendu, pour échapper
À ce débattement dans lequel
Le corps court toujours après la tête coupée.

Je frissonne quand les yeux pétrifiés épouvantés
Roulent et deviennent tout blancs
Et quand pareils aux grains de maïs
D’autres oiseaux viennent les picorer.

Je prends d’une main la tête, de l’autre le reste,
Et quand c’est trop lourd je fais l’inverse,
Pour qu’ils restent encore liés, avant qu’ils ne meurent,
Du moins ainsi, à travers mon corps.

Mais plus tôt meurt la tête,
Comme si le cou avait été mal tranché,
Et pour que le corps ne se débatte pas tout seul
J’attends qu’à travers moi le rejoigne la mort.
*
Anthologie de la poésie roumaine contemporaine,
choix et traductions par Linda Maria Baros, in Confluences poétiques, Paris, 2008
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Ileana Mãlãncioiu
Dis-le-moi, père

C’est l’automne, le ciel est clair,
À travers ma fenêtre, l’on voit la forêt
Aux feuilles rouges
Qui vont bientôt tomber
Et moi je les regarde
Se tenir accrochées
Comme les langues d’un peuple
De pendus.
Dis-le-moi, père,
Qu’arrive-t-il à ce peuple
Et pourquoi reste-t-il devant ma fenêtre
Pour me tirer la langue.
*
Anthologie de la poésie roumaine contemporaine,
choix et traduction par Linda Maria Baros, in Confluences poétiques, Paris, 2008
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Ileana Mãlãncioiu
Sinon comment

Enterrée dans le parfum des roses
de l’éclatante matinée
cueillant des pétales telles des griottes pourries
je les mettais dans la main de Grand-mère
où elles se transformaient en gelée.

Ma douce lumière aussi délivrance
le fil de l’espoir ne fut pas abîmé
tant que flotte encore le miel jaune
avec des pétales dedans jetées
de sa main en dessous refermée.

On peut pas nous séparer pour de bon
de ceux partis d’entre nous
sinon comment pourraient pourrir les clôtures
de ce cimetière rustique où les fleurs
sont plus grandes que les croix des sépultures.
*
traduit du roumain par Cindrel Lupe
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Ileana Mãlãncioiu
Aucun de nous ne verra plus

Aucun de nous ne verra plus, me disait-il,
Tôt ou tard les yeux perdront leur flamme
Et puis il fixait l'homme qui nous gardait
Et puis la femme

Qui lui tournait autour comme autrefois
Il se dirigeait vers eux de mémoire
Comme s'il les voyait encore
Et cela me semblait être une victoire

De ce combat de l'œil contre le regard
Que jadis je n'avais pas su comprendre
Et à sa place je commençais à voir l'autre
Presque sain, presque tendre

Presque aussi aveugle est inconscient
Presque aussi beau, presque aussi près
De l'instant où il voyait encore tout
Mais ses fossoyeurs étaient déjà prêts.
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Ileana Mãlãncioiu
Je n'aurais pas voulu

Père engagé contre la solitude
À qui te plains-tu aujourd'hui de la mienne
Pour l'approfondir
Il suffisait qu'on la plaigne.

Parti avec tout le village autour de toi
Un homme venu d'ailleurs te parlait de nous
Et de la guerre faite ensemble
Et de ce qui fut après coup.

On grattait une plaie ouverte
Et il régnait un lourd silence
À genoux en son sein je croyais
Que tu avais oublié ta souffrance.

Je n'aurais pas voulu qu'on te la rappelle
Mais tu nous regardais la mine altière
On eût dit qu'enfin tu avais été compris
Et qu'on t'avait rendu ta terre.
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Ileana Mãlãncioiu
Monsieur Arthur

Monsieur Arthur était assis devant l’âtre,
ne vous ennuyez-vous pas tout seul, ai-je demandé,
je ne suis pas seul, me rassura-t-il, je suis avec les pouillots véloces,
et il ouvrit l’âtre pour me les montrer.
N’aie pas peur, me dit-il, rien ne peut leur arriver,
les pouillots véloces sont très résistants au feu,
et c’est en effet sur un monceau de braise que je les vis hissés
comme sur un œuf couvé prêt à éclore.
J’entendis même un coup léger
dans la coquille de feu
et je vis en sortir pour de vrai
le premier poussin du nouveau
peuple d’oiseaux sans griffes
et sans crête et sans jabot
qui chantait dans l’âtre de monsieur Arthur
*
Anthologie de la poésie roumaine contemporaine,
choix et traduction par Linda Maria Baros, in Confluences poétiques, Paris, 2008
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Ileana Mãlãncioiu
Reste, reste encore

Quand tout le monde rit où il faudrait pleurer,
Quand la maison est vide et la rue en délire,
Quand aucun mort qui se respecte encore
Ne veut plus en son cimetière demeurer

Mais traverse en plein jour les rues,
Comme un rat annonçant la peste,
Quand nous rêvons tous d’une mort qui soit résurrection,
Quand il n’est rien de plus triste que cette blague

Qui fait rire tout le monde aux éclats,
Quand tous savent tout trop bien et n’ont plus rien à apprendre,
Je me réjouis que toi tu ne saches pas quoi faire
Et m’en remets humblement à ton ignorance.

Reste, reste encore un temps dans ta grande déroute
Où le monde est comme en son premier instant,
Ne ris pas, ne te mets pas toi aussi à comprendre,
Reste, reste encore ainsi. Reste, reste encore.

*

O, mai rămîi

Cînd toată lumea rîde unde ar fi de plîns
Și casa e oystue și strada e-n delir,
Cînd nici un mort care se mai respectă
Nu vrea sa mai rămînă-n cimitir

Ci trece drumul în amiaza mare,
Ca șobolanul care-anunță ciuma,
Cînt toți visăm o moarte ca pe o înviere,
Cînd cea mai tristă este insăși gluma

La care hohotește toată lumea,
Cînd toți știu bine totul și n-au ce mai afla,
Mă bucur că tu nu știi ce se mai poate face
Și mă întorc smerită către neștiința ta.

O, mai rămii o vreme în marea ta derută
În care lumea este ca-n clipa cea dintîi,
Nu ride și nu-ncepe și tu să înțelegi,
O, mai rămïi așa. O, mai rămîi.

***
Comme pleurent les âmes seules (Hochroth, 2016) – Traduit du roumain par Nicolas Cavaillès.
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